Où est passé le socle commun ? 

Une semaine après sa publication, le socle commun est déjà enfoui sous l'actualité. Dans quelques jours il pourrait bien avoir totalement disparu des mémoires. Une situation paradoxale pour un texte officiellement aussi important. Mais qui en dit long sur l'Ecole.

 

En principe le socle commun n'est rien moins que la boussole de tous les programmes de l'éducation nationale. C'est lui qui doit indiquer les contenus et les modes d'évaluation des différents programmes disciplinaires. Il indique comment les intégrer pour qu'ils participent d'une éducation plus transversale et plus personnalisée. Il participe ainsi d'un mouvement mondial de mise en place de curriculums qui répondent aux défis du 21ème siècle. L'enjeu est de taille : mettre en place un système éducatif qui se soucie du niveau éducatif des plus faibles. Pour la France c'est devenu une extrême urgence au regard de l'effondrement constant de leur niveau.

 

Or une semaine après sa publication, le socle commun n'éveille plus d'échos. Il y a eu une réaction courroucée du Se-Unsa faisant part de sa "profonde déception" devant le texte jugé insuffisant. Le Sgen Cfdt a invité le ministre à se substituer à Alain Boissinot, démissionnaire, et à assumer politiquement sa commande.

 

Or il ne se passe rien. Personne ne semble vouloir porter ce fardeau. La loi d'orientation avait d'ailleurs pris la précaution de renvoyer la question au CSP. Cela arrangeait bien le  législateur qui avait gardé le souvenir de la non application de la loi de 2005. Cela arrangeait sans doute le ministre peu enclin à affronter les résistances dans l'éducation nationale.

 

C'est que le socle précédent a laissé un souvenir déplorable. C'est aussi que les enseignants du secondaire sont habitués à des approches strictement disciplinaires. C'est que globalement le pays attend encore le choc pisa...

 

Peu gratifiés sur le plan financier, les enseignants ont une récompense : le sentiment de faire oeuvre utile, sinon tous les jours et pour tous, au moins assez souvent. C'est la noblesse du métier. Tout ce qui peut aller en ce sens ne peut que rencontrer leur adhésion. Encore faut-il savoir présenter le projet, avoir le courage de le porter réellement face à l'opinion et aux enseignants et être capable de dépasser l'image détestable laissée par le précédent socle.

 

F Jarraud

 

Par fjarraud , le lundi 16 juin 2014.

Commentaires

  • Guillaume35, le 16/06/2014 à 21:57
    Je viens de lire le texte du socle com­mun de connais­sances, de com­pé­tences et de culture (rien que le titre ça en dit long)
    : autant dire un texte très incan­ta­toire et très éloi­gné des attentes concrètes des ensei­gnants.
    C'est un texte qui fixe des AMBITIONS (si louables soient elles) mais PAS DES COMPETENCES OPERATIONNELLES.
    Ce texte est encore plus illi­sible que le pré­cé­dent socle. Il n'est pas com­pré­hen­sible pour le grand public. On ne demande pas un texte esthé­tique (avec de beaux inti­tu­lés pour les nou­veaux 5 domaines) mais un texte simple, prag­ma­tique, lisible et com­pré­hen­sible par les élèves, les parents dans lequel on puisse trou­ver les com­pé­tences fon­da­men­tales à acqué­rir en fin de col­lège. Imaginez-nous lors de réunion de ren­trée en train d’expliquer aux parents que les maths et le fran­çais sont dans le même domaine des lan­gages …. On croit rêver !
    De plus, on deman­de aux enseignants d’évaluer les élèves sur « s’exprimer et com­mu­ni­quer »… — développer la sen­si­bi­lité, la confiance en soi et le res­pect des autres" alors que ce sont des attitudes et non des compétences. Les attitudes impliquent une part de subjectivité que l'évaluation des compétences ne peut avoir.

    Malheureusement, en France, on pré­fère confier la rédac­tion du socle et des pro­grammes à des élites, des « spé­cia­listes » au lieu de le confier à des ensei­gnants du pri­maire et du col­lège qui ont les pied sur terre et surtout des élèves et des parents en face d’eux. Pourquoi une telle peur, une telle défiance à notre égard ? Pourquoi un tel mépris pour ceux qui font déjà vivre le socle au quo­ti­dien ? L’avis de spé­cia­listes de l’éducation est impor­tant mais quand ils mono­po­lisent la com­po­si­tion du CSP…on com­prend pour­quoi ce nou­veau socle est déjà un échec !

    Désolé pour cet écrit sévère mais il tra­duit mon exas­pé­ra­tion devant ce manque de prag­ma­tisme évident !
  • Delafontorse, le 16/06/2014 à 20:54
    Définir un socle pédagogique commun est une entreprise ridicule, qui ne peut aboutir qu'à une collection de poncifs ou d'énoncés empiriques de rudiments, inutiles car purement nominaux et non opératoires dans des raisonnements. Les enseignants ni les élèves n'ont besoin de poncifs hétéroclites, ils ont besoin de savoirs élémentaires solides. Avec des éléments, dont l'apprentissage a été ordonné et programmé, on peut apprendre à raisonner et construire une réflexion. Avec des rudiments, dispensés sans principes ni ordre ni raisons, on ne le peut pas.

    Mais j'oublie sans doute qu'il s'agit précisément d'éviter de produire des citoyens en état de raisonner. Nos gens à socle les préfèrent résonnant, comme les cloches.
  • Franck059, le 16/06/2014 à 18:35
    Soi dit en passant, l'école ne se portait pas plus mal avant que n'existe le socle.
    Ce sont les programmes qui nécessitent d'intégrer un curriculum. Encore faut-il que celui-ci soit applicable sur le terrain. Voir par exemple la SEULE proposition innovante de collège modulaire faite par le SNALC (je précise que je ne suis pas adhérent à ce syndicat).
    Le socle n'a été en fin de compte qu'une coquille vide : personne (ou presque) sur le terrain ne se l'est approprié : pas plus les professeurs, que les parents ou même les intéressés eux-mêmes que sont les élèves.
    En fin de compte, à bien interroger les parents, leur desiderata est simple : que chaque enfant ait les bases nécessaires en lecture/écriture et calcul afin de décoder le monde qui l'entoure.
    Or, on préfère se disperser dans des compétences dont l'énoncé dès le départ est incompréhensible ou totalement flou.
    Ce sont les PROGRAMMES (et partant l'évaluation) eux-mêmes qui doivent être repensés par paliers d'acquisition de connaissances et/ou de compétences.
    Et pour finir, qu'on cesse de croire ( faut-il vraiment être déconnecté de la réalité du terrain pour penser cela !) que l'enseignant reste cloisonné dans sa discipline. Au sein de chaque établissement existent des projets transdisciplinaires et, dans un cours de maths par exemple, je ne perds jamais l'occasion (justement l'occasion est trop belle !) de montrer comment les notions peuvent s'appliquer en géographie, SVT, sciences physiques, technologie, EPS, etc...
    En tant que professeur, j'ai besoin de programmes clairement construits, drastiquement allégés et permettant à chaque élève de se construire selon ses capacités. Je n'ai pas besoin d'un socle aux intitulés fumeux.
  • Viviane Micaud, le 16/06/2014 à 12:12
    Le rôle du document appelé "socle commun de connaissances, de compétences et de culture" peut être mal compris.
    Il n'aurait jamais dû avoir ce titre. En effet, il s'agit d'un consensus entre membres du CSP sur les connaissances indispensables du socle et les compétences que devraient avoir les jeunes dans l'idéal pour aborder avec sérénité leur vie d'adulte.
    Il y a un niveau de maturité de réflexion différent en fonction de l'angle et un certain nombre de non-dits.
    - aux niveaux connaissance c'est clair,
    - aux niveaux "compétence", il s'agit d'un idéal et il faut construire le "curriculum" associé,
    - aux niveaux évaluation, on voit que le sujet n'est pas mûr. Ils ne sont pas encore arrivés à la conclusion que certains éléments des compétences ne peuvent pas être évalués de manière auditable et il faut faire confiance à l'enthousiasme de l'équipe éducative sans évaluation systématique.
    Ce document est à l'intention des membres du CSP. Ils ont mis "noir sur blanc" ce sur quoi il y avait un consensus. Le consensus va plus loin que le papier. Les débats ont donné une compréhension commune de ce qu'il y a derrière les mots et de l'importance relative des différents items, et des règles non-dites sur la manière d'échanger dans le groupe. C'est ce qu'on appelle la culture organisationnelle, elle est fondamentale pour réussir. Un consensus n'est pas "tout le monde est d'accord", mais que "tout le monde peut vivre avec ce qui est écrit". Il faut des compétences rares pour pouvoir faire converger un groupe sur un sujet novateur et complexe vers un consensus. Il faut savoir décrypter derrière les mots, les enjeux pour chaque individu, et avoir une stratégie pour aller vers un arbitrage, à la fois pertinent et acceptable pour tous. 
    Ce document n'est pas fait pour communiquer vers les enseignants, ni vers le grand public. 
    Hamon a les vacances, pour nommer un nouveau président du CSP (le plus tôt possible) et déterminer avec lui sa stratégie de communication vers les enseignants et vers le grand public.
    C'est un sujet où la communication pourra se faire après la rentrée quand le risque de mauvaise volonté des maires UMP liée à cause de l'étalement de la semaine sur 5 jours sera réglé et, en parallèle, avec l'autre bombe à retardement: "les fausses promesses du dernier mot aux familles". 
    La refondation avance normalement. 
    • IdentRemo, le 16/06/2014 à 15:37
      Je ne suis pas aussi confiant que vous dans l'estimation  d'une avancée normale de la refondation, je suis  même plutôt inquiet.
      Je rappelle que le Socle commun de connaissances et de compétences est une recommandation faite par le Parlement euopéen et le Conseil de l'Europe et que, de fait,  il interpelle chaque européen.

      Le Socle intéresse directement les enseignants et constitue la trame des programmes. Il permet de situer selon des palier 1, 2 et 3 les niveaux des élèves : 1 et 2 en primaire 3 en troisième.
      Il est important dans la mesure où il modifie l'approche de l'évaluation des élèves. En primaire, l'évaluation se fait par compétences issues de ce Socle,  les progressions et programmations sont basées elles aussi sur le Socle.
      En primaire toujours,  après avoir été invité à un examen critique des programmes de 2008 dans la première période de cette année scolaire, nous attendions donc ces nouveaux programmes au printemps, nous ne les avons pas eu.
      Voir à présent cette démission et ce silence consécutif simplement sur le préambule du Socle commun ne donne pas beaucoup confiance.  Abandon de navire  ?
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