Les enseignants las des réformes et de leur hiérarchie 

Quel est ce métier où deux salariés sur trois sont en opposition avec son évolution ? C'est l'enseignement à en croire la restitution du questionnaire proposé par le Se-Unsa aux enseignants dont les 15 000 premières réponses ont fait l'objet d'une communication le 21 mai. Fatigués des réformes et de leur institution, les enseignants semblent contredire les orientations réformistes du syndicat. Que faire ? La question a bien été posée lors du colloque.

 

La parole au terrain

 

 "Prenez la parole", demande le Se-Unsa aux enseignants. Un questionnaire assez long est proposé en ligne depuis le 17 mars. Il sera proposé jusqu'à la fin juin. Le 21 mai, le Se-Unsa organisait une première restitution, encadrée par des mises au point très générales sur l'individualisation dans la société française. Claire Krepper, secrétaire nationale du Se-Unsa, ouvrait le colloque par une réflexion sur le rapport au métier et la nécessité d'une véritable gestion des ressources humaines. Pierre Bruchon, professeur à Sciences Po, déclinait les différences entre individualisation et individualisme.

 

Mais ce sont Stéphane Crochet, secrétaire national à la formation, et Stéphanie Valmaggia, déléguée nationale, qui offrirent le point d'orgue  avec la publication des résultats du dépouillement des 15 000 premiers formulaires de l'enquête enseignants.

 

Un ras le bol des réformes et de la hiérarchie

 

En apparence, tout va bien?. 84% des enseignants sont satisfaits du travail qu'ils accomplissent et 62% s'y épanouissent. Le métier reste un "beau métier". Mais la pression sociale pèse sur les professeurs : 84% considèrent que l'opinion publique ne comprend pas leur travail et la moitié se sentent incompris par leur entourage.

 

Les réformes et la hiérarchie apparaissent les deux points noirs des enseignants. 54% estiment que le métier évolue trop rapidement et 67% sont en désaccord avec cette évolution.  C'est particulièrement net dans le premier degré avec 70% de désaccord  contre 58% dans le second degré. Trois enseignants sur quatre (73%) pensent que leur hiérarchie ne comprend pas leurs contraintes professionnelles et 56% qu'elle ne les écoute pas. Là aussi la situation est pire dans le premier degré : 83% des enseignants y ont peur des inspections (54% dans le second degré) et 79% se sentent incompris (58% dans le second degré). Les règles qui organisent le métier sont nettement refusées : deux enseignants sur trois sont en désaccord avec les règles d'avancement et de mutation.

 

Il ya donc une forte demande de mobilité. Au final, la moitié des enseignants ne se voient pas faire le même métier toute leur vie. Deux sur trois aimeraient que leurs missions changent et la moitié quitter l'éducation nationale.

 

Le syndicat mis en cause

 

 Pour le syndicat réformiste, ces résultats sont alarmants. Pour Stéphane Crochet, "il n'y a pas de désaccord sur le fond avec les réformes car les enseignants ne se les ont pas appropriées. Il parlent des résultats immédiats sur leur cadre de travail. Nos collègues ont besoin de temps d'appropriation". Interrogé par le Café pédagogique, Christian Chevalier, secrétaire général du Se-Unsa, voit bien que "les collègues mettent en doute les réformes proposées depuis plusieurs années. Le syndicat doit être attentif. Mais cette perception négative résulte aussi du fait que l'accompagnement des réformes par l'institution n'est pas au rendez-vous". Pour lui, "le système éducatif doit évoluer car toutes les enquêtes internationales montrent ses faiblesses. Le sondage interroge le syndicat et c'est bien son objectif". Il s'inscrit contre tout réalignement et rappelle la ligne syndicale : "On sait s'opposer aussi. La ligne du Se-Unsa c'est réformisme mais combattif".

 

Dans la salle, le réformisme l'emportait nettement sur le combattif. Un peu sonnés par les révélations du sondage, les militants présents tentaient d'y voir clair sur le rôle des directeurs et des IEN. Ils proposaient davantage de dialogue avec la hiérarchie. Rompre avec les réformes semble exclu.

 

François Jarraud

 

Les résultats de l'enquête devraient être publiés dans L'enseignant 177.

Quelques éléments du sondage


Par fjarraud , le jeudi 22 mai 2014.

Commentaires

  • Viviane Micaud, le 23/05/2014 à 08:51
    Devant de telles réponses, les réformistes pour la réforme, ceux qui se repaissent du sentiment d'être un démiurge, devraient se demander s'ils sont vraiment sur la bonne voie. 
    Autrement, les prochaines élections syndicales risquent d'être saignantes.
    La quasi-totalité des réformes de ce syndicat ignorent la réalité des mécanismes humains subtiles qui font l'efficacité ou  l'inefficacité de l'école.
  • Delafontorse, le 22/05/2014 à 22:38
    Et pendant ce temps-là, la bourse d'Etat aidant les étudiants à préparer l'agrégation est supprimée !

    Quelle injustice ! Quelle honte !!
    La France n'a donc pas besoin de professeurs instruits ?!

    Pour signer la pétition, c'est ici :
    http://www.petitionpublique.fr/PeticaoVer.aspx?pi=P2014N46358
  • Michel MATEAU, le 22/05/2014 à 12:56

    "84% considèrent que l'opinion publique ne comprend pas leur travail et la moitié se sentent incompris par leur entourage".

    Nul doute que le beau combat qui a consisté à repousser la date de pré-rentrée en septembre (à cause des locations...) fera beaucoup pour une meilleure compréhension de l'opinion publique...

    PS.
    Ne le prenez pas mal, tout le monde fait des fautes, moi le premier, mais autant les corriger :
    "Combatif"
    "la moitié se sent"
    • mbriant3, le 22/05/2014 à 17:03
      Afin de rétablir la vérité, ce ne sont pas les enseignants du 1er degré qui ont demandé le report de la date de pré-rentrée, mais bien ceux du 2nd degré, qui nous mettent ainsi en colère. En effet, la date du 29/08 ne nous dérangeait pas, des rentrées en août nous en avons déjà fait.
      D'ailleurs, nous allons adresser un courrier à notre hiérarchie afin de demander de déroger à cette décision, et de faire notre pré-rentrée comme il était prévu, à savoir le 29/08, et les élèves le 01/09.
      En effet, pour bon nombre de nos collègues du 1er degré, nous sommes présentes dans nos écoles les jours précédents cette rentrée, et sans rien demander à personne, donc à titre gratuit, pour préparer nos classes.
      Mais les syndicats qui ont demandé ce report se gardent bien de dire que nous, enseignantes du 1er degré, sommes très mécontentes de ce qui vient de se passer.

      Pour conclure, le titre de l'article est : "Les enseignants las des réformes et de leur hiérarchie", vous pouvez ajouter "las de leurs syndicats qui sont déconnectés de la base".
      • Michel MATEAU, le 22/05/2014 à 21:23
        C'est une précision bien utile . Nous devons être beaucoup à ne pas savoir cela.
        L'opinion publique, quant à elle, l'ignorera totalement.

        On peut effectivement être las de ces syndicats déconnectés et réactionnaires.
        Comment qualifier autrement des gens qui, à l'heure où il conviendrait de redistribuer les horaires de cours sur l'ensemble de l'année et tout particulièrement de réduire les vacances d'été, se battent  pour garder... le 29 août ? 
        Il est affligeant que le ministre cède. Déjà...
  • PierreL, le 22/05/2014 à 13:25
    Dommage d'opposer "réformisme" et "combatif"… Même si plus de combativité ne nuirait sans doute pas au réformisme.
    En tous les cas belle photo d'Alain Rei, président du GDiD (association des directeurs d'école). ;-)
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