Rythmes : Jusqu'où l'assouplissement ? 

On croyait la question de "l'assouplissement" du décret Peillon sur les rythmes scolaires réglée avec la rédaction d'un nouveau décret. Il n'en est rien. D'un coté la Fcpe et l'Ortej entendent limiter le champ des "expérimentations", de l'autre le ministre vient d'ouvrir une nouvelle porte avec l'application du Code de l'éducation.

 

Un vrai retour en arrière

 

" C'est un vrai retour en arrière". Sortant d'un entretien avec Benoît Hamon, Paul Raoult, président de la Fcpe, manifeste son inquiétude. " Les six heures qu'on a lu dans le décret ce n'est pas imaginable. L'expérimentation des 6 heures de cours par jour elle s'est faite pendant un siècle. On en voit les résultats C'est mauvais. Au delà de 5 heures un enfant ne peut plus assimiler de données pédagogiques. Mettre une heure en plus ça ne sert à rien". Le retour aux 6 heures de clase par jour résulte de la rédaction du nouveau décret annoncé par Benoît Hamon pour "assouplir" le décret Peillon sur les rythmes scolaires. Le texte autorise 8 demi-journées de classe par semaine et une neuvième demi journée regroupant le périscolaire ce qui amène à des journées de classe aussi chargées qu'avec les horaires Darcos. Paul Raoult, " comprend que B. Hamon fait face à une fronde et qu'il cherche à faire passer la réforme en lâchant des éléments", mais là cela va trop loin. "Il y a un risque que les années suivantes des communes aillent vers l'après midi d'activités périscolaires. Je n'en vois pas l'intérêt pour les enfants. Je vois bien l'intérêt pour les adultes. Pour les communes c'est plus simple à organiser. Pour les enseignants cela permet de libérer une demi journée. Mais pour l'enfant on s'éloigne des objectifs de départ".

 

Ces propos sont repris par l'Observatoire des rythmes et des temps de vie des enfants et des jeunes (ORTEJ) un organisme créé par des associations et syndicats réformistes (ANDEV, l’ATPS, la CASDEN-BP, la FDDEN, les EEDF, la FCPE, l’équipe recherche Société, Education, Travail (U. de Tizi-Ouzou), l’OOCE,  le SE-UNSA, le SGEN- CFDT, le SIEN, le SNPDEN) et des chercheurs comme François Testu. Pour l'Ortej, "la journée de six heures expérimentée depuis plus d’un siècle a montré ses limites.. Il est aberrant d’autoriser son maintien pour quelques raisons que ce soient... Le vendredi après-midi doit exclusivement être réservé aux enseignements. En effet, plus la coupure du weekend est longue, plus la reprise des apprentissages scolaires est difficile. De plus si tel n’était pas le cas, les activités complémentaires de l’école n’étant pas obligatoires, la coupure du week-end se ferait ressentir encore plus longtemps (lundi, mardi matin) et plus négativement (fatigue, performances scolaires plus faibles)".

 

Une nouvelle porte

 

Or voilà que le ministère ouvre une nouvelle porte de sortie aux adversaires de la réforme. Une porte ancienne, un peu oubliée, mais qui pourrait devenir une autoroute pour certains maires. Interrogée par le sénateur UMP Jean-Claude Carle sur la date des vacances de Paques et son impact sur les stations de ski, la secrétaire d'Etat à l'éducation G. Fioraso, représentant B Hamon, répond en sortant de sa poche l'article D 521 du Code de l'éducation. " Il importe en effet avant tout de travailler à un temps scolaire qui soit davantage respectueux des rythmes de l'enfant et ainsi de nature à favoriser ses apprentissages", avance la secrétaire d'Etat. "Pour tenir compte des préoccupations que vous avez exprimées, M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche a déjà fait préparer un décret autorisant les expérimentations relatives aux rythmes scolaires, lequel permettra de prévoir des semaines allégées et un report sur les vacances scolaires des heures non effectuées. Par ailleurs, je vous rappelle que des adaptations du calendrier scolaire national rendues nécessaires par les circonstances ou la situation particulière d'un établissement scolaire sont possibles dans le cadre des dispositions des articles D 521-1 et suivants du code de l'éducation".

 

Modifié en 2009, l'article D 521-1 du Code de l'éducation autorise les recteurs à procéder à des ajustements locaux aux rythmes scolaires. " Les recteurs d'académie ont compétence pour procéder, par arrêté, à des adaptations du calendrier scolaire national rendues nécessaires soit par la situation géographique particulière d'un établissement scolaire ou la nature des formations qu'il dispense, soit par des circonstances susceptibles de mettre en difficulté, dans un établissement, dans un département ou dans l'académie, le fonctionnement du service public d'enseignement".

 

Ainsi s'ouvre une nouvelle porte. La première, ouverte par le décret Hamon, imposait de revenir sur les congés d'été ce qui risquait de mécontenter les enseignants. Cette nouvelle proposition ouvre la voie à des ajustements locaux si le gouvernement le souhaite. D'ici au 5 mai, date de l'étude par le CSE du projet de décret Hamon, les intentions gouvernementales devront être précisées.

 

F Jarraud

 

La question de JC Carle

Décalration Ortej

 

 

Par fjarraud , le mercredi 30 avril 2014.

Commentaires

  • Viviane Micaud, le 30/04/2014 à 13:48
    C'est drôle, je suis d'accord avec la vision idéaliste de l'ORTEJ qu'il faut confronter à la réalité de la vie et du fait que les familles monoparentales existent et que dans le modèle de la famille le plus répandues est "les deux parents travaillent".
    Pour moi, c'est une donnée d'entrée. Si un des parents laissent son travail, en cas d'accident de la vie, il se retrouvera sans métier et donc avec des revenus très faibles et dans tous les cas avec une retraite minable. Et aujourd'hui, dans la majorité des cas, c'est la femme qui sacrifie la carrière. Inacceptable.
    Raoult fait trois erreurs d'analyse :
    - il confond, le temps des apprentissages scolaires, avec le temps sous la responsabilité de l'enseignant. L'enseignant est tout à fait capable d'équilibrer les activités dans la journée pour éviter la fatigue.
    - Les activités extra-scolaires sont des activités qui demandent autant d'attention que le temps scolaire. La fatigue de l'enfant doit être vue pour toutes les activités entre le moment d'arrivée dans l'établissement et le moment à la fin des études à 18h30 qu'il quitte les établissements. Basculer des activités encadrées par l'enseignant par des activités encadrées par un animateur ne diminue pas la fatigue.
    - les activités périscolaires sont utiles pour aider les jeunes à comprendre le monde. ce n'est pas 3/4 d'heure par jour qui permettent de le faire. Mais, des activités de 3 heures. 

    Par ailleurs, les parents sont gênés car ils sont obligés de réorganiser leur semaine. C'est pour cela que si on passe à 5 matinées, l'essentiel est sauvegarder car les parents voudront garder les 5 journées à l'école pour éviter de se réorganiser et ne voudront pas de nouveau supprimer une demi-journée.
    Par ailleurs, l'important est augmenter le "bon temps scolaire" c'est le cas dans la proposition de Hamon.

    Les bonnes questions concernent :
    - le vendredi après-midi. Si les parents prennent l'habitude du RTT le vendredi après-midi pour partir en week-end, ils auront du mal à vouloir abandonner ce droit au prochain changement.
    - la garde des enfants tous les jours jusqu'à au moins 18h30, parce que les parents travaillent. La fatigue de l'enfant est sur toute la journée. Des questions comme l'environnement sonore sont beaucoup plus importantes que le temps sous la responsabilité de l'enseignant ou la quantité d'activités périscolaires.
    - des activités périscolaires qui ne rajoutent pas une fatigue équivalent à des travaux scolaires et qui permettent réellement une ouverture d'esprit à la compréhension du monde. 
    La surenchère sur les activités périscolaires, qui a été longtemps portée par la FCPE était complètement inadaptée. 
    • PierreL, le 30/04/2014 à 16:11
      La surenchère sur les activités périscolaires, qui a été longtemps portée par la FCPE était complètement inadaptée. 
      Absolument.
      Le temps que l'enfant passe en collectivité dépend de la disponibilité des parents. Le matin qu'elle que soit l'heure à laquelle il DOIT se lever il partira pour "l'école" (même à 7h30), et le soir, il reviendra de l'école (même à 18h30). Le mercredi, quand les parents travaillent, c'est soit le CLSH, soit une association sportive ou culturelle, soit la maison... 
      La réforme visait à rendre cohérente ce temps collectif.
      Récupérer une matinée scolaire (l'église ne revendiquant plus le mercredi matin pour le catéchisme), diminuer la journée SCOLAIRE et proposer des activités éducatives cohérentes avec les disponibilités de l'enfant (cette cohérence trouvant sa source dans le temps scolaire réorganisé).

      Le problème, à mon sens, c'est la confusion créée entre une réforme dite du temps SCOLAIRE et les difficultés sur le temps périscolaire.
  • casemimi, le 30/04/2014 à 11:14
    Magnifique ! Une réforme imparfaite pour les enfants se transforme en une réforme pour les adultes...
    Les mairies sautent sur l'occasion et proposent "une organisation plus profitable pour les enfants" soit 6h00 de classe par jour (L,M et J), 3h00 le mercredi et le vendredi matins mais bien sûr le vendredi après-midi libre, comme si cela pouvait compenser... Et si les adultes arrêtaient de ne penser soit qu'à leurs weekend, soit qu'à leur porte-monnaie ?  Quel était le but de la réforme voulue au juste ? Ah oui... alléger les journées scolaires de nos enfants... suis-je bête...!
    Carole
    • Viviane Micaud, le 30/04/2014 à 13:53
      Les enfants sont là entre 8H30 et 18h30. C'est une réalité que vous semblez ne pas connaître.
  • stephan, le 30/04/2014 à 09:46
    Notre ministre est simplement en train d'éprouver (comme ses prédecesseurs) le fonctionnement "en sandow-araignée" du système: vous savez, ce paquet de tendeurs que vous accrochez par dessus la bâche de votre remorque : plus vous tirez d'un côté (même un tout petit peu), plus ça résiste de partout ailleurs..
    Donc, si un ministre veut tirer du côté "économie de fonctionnement " (Chatel, Darcos) , du côté "réforme du système (Allègre) ou du côté "intérêt de l'enfant" ( Peillon) ça résiste très vite et très fort, des cotés mairies, syndicats, enseignants,..
    Alors M.Hamon se contente de relâcher la tension , forcément au détriment de l'objectif initial. Il évite que ça tire trop, voire (si vous avez déjà manipulé un sandow, vous connaissez le risque) que ça lui revienne dans la figure .
    Avant toute critique, (personellement je ne prends pas parti) posons nous la question : à la place du ministre, sivous aviez tous les bras de la pieuvre dans les mains, QUE FERIEZ-VOUS? Mieux que lui? pas sûr..
    • Guillaume35, le 30/04/2014 à 16:04

      Oui,il y avait des solutions simples qu’il fallait oser prendre dès le départ (il fallait juste faire preuve de fermeté politique) d’autant que la réforme était préparée par l’ancienne majorité qui avait lancé une large consultation. Il en avait résulté des recommandations consensuelles (cf. rapport sur la consultation nationale des rythmes scolaires - 4 octobre 2011 -  http://media.education.gouv.fr/file/06_juin/67/1/Rythmes_scolaires_rapport-d-orientation_184671.pdf:

      - 5h de cours par jour + 3h sur une matinée (de préférence le samedi, pour éviter la désynchronisation inévitable de l'enfant en début de semaine comme l'a redit à plusieurs reprises l'Académie de médecine)

      - 23h de cours hebdomadaire par semaine (au lieu de 24h).

      - Avancer d'une semaine la rentrée scolaire(dernière semaine d'août) afin de rattraper l’heure de cours perdue chaquesemaine (36h). On passerait de 36 à 37semaines d’école. C

      Cela réduiraitles vacances d’été de seulement d’une semaine mais cela se faisait déjà, avant2008, dans quelques départements français qui avaient choisi la semaine à 4jours. Aussi, à partir de 2008, ont été mis en place des stages de remise àniveau pour les élèves qui avaient lieu également lors de cette dernièresemaine d’août. Donc pas de quoi en faire un scandale !

      En avançant lesvacances de Toussaint d’une semaine par rapport aux dates du calendrier actuel,cela permettrait également de respecter l’alternance 7 semaines de classe, 2semaines de congés pour le 1er trimestre.

      Il faut préciser que les élèves duprimaire français ont déjà un volume horaire important de cours puisqu’ils ont864h de cours par an (alors que la moyenne des pays OCDE oscille entre 774heures à 821 heures en moyenne – selon l’âge des écoliers).

      Si l’on rattrape que 23h sur  36h, les élèves français resteraient au-dessusde la moyenne OCDE (841h contre 774 à 821h)..

      - Préconiser des horaires d’école adaptés aux rythmes des élèves : A ce propos, relire les préconisationsd’Hubert Montagner, anciendirecteur du laboratoire de psycho-physiologie de la Faculté des Sciences deBesançon, et spécialiste reconnu des rythmes biopsychologiques des enfants :http://www.cafepedagogique.net/lexpresso/pages/2008/09/montagner_rythmesscolaires.aspx

      Si on prend les horaires d’école à 4 jours (journées de 6h – soit 24h dans la semaine), l’emploi du temps d’un élèveressemble généralement à celui-là : 9h® 12h (3h le matin) / 13h30®16h30 (3h l’après-midi)

      Avec une réforme à 4 jours et demi(avec des journées de 5h + 3h une matinée– soit 23h dans la semaine), l’emploidu temps d’un élève ressemblerait  à cela :9h® 12h (3h le matin) / 14h®16h (2h l’après-midi). Ainsi, onenlèverait une 1/2h en début et 1/2h fin d’après-midi par rapport à avant.

      Quid de la prise en charge de ces 2 deux demi-heures ?

      C’est là, à mon avis, qu’il auraitfallu expliquer que la perte de prise en charge des élèves par l’école devaitêtre récompensée à la fois par :

      -        1/ Les collectivitéslocales

      -         2/ Lesparents

      Prolonger d’une demie-heure la prise en charge des élèves par les mairies sur la pause méridienne

      Après la pause du midi (généralement 12h-13h30), l’idéal est de placer un temps péri-scolaire.  En effet, selon les chronobiologistes (commeHubert Montagner), la pause de 12h30-14h « se caractérise par une vigilance nettementplus faible à tous les âges de l’école primaire ».  L’attention des élèves ne redémarre véritablementqu’à partir de 14h30. Voilà pourquoi la prise en charge des élèves par les collectivitésle midi pourrait être prolongée de 13h30 à 14h. Attention : pas pour selancer dans des activités périscolaires éducatives et culturelles ambitieuses  (comme l’a suggéré la réforme Peillon) mais seulementdes temps de repos (la sieste en début d’après-midi favorise la concentrationensuite) ou des activités calmes (jeux de société, voire bibliothèque,informatique en fonction des ressources des collectivités). Pour lescollectivités, cela reviendrait à prolonger le travail des personnels decantine ou embaucher quelques personnes supplémentaires au lieu d’embaucher pléthored’animateurs TAP alors que les mairies (notamment rurales) ne disposent pas de moyensfinanciers et humains importants (sauf à augmenter les impôts locaux de façonconséquente ou de faire payer les TAP par les parents).

      Avancer d’une demie-heure la récupérationdes enfants par les parents

      On a voulu faire croire que tous les parentsallaient récupérer leurs enfants à 16h30 comme avant. A mon sens, il aurait falluleur expliquer que si l’on perd une heure  de classe par jour, l’un des corollaires estle fait de récupérer son enfant plus tôt. Cela n’a jamais été dit par les responsablespolitiques car on en fait un sujet tabou en France. A tort, dans de trèsnombreux pays, les salariés récupèrent leur enfant  dans l’après-midi…tandis qu’en France, c’estmal vu de voir quelqu’un rentrer de son travail avant 18h. Cela aurait méritéun bon débat de société plutôt que de vouloir esquiver cette question.

      Je pense qu’en demandant aux parentsde récupérer leur enfant une demi-heure plus tôt par rapport à avant (16h aulieu de 16h30), cela n’aurait pas suscité un grand mécontentement.  Le fait de récupérer plus tôt a aussi l’avantagede donner du temps aux enfants pour faire leurs activités associatives (sport, musique,théâtre…) à la place du mercredi ou du samedi matin. C’est sûr cela demande uneadaptation du milieu associatif mais comme l’avait indiqué Hubert Montagner(voir plus haut), « la plage detemps à partir de 16h00-17h00 se prête bien aux activités physiques etsportives ».

      Bref, on voit bien qu’en faisant appel au bon sens et à la responsabilité, les solutions aux problèmes du passage des 4 jours et demi et de la réduction à 5h de cours par jour auraient pu se trouver facilement.

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