L'Ecole face à la montée du F.N. 

Si les déclarations syndicales et l'ouvrage que les organisations publient sont utiles, ils ne suffiront pas à bloquer le développement de l'extrême droite dans le monde scolaire. Car au-delà des mots, le système éducatif est marqué par une discrimination croissante. S'attaquer concrètement à celle-ci est bien la première tâche.

 

De tous les milieux professionnels, l'enseignement est sans doute un des moins réceptifs aux idées d'extrême droite. On a bien vu cette année sortir du bois un groupe d'enseignants lepenistes. Mais son influence et ses effectifs sont faibles malgré le racolage auquel il se livre auprès d'enseignants en souffrance. En effet il faut avoir perdu tout repère professionnel pour épouser les idées de l'extrême droite sur la société. Elles entrent en conflit immédiat avec els exigences éthiques du métier d'enseignant. C'est tellement évident que plusieurs de nos voisins considèrent comme une interdiction professionnelle le fait d'appartenir à un parti d'extrême droite.

 

Il y a pourtant eu des tentatives de dédiaboliser ces idées. Rappelons-nous, pendant la dernière campagne des présidentielles, le "pacte républicain" diffusé par l'UMP qui ciblait l'islam sous couvert de défendre la laïcité. "Alors que l’Europe sécularisée avait presque oublié la question religieuse, le développement de l’islam la remet à l’ordre du jour et rend nécessaires certaines clarifications parce que des valeurs essentielles de la République sont remises en cause... et que cela fragilise l’ensemble de la communauté nationale", écrivait l'UMP. Rappelons nous les propos de Nathalie Kosciusko-Morizet, alors ministre, à propos "des enfants de 6 ans qui refusent de manger du hachis Parmentier à la cantine sous prétexte que le boeuf n'a pas été égorgé comme il est prescrit rituellement"... Cela a mis les ministres de gauche sur la défensive et a conduit à des prises de position sur les mères accompagnatrices voilées qui n'ont pas fini de poser des problèmes.

 

Mais ce débat ne pèserait pas si lourd si le contexte de l'Ecole française n'était devenu discriminatoire. Pisa vient de nous rappeler que l'Ecole française est particulièrement injuste socialement. La même enquête montre aussi qu'en France les résultats scolaires sont liés à l'origine ethnique. A condition sociale égale, on observe un fort écart (environ une année d'école) entre un jeune autochtone et un allochtone. Bien avant Pisa 2012, les travaux de G Felouzis ont mis en évidence les phénomènes discriminatoires dans le système éducatif. En 2004, il nous disait " On ne peut pas parler de xénophobie ou de racisme. Mais on observe en effet de la ségrégation au collège et certaines origines en sont plus victimes que d'autres : c'est plus net pour les personnes originaires du Maghreb, d'Afrique noire ou de Turquie. Peut-on parler de discrimination ? Oui et non. Oui car cela crée une situation sociale qui produit une identification de l'individu sur une base ethnique qu'il soit allochtone ou autochtone. Dans les collèges, on observe que ça incite à produire des identités centrées sur l'ethnicisation". Ce ne sont évidemment pas les personnels qui créent cette situation. Mais l'organisation même de l'Ecole. Par exemple le fait que l'on trouve normal que la scolarité en classe préparatoire des enfants des milieux favorisés coute 4 fois plus cher que celles des collégiens de zep et 2 fois plus cher que le cout d'un étudiant. Cet "apartheid scolaire", pour reprendre la formule de G Felouzis, est devenu si banal qu'il ne suscite même plus de réactions lors des visites d'établissements, de lycées professionnels par exemple. Dans ce contexte, toute mesure qui cible une catégorie déjà discriminée accentue le sentiment de discrimination. Or c'est bien le cas des jeunes de tradition musulmane.

 

Aussi le combat contre les idées de l'extrême droite ne peut pas se limiter à un débat d'idées. La bonne réponse est d'abord à construire sur le terrain. Sans progrès dans la lutte contre les discriminations à l'intérieur du système éducatif, la défense des "bonnes idées" sera vaine. Il s'agit bien de refondation. Le chantier c'est refonder une Ecole qui mette réellement ses valeurs au centre et les prenne au sérieux.

 

François Jarraud

 

L'ethnicisation

Sur le rapport Dhume

 

Par fjarraud , le mardi 15 avril 2014.

Commentaires

  • Michel MATEAU, le 16/04/2014 à 09:55
    On peut avoir du mal à suivre et à comprendre le raisonnement..
    1. Le milieu éducatif est un des moins réceptifs aux idées d'extrême droite
    2. Mais il y a des tentatives de dédiabolisation de ces idées (entendez, de conceptions qui prônent les discriminations)...
    3. Mais les discriminations existent déjà...
    4. La solution, c'est donc... la lutte contre les discriminations.

    Le moyen étant la "refondation", mot valise et baguette magique d'où le "bien" doit sortir.

    Espérons-le et voyons ce qui se passera lorsque la refondation, comme son nom l'indique, déplacera les fondations et les murs...
    Le système n'a en effet nul besoin de la pénétration des idées d'extrême droite pour être, déjà, discriminatoire et inégalitaire.


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