Comment diminuer le taux de redoublement ? 

Alors qu'un projet de décret prévoit de rendre quasi impossible le redoublement, comment font les autres pays européens ? Un rapport Eurydice étudie le redoublement dans les 27 pays de l’Union Européenne et casse bien des représentations et des idées reçues.

 

Il indique tout d’abord que dans tous les pays de l’Union européenne «  selon la législation en vigueur, il est possible pour un élève de redoubler une classe…. Le redoublement est donc proposé comme la dernière réponse aux difficultés d’apprentissage. Il est considéré qu’en répétant une année scolaire, l’élève a l’opportunité d’améliorer son apprentissage et ses compétences. » (page 21)

 

Il indique également qu’il est difficile, notamment en primaire de comparer les différents pays, puisque certains utilisent de manière significative le redoublement, alors que d’autres affichent des taux de redoublement faibles, mais « retardent » l’entrée des élèves dans la première classe de l’enseignement obligatoire. « Les enfants qui sont jugés comme n’étant pas suffisamment prêts pour l’école primaire sont maintenus au préprimaire une année supplémentaire, le temps nécessaire pour eux de se préparer à ce nouvel univers qu’est l’éducation primaire et ses exigence….Dans 9 pays ( Tchéquie, Danemark, Allemagne, Estonie, Lettonie, Hongrie, Autriche, Roumanie et Slovaquie) …il est fréquent de retarder l’admission des enfants à l’entrée en primaire. Une fois entamé leur cursus, les élèves en grande majorité ne redoublent pas… ». ( p. 11, p. 37 ) ce qui, indique le rapport, fait que à la cinquième année du primaire la répartition des âges est assez homogène pour les différents pays de l’UE.

 

Entre 10 et 16 ans, les conseils de classes se prononcent en fin d’année scolaire partout sur les mêmes critères « Dans la totalité des pays, le progrès scolaire de l’élève est exprimé par des notes et à la fin de l’année scolaire, sa progression à l’année suivante ou son maintien sont décidés sur la base des notes qui lui ont été attribuées… » (pages 43, 44). Pour tous les pays de l’UE, à peu près le même pourcentage d’élèves est appelé à redoubler en fin d’année scolaire. Les chiffres sont similaires en  « Belgique, Danemark, France, Malte, Finlande et Suède.. », mais les procédures de mises en œuvre des propositions sont très différentes. 

 

L'omniprésence des examens de rattrapage

 

« Dans presque tous les pays (sauf en France, à Malte et au Portugal), les élèves n’ayant pas réussi l’année scolaire ont la possibilité de passer des examens de rattrapage ou de recevoir des devoirs supplémentaires afin d’améliorer leur(s) note (s) et ainsi d’éviter le redoublement.  ….Il s’agit de faire bénéficier l’élève d’une seconde chance d’être évalué et donc d’être admis dans la classe. Les pays qui pratiquent ses dispositifs proposent des devoirs supplémentaires dans les matières où ils ont échoué ou des examens/tests en fin d’année ou juste avant la rentrée des classes ( page 45)  ».

 

Il y a donc dans la grande majorité des pays de l’UE, une session de juin qui propose et une session de conseil de classe fin août qui décide. Par exemple «…..En Finlande, selon les réglementations , les élèves doivent avoir la possibilité de prouver qu’ils ont atteint un niveau acceptable via différentes méthodes adoptées à leurs capacités ( examens écrits, discussions avec l’enseignant, etc. ) » ( page 27). Ces sessions de fin août, début septembre rattrapent environ 75 à 80% des élèves proposés au redoublement en juin.

 

Comme l’indique le rapport Eurydice, c’est cette différence de procédures qui explique le taux élevé de redoublement en France et non le fait qu’ailleurs le redoublement serait prohibé. A l’inverse de la France, dans les autres pays de l’UE (sauf deux)  «  les élèves en difficulté peuvent avoir l’occasion d’obtenir une promotion conditionnelle dans la classe supérieure…..Ils doivent s’inscrire pendant les congés scolaires à un programme de rattrapage et de révision établi par l’équipe enseignante et passer avant la rentrée l’évaluation correspondante. Celle-ci est prise en compte pour autoriser l’élève à poursuivre des études » ( page 46).

 

La France aurait intérêt à s’inspirer de ce rapport non pas pour supprimer le redoublement ( ce qu’aucun pays de l’UE n’a fait) , mais pour modifier les procédures en mettant en place comme cela existait auparavant pour le baccalauréat une session de juin et une session de septembre de rattrapage avec des dispositifs de rattrapage financés par l’Etat.

 

Jean-Louis Auduc

 

 

Sur le Café :

Le ministère décrète la fin du redoublement

Redoublement : un cadavre trop grand pour B Hamon

 

 

 

Par fjarraud , le mercredi 09 juillet 2014.

Commentaires

  • Jean Maurice, le 09/07/2014 à 12:34

    Retarder l’entrée à l’école élémentaire est une véritable nécessité compte tenu du système abject et impitoyable qui est imposé aux élèves. Force est de constater que pendant que l’Inspection s’étonne (en costard cravate dans des salons feutrés) que les PE ne parviennent pas à mettre en œuvre une véritable pédagogie différenciée efficace sur le long terme, l’administration,elle, continue de scolariser en CP de manière obligatoire des enfants ayant des niveaux parfois très bas, des contingents d’élèves ayant jusqu'à un an d’écart(puisque basés sur l’année civile) … certains cumulant souvent les deux handicaps : niveau faible et naissance en fin d'année... Tragique !

    Oui, la pédagogie différenciée est un vœu pieux parce qu’elle est souhaitée par la hiérarchie mais totalement à la charge des enseignants qui ne sont pas en mesure d’assurer la recherche et le développement de l’ensemble des outils et dispositifs nécessaires à sa mise en place (ils ont beaucoup à faire par ailleurs). Il n’y a rien de prêt, rien de concret, pas plus dans la littérature que dans la formation (de moins en moins présente et assez peu expérimentée sur le sujet). D'autant qu’il faudrait aussi penser logistique (encadrement, locaux, moyens techniques et financiers…).

    Messieurs de l’Inspection et du Ministère, sortez le bleu de chauffe et cessez vos injonctions ! Et n’imaginez pas non plus que les éditeurs scolaires soient en capacité de faire le boulot. De toute manière, la plupart des modes de structuration pédagogique exigés (préparation des séquences avec objectif précis, progressions communes, planifications annuelles) sont autant d’obstacles à la constitution de parcours individualisés. Parce que la différenciation est d’abord affaire de temps, de délais plutôt, et parce que les apprentissages de chacun ne se font pas au même rythme et selon les mêmes échéances. Fixer un objectif ponctuel par séquence, comme il l’est demandé aux PE, est donc une pure hérésie. Chaque acquisition doit faire l’objet pour chacun des enfants d’une réitération des exercices selon un nombre variable (et indéfinissable a priori) d’exercices et sur des périodes différents pour chaque élève. Or une telle conception débouche difficilement sur des manuels concis et faciles d’usage, seuls outils que savent produire et commercialiser les éditeurs. Il y a des solutions, mais il faut complètement casser  les usages, les poncifs dans la manière de faire classe, à commencer par arrêter de penser le primaire comme le secondaire suivant un emploi du temps qui fait se succéder les disciplines heure après heure, seulement pour donner lieu à un document lisible pour l’inspection. Document obligatoire, soi-disant pour vérifier la juste répartition horaire liée au quotas disciplinaires exigés par les programmes officiels… mais totalement incompatible avec les rythmes de vie et d'apprentissage des jeunes élèves.

    Alors reste cette possibilité, bizarrement complètement hors sujet depuis longtemps, de maintenir des enfants en maternelle plutôt que de les pousser dans le grand bain en imaginant leur autoriser un redoublement assez peu rentable et depuis peu en essayant de ne plus le pratiquer… ce qui fait que plus aucune solution n’est à disposition des enseignants et des élèves… Sauf à faire cette pédagogie différencier chimérique. Il est clair que dans d’autres pays, ce maintien fonctionne. Moi-même je le pratique parfois puisqu'en poste sur une GS CP, je peux à loisir faire suivre des activités de GS à un CP déclaré, donc le maintenir en GS avant de lui faire redoubler officiellement son CP ou son CE1. Cela ne m’empêche nullement de développer des dispositifs de différenciation modernes et efficients. D'expérience, cette solution est bien plus efficace que le maintien en fin de cycle ! Généralement, les difficultés touchent principalement les enfants nés sur le dernier trimestre, le rattrapage n’est donc qu’un réajustement de la distorsion causée par l’organisation administrative.

    • stephan, le 10/07/2014 à 09:31
      Entièrement d'accord..
      Dans notre école primaire (maternelle+élémentaire donc) nous voyons depuis des années des élèves de GS "pas prêts" pour entrer en CP, mais qui doivent y aller quand même  parce que le redoublement en maternelle, c'est verboten!
      Parfois à une semaine près... (enfants nés fin décembre), on fabrique artificiellement de l'échec scolaire.
      Un comble quand on connait la qualité et la bienveillance de l'école maternelle en France.
  • Viviane Micaud, le 09/07/2014 à 10:10
    Ce qui m'étonne est la partie sur la Finlande. C'est en contraction avec les données que l'on trouve dans le livre de Paul Robert, édité en 2008 "La Finlande : un modèle éducatif pour la France".
    Dans ce livre, il est indiqué qu'il n'y a pratiquement pas de redoublement jusqu'à fin de l'école fondamentale (15 ans). Par ailleurs, il est généralement écrit dans la presse que la Finlande commence à mettre des notes dans l'équivalent de notre 3ème. 
    Dans le livre de Paul Robert, il est indiqué que l'orientation après 15 ans, est très sélective et se base sur les notes de 3ème.
    La description du système de rattrapage sur la Finlande correspondrait mieux à ce qui se passe au lycée finlandais (non au collège), qui en 2008 était en dysfonctionnement, peu propice à encourager au travail, des conséquences de choix d'option peu lisibles et ne permettant pas à s'appuyer sur la dynamique des groupes classes. Ils ont dû resserrer la vis et mettre en place des processus de rattrapage lors d'un échec à un module.
    Le livre de Paul Robert indique lui qu'au niveau collège on n'hésite pas si c'est nécessaire de donner des cours différents aux élèves qui ont des fortes lacunes préjudiciables pour leur capacité de tirer profit des enseignements.
    Grosso-Modo, il y a des incohérences que je n'explique pas entre les informations que j'emmagasine depuis 6 ans et ce que je lis ici. De mémoire, les publications indiquent des taux de redoublement très supérieurs en France pour les enfants ayant moins de 14 ans.
    D'autant que je suis formelle. Au collège, le redoublement peut être bénéfique que pour les élèves entre 8 et 9 de moyenne et qui ont le soutien de leurs parents. Ceux qui ont moins de 7 n'ont pas les moyens de récupérer leurs lacunes, on préfère les faire passer sachant qu'en faisant cela le système scolaire leur refuse de fait la 2nde Générale. S'ils y vont grâce au stupide processus "dernier mot au famille pour l'orientation mais pas pour l'affectation", ils seront réorientés dès le premier trimestre.
    Par contre, cela me semble cohérent avec ce qui se passe au moment du premier palier d'orientation qui se situe en fin d'école du socle. L'acceptation au lycée peut se faire par un examen si le conseil de classe le refuse. 
    Mon intuition est qu'il y a une confusion entre ce qui se passe pendant la durée de l'école du socle où le redoublement n'est pas la norme au niveau européen, et l'affectation dans le parcours post école du socle qui lui se fait, en essai-erreur avec des taux de redoublement proches partout. 
    En tous les cas, il y a des écarts avec ce qui est écrit dans d'autres études, peut-être dus à des ambiguïté de présentation, peut-être dus à une évolution d'un grand nombre de systèmes éducatifs.
    Je reste sur ma position :
    - Jusqu'en fin de 3ème suppression du redoublement (sauf exception) avec cours différents en maths, en français et en anglais, pour les élèves qui ont des lacunes à un niveau qui les empêchent de tirer parti du cours. Pour les autres matières, les programmes et contrôles associés sont choisis et les cours sont organisés de manière à ce que tous les élèves puissent en tirer parti y compris ceux qui ont des fortes lacunes en lecture et en expression écrite.
    - En 3ème et en 2nd, en cas de non-admission dans le parcours souhaité, possibilité de redoubler une fois sur les deux ans avec changement de parcours si nécessaire. Il faut changer la procédure en prenant en compte la motivation pour le métier  en professionnel et en donnant des possibilité de rattrapage en septembre. 
    - Possibilité de redoubler une fois en cas d'échec au bac.
    Pour les cas exceptionnels, des dérogations sont possibles dans l'intérêt de l'enfant.
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