Les pistes du "Dossier ministre" 

Quels projets sont en route au ministère ? Le "Dossier ministre", publié par L'Express puis Médiapart, permet d'en découvrir quelques uns. Réalisé pour l'arrivée de Benoit Hamon au ministère, en avril 2014, ce gros document fait un inventaire interminable des projets et des services de la Direction de l'enseignement scolaire. Il apporte des précisions intéressantes sur les projets ministériels pour le primaire et le secondaire.

 

 Drôle de document ! Un ministre qui ignorerait tout de l'éducation nationale aurait bien du mal à connaitre les objectifs de l'Éducation nationale On chercherait en vain dans le "Dossier ministre" un plan, une cohérence, les principes qui dirigent la maison. Le dossier égrène les sujets en fonction de l'organisation bureaucratique de la Dgesco sans que se dégage une vision de l'École. Pourtant l'administration a bien une culture, des certitudes sur l'École qui perdurent de ministre en ministre et résistent aux alternances politiques. Il faut les chercher dans les détails des 382 pages pour faire émerger les projets à long terme  de l'administration centrale.

 

C'est d'abord dans les prévisions budgétaires qu'on les trouve. Le document consacre un long chapitre au budget, c'est-à-dire pour une bonne part à l'évolution des postes que la Dgesco a programmée jusqu'en 2017. On trouvera d'abord les prévisions pour la rentrée 2014 avec les difficultés attendues. On sait que le nombre de postes créés est insuffisant pour faire face à la croissance démographique et à la réforme pédagogique. En 2013, les créations de postes ne se sont pas vues en classe : il n'y a pas eu d'évolution significative du rapport entre enseignants et élèves. En 2014 la tension va continuer. Elle va même s'aggraver dans le secondaire où le ministère a prévu un équivalent de 1000 emplois en heures supplémentaires pour faire face aux besoins. Mais on apprend aussi que la chute des crédits de fonctionnement au primaire, "véritable variable d'ajustement", fait que certaines académies n'arrivent plus à payer les frais de déplacements. Dans le secondaire en 2014, il n'y aura pas de renouvellement des manuels au collège mais simplement des compléments de collection pour la même raison.

 

Mais c'est la lecture de la prévision d'emplois jusqu'en 2017 qui est la plus éclairante, car elle anticipe sur les réformes administratives et pédagogiques. Ainsi le ministère a bien prévu une montée sensible des emplois dans l'enseignement prioritaire à partir de 2016. A terme on aurait 3600 créations de postes dans les Rep au primaire et 1281 au secondaire. Plus intéressant, à partir de 2015 apparaissent des créations d'emplois de directeur au primaire. Ils seraient 850 en 2017. On va donc bien vers un nouveau statut pour ces personnels, distinct de celui des enseignants. Au secondaire, le ministère a programmé 2750 emplois supplémentaires pour la réforme du collège à partir de 2016. Celle-ci ne se ferait pas à moyens constants. 1200 postes sont aussi prévus pour la formation continue dans le secondaire alors que depuis des années son budget ne cesse d'être rogné. La mise en place de maitres formateurs du secondaire est donc bien actée.

 

La prévision anticipe aussi sur les difficultés. Si la croissance démographique dans le secondaire nécessite 11608 emplois supplémentaires, seulement 6280 sont financés. C'est-à-dire qu'il manque 5 328 postes par rapport aux prévisions de la loi d'orientation, postes qui pourraient bien être pris sur d'autres missions. De toutes façons la Dgesco explique que la programmation prévue par la loi d'orientation ne pourra pas être réalisée. "Le niveau des recrutements prévus pour les professeurs des écoles ne dégagerait qu'environ 15000 emplois (ETP) de moyens nouveaux.... sur la période 2012-2017 pour une programmation de 18 200". Dans le second degré, la Dgesco mise sur les contractuels pour atteindre les nombres d'emplois annoncés, mais on a vu que cela ne suffira pas, face à la croissance démographique. Le ministère n'a donc aucune illusion sur la poursuite de la crise du recrutement. On découvre aussi dans le Dossier que la croissance démographique, qui n'a pas été anticipée pour des raisons mystérieuses à l'école et au collège, pour les postes d'enseignants, ne l'a pas été non plus pour les autres métiers de l'éducation. Plus d'élèves ça devrait être plus de surveillants, CPE, infirmières, et plus de bourses. Mais tout ça n'est pas financé...

 

Au primaire, le dossier annonce des circulaires sur la surveillance et le règlement départemental type dès 2014. Le ministère va rappeler les obligations de surveillance des enseignants et particulièrement interdire d'isoler un élève sans surveillance (dans le couloir par exemple). Un nouveau règlement type départemental sortira en même temps.

 

Un nouveau livret numérique, le Livret scolaire unique (LSUN) remplacera le LPC à l'école et au collège en 2016. La Dgesco recommande la prudence au primaire vu l'expérience de Base élèves.

 

Dans le secondaire, la grande affaire c'est la réforme du collège envisagée pour 2016. Le Dossier en fixe déjà les principes pédagogiques : tronc commun, "renforcement de la différenciation des approches pédagogiques", marge de manoeuvre pour les établissements, volant d'heures pour les équipes, enseignements complémentaires ayant un caractère interdisciplinaire. La Dgesco souhaite un fort accompagnement et un niveau suffisant de formation continue. Elle demande de vérifier que "les choix (soient) compatibles avec les évolutions du statut" des enseignants.

 

La réforme du lycée est aussi traitée. Le dossier fait déjà un bilan de la réforme Chatel. "Les enseignements d'exploration ont atténué le caractère prédéterminant de la classe de seconde. Il est en revanche difficile d'apprécier leur effet sur les choix d'orientation des lycéens". Le rapport souligne l'évolution de la série L. Elle estime que la réintégration de l'histoire géo en S a été le signal du maintien de la hiérarchie des filières que la réforme voulait casser.

 

Et l'évaluation, le grand projet personnel du ministre ? Le Dossier nous apprend que la Dgesco avait déjà acté une conférence nationale à l'automne. Voilà des pages que Benoit Hamon a bien lues...

 

François Jarraud

 

Téléchargez le Dossier ministre


Par fjarraud , le lundi 07 juillet 2014.

Commentaires

  • Viviane Micaud, le 14/07/2014 à 12:07
    La phrase suivante est complètement fausse.
    "Elle estime que la réintégration de l'histoire géo en S a été le signal du maintien de la hiérarchie des filières que la réforme voulait casser."
    En effet, la hiérarchie des filières provient que la S est une filière généraliste qui a les mêmes exigences que la filière L en capacité de rédiger suivant les codes d'expression nécessaire pour faire des hautes lectures littéraires, et les plus hautes exigences en maths. 
    Ce qui fait que les bons élèves qui n'ont rien contre la physique la choisissent, de manière à garder 2 ans de plus toutes les portes ouvertes à leur orientation.
    La preuve du niveau des exigences littéraires est que 25% des élèves d'hypokhâgne la plus sélective des filières supérieures littéraires viennent de S.
    La réforme Chatel avait été bâtie sur une erreur de diagnostic. Le principe du tronc commun n'apportait strictement rien. Les exigences en capacité d'expression étant identiques entre la L, la ES et la S, la possibilité de passer une classe à l'autre entre la Première et la Terminale a été strictement identique avant et après la réforme et tirée sur les exigences respectives en maths des filières L, ES et S. Possible de S à L sans avoir à travailler pendant les vacances. A la rigueur possible de S à ES à condition de rattraper les bases de SES pendant les vacances. Impossible d'aller en S à partir de ES et L, car le rattrapage des notions de maths non acquises est impossible.
    Par ailleurs, les programmes de physique ont évolué pour être mieux cadrés pour ceux qui se destinaient à faire HEC, puis ENA au détriment de la préparation de ceux qui voulaient faire des études scientifiques.
    Il existe une solution. Chaque élève, à partir de la Première, choisit un parcours en expression littéraire (celui actuel des filières technologique, ou celui actuel des filières générales), choisit un parcours en mathématiques (celui actuel de L, celui actuel de ES ou STI mixé, celui actuel de S), choisit une dominante. 
    En donnant la possibilité de choisir comme dominante "Sciences économiques et sociales", "approfondissement littéraire" ou "physique" à ceux qui ont choisi le niveau avancé en maths : on résout le problème du lycée français dont le défaut était de lier le niveau en maths à la dominante.
  • maria1958, le 07/07/2014 à 10:19
    Bien, maintenant que le Ministère lui-même reconnaît 

    - que les volumes de recrutement de profs et autres personnels prévus dans la Loi de refondation ne permettront pas de "suivre" la croissance démographique des élèves "non anticipée pour des raisons mystérieuses"....

    - que même les postes mis au concours, déjà insuffisants, ne sont pas en voie d'être pourvus

    - que le recours aux contractuels recrutés par petites annonces sur Leboncoin (si on en trouve....) a donc de beaux jours devant lui

    bref, maintenant qu'il est clair que si l'on reste sur les rails budgétaires initiaux, sans corriger les erreurs d'appréciation majeures qui ont été commises, ce sont les élèves qui vont pâtir d'une dégradation majeure et durable de leurs conditions d'apprentissage, QUE FAIT-ON ?

    On laisse le désastre annoncé (et reconnu) advenir ?
    L'"école bienveillante", "restaurer la formation des enseignants"
    , "améliorer les résultats du système français dans PISA" et autre "grande politique pour la jeunesse", c'étaient juste des discours attrape-nigauds ?

    Ou bien l'intérêt des élèves n'est pas un vain mot, et les décideurs (ministre, parlementaires...) font en sorte que l'Etat, garant du bon fonctionnement du service public d'Education nationale, assume ses responsabilités en investissant davantage pour attirer, former, recruter davantage de profs, CPE, surveillants, infirmières.... puisqu'il y a davantage d'élèves.

    Maintenant plus personne ne peut dire "désolé je n'étais pas informé".....

    • Kicekela75, le 07/07/2014 à 15:34
      Etant donné que "compétitivité = aligner les salaires sur ceux du Bangladesh", faut bien se dire que la lente chute est bien une chute dont l'étonnement général progressif face à cette dégradation est égal à la non-acceptation de cette dernière. Donc: on regarde avec un étonnement intuitivement feint-mais résigné, on souffre un peu pour certains, beaucoup pour d'autres (à l'exception du 'premier décile').
      Rendez-vous sur le 'plat', en bas, la volonté politique pour autre chose n'y est pas. Ne la cherchez pas.

      Les primes dont on parle dans un autre article plus bas permettront de s'assurer de l'étouffement de toute velléité de changer l'inversion de la-dite chute.
      Pour vous-mêmes: soyez loyaux(ales), soyez professionnel(le)s, soyez bienveillant(e)s avec les enfants, mais protégez-vous, tant votre santé tant physique, que psychologique.
      Le chemin était amorcé,et prend une sévère accélération. "Jusqu'ici, tout va biiiiiiiiiii........en".

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