RESF : Déjà 10 ans 

"Nous ne renonçons pas". La formule de Yannick Trigance, conseiller régional PS en Ile-de-France, aurait pu être reprise par tous les participants. Pour fêter ses 10 ans, le Réseau Education sans frontières organisait le 27 juin des Assises régionales au Conseil régional d'Ile-de-France. Dix ans après sa création, RESF fait face aux mêmes urgences. Mais il a appris à s'organiser et à développer des solidarités. En ces temps difficiles, RESF rappelle les exigences éthiques du métier d'enseignant.

 

 Participer à un anniversaire de RESF c'est d'abord faire des rencontres. Ce 27 juin, à l'invitation d'Henriette Zoughebi et du Conseil régional d'Ile-de-France, il y a d'abord Maamadou. Elève en CAP sanitaire social il a reçu il y a quelques jours le Prix de l'éducation citiyenne directement des mains du chancelier de la Légion d'honneur. Et au même moment son Obligation de Quitter le Territoire Français (OQTF). Hajar  a reçu son OQTF le jour de l'épreuve de philosophie du bac général. Cette jeune Marocaine, qui parle un français très châtié, élève du lycée Racine, a été jugée comme insuffisamment intégrée jusqu'à ce que les démarches de ses camarades et du proviseur fassent changer d'avis l'administration.  Des cas comme cela, absurdes, RESF peut en présenter d'autres.

 

Mais laissons Benoit Boiteux, proviseur du lycée Guimard de Paris, témoigner de cette absurdité. Dans son lycée, en CAP, la moitié des élèves ont des problèmes de papiers. Ils recoivent une formation recherchée par les entreprises mais ne peuvent aller sur el marché du travail faute de carte de travail. En bac pro, ils représentent 13% des effectifs. Pour tout el lycée c'est un tiers des élèves qui sortent diplômés mais sans carte de travail. B Boiteux estime que cela représente près de 2 millions d'euros gaspillés chaque année par l'Etat pour former des jeunes à qui on interdit de travailler. Le sociologue Eric Fassin explique que tout est fait pour empêcher la socialisation des sans papiers puisque leur grande force c'est justement leur capacité à s'intégrer dans la société française , à y nouer des liens profonds.

 

Nombreux sont les soutiens venus témoigner leur solidarité avec ces jeunes. Il y a à là le Parti de gauche, EELV, le PS avec Y Trigance ou encore le PCF avec P Laurent. Et puis les jeunes de l'UNL, la FIDL ou l'UNEF. Bernadette Groison, secrétaire générale de la Fsu, estime que "tout enfant sur le territoire doit être scolarisé et régularisé. Se rend-on compte de la situation indigne que l'on fait vivre à ces jeunes ?", demande-t-elle. La Fsu continuera à accompagner ces jeunes. Pour B Groison, il faut une loi qui change leur situation.

 

 "S'il y a une chose dont je sois fière à la région, c'est le rassemblement de tous ceux qui se reconnaissent dans ce combat, lycéens et les différentes familles politiques de la gauche régionale", affirme Henriette Zoughebi, vice-présidente du conseil régional en charge des lycées. Elle annonce la rédaction d'un texte commun adressé au ministre de l'éducation nationale, à celui de l'Intérieur et au premier ministre. "On continue le combat. On ne lâche rien", conclue-t-elle. Les présents l'entendent bien ainsi...

 

F. Jarraud

 

Il faut défendre les lycéens sans papiers de Guimard

 

 

Pablo Krasnopolsky : "Ces expulsions sont une insulte à nos valeurs d'enseignants"

 

Professeur de lettres histoire au lycée professionnel Brossolette du Kremlin-Bicêtre, Pablo Krasnopolsky  est un des co-fondateurs de RESF. C'était il y a 10 ans, le 26 juin 2004. Il revient avec nous sur ce parcours.

 

Quand on est enseignant comme vous, comment en arrive-t-on à l'engagement dans RESF ?

 

 Il y au un déclic antérieur à RESF. Le réseau est né de deux collectifs des académies de Créteil et Versailles. Dans l'académie de Créteil j'animais un collectif de défense des enseignants, lycéens et étudiants étrangers. J'avais découvert qu'avec la loi Pasqua, des collègues avec un titre étudiant avaient du mal à devenir salarié professeur. Le combat a donc commencé avec une bataille syndicale. Mais on a découvert que ce n'était pas seulement des enseignants qui avaient ce problème mais aussi de nombreux élèves. Je me rappelle d'un des premiers cas, Moussa, un élève du L.P. des carrières à Vitry (94) qui n'est jamais revenu de son stage professionnel. On a pris conscience que c'était une bataille plus large contre les lois d'exclusion.

 

Cet engagement est aussi éthique et pédagogique ?

 

Evidemment qu'il y a un rapport avec notre métier d'enseignant. Quand on voit le sort réservé aux jeunes sans papiers, la maltraitance que subissent les élèves étrangers et leurs parents, on voit bien la dimension morale. C'est une insulte à nos valeurs d'enseignants. Quand on veut transmettre la fraternité, le respect et qu'on voit des gens traités aussi différemment ce n'est pas acceptable. C'est cet élan moral qui fait le succès du réseau.

 

Comment cet engagement est vécu dans un établissement ?

 

Ca génère de l'union. Au départ les enseignants mis face au cas d'un élève pensent que c'est une erreur de la préfecture et qu'un courrier réglera lé problème. Ils ne savent pas qu'ils en ont pour des années de découverte du vrai problème : l'état de la société et les lois anti immigrés qui empuantissent l'atmosphère. Ces collègues élargissent leur champ de vision et constatent que c'est la société qui est en cause.

 

De nombreux lycéens sont sans papiers ?

 

J'ai constaté qu'il y en a au moins un dans chaque lycée. Dans certains c'est plusieurs dizaines. Rien qu'en Ile-de-France ce sont des centaines de jeunes.

 

Dix ans pour RESF ce n'est pas trop long ?

 

On aurait aimé que le 10ème anniversaire soit suivi d'une petite cérémonie de dissolution. Mais la situation perdure. Et c'est une bataille que l'on a du mal à quitter car elle nous comble. Rien ne vaut le sourire d'un élève qui était accablé par une OQTF et qui constate qu'on a arraché sa régularisation. Les collègues nous remercient aussi de leur avoir fait prendre conscience de la situation.

 

On a d'autres corps professionnels qui ont un sursaut identique ?

 

On a le mouvement des sans papiers. En participant à RESF les gens découvrent que les sans papiers ça peut être le père du copain de son fils. En 2008 le développement de sgrèves de sans papiers a fait réaliser que le sans papier c'est un travailleur que l'on peut croiser tous les jours. C'est quelqu'un comme tout le monde. Ce mouvement a contribué à changer el regard de la société sur les sans papiers qui sont des gens qui partagent notre vie.

 

La gauche est au pouvoir et pourtant on parle de durcissement...

 

La circulaire Valls a limité le champ des régularisations. On a maintenant des réponses négatives pour des lycéens que l'on aurait sorti d'affaire avant la circulaire. La prochaine réforme devrait durcir les choses pour les déboutés du droit d'asile en facilitant et accélérant leur expulsion pour éviter leur intégration.

 

Propos recueillis par François Jarraud

 

 

 

 

Par fjarraud , le lundi 30 juin 2014.

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