Philippe Tournier : S'attaquer concrètement aux inégalités 

Comment lutter contre l'ethnicisation des filières éducatives et les inégalités croissantes entre établissements ? Ces questions étaient à l'ordre du jour du conseil national du Snpden qui s'est réuni du 8 au 10 avril. Le premier syndicat de personnels de direction entend proposer des solutions concrètes. Philippe Tournier, son secrétaire général, présente les propositions du Snpden. Il revient aussi sur les stages des lycéens professionnels et l'évolution de la décentralisation. Il annonce aussi la publication d'une grande enquête sur les conditions de travail des personnels de direction.

 

Le Conseil national a dénoncé violemment la réglementation sur les stages des élèves. Pourquoi ?

 

Un décret avait été présenté entre le ministère de l'éducation nationale et le ministère du travail pour que les élèves qui n'ont pas 16 ans puissent avoir une dérogation pour travailler sur des machines dangereuses. On nous a présenté un décret de simplification. Mais il a débouché sur une circulaire interministérielle invraisemblable. Si on l'applique à la lettre il n'y a plus de stages possible sen L.P. Par exemple il impose que les entreprises fassent une demande de dérogation alors qu'on a du mal à en trouver. Et le médecin scolaire doit donner son accord dans les 8 jours qui suivent la rentrée ce qui est impossible. C'est une disposition inapplicable. Souvent les établissements passent outre mais là la circulaire engage le responsabilité d e la direction. On va demander un moratoire pour cette circulaire. On met les directions face à une situation où elles ne peuvent pas appliquer le texte.

 

Dans son discours devant l'Assemblée nationale, M Valls a annoncé une évolution forte des collectivités territoriales. Or cela arrive au moment où l'Etat a mis en place les contrats tripartites et chercher a revoir les relations entre Etat, établissements et collectivités. N'y a-t-il pas un risque de casser les dynamiques en cours ?

 

Qu'on ait 10 régions ou 22 ça ne change pas fondamentalement les choses. A la place des départements il y aura toujours une collectivité de référence. Le problème de fond est toujours le même. Bien sur il y aura des problèmes concrets avec des méga régions.

 

Les départements par exemple disent qu'ils sont proches des établissements ce qui leur permet de mieux soutenir les projets pédagogiques. Si on passe à de grosses collectivités...

 

C'est vrai qu'une grande région ca changera la nature des relations. Mais on observe que la question des relations plus ou moins efficaces et confiantes entre établissement et collectivité n'est pas liée à la taille. On peut avoir une petite collectivité sans avoir la confiance. La taille peut induire des problèmes de gestion mais pas d'état d'esprit.

 

Vous avez décidé de lutter contre les discriminations et les inégalités entre établissements. Qu'entendez vous par là et qu'allez vous faire ?

 

Cela fait longtemps qu'on soulève cette question. Depuis 2012 on regrettait que la montée des inégalités, l'ethnicisation de pans entiers de l'éducation intéressaient peu le ministère.  ON salue le fait que B Hamon soulève cette question qui est centrale. L'école est minée par le fait qu'il est admis par la société qu'elle est inégalitaire. Pour nous c'est un problème de légitimité. On propose le PALME  Plan d'Aménagement Local des Mixités à l'Ecole. L'idée c'est qu'on ne règlera pas ce problème d'un coup par une méga mesure. Le retour à la carte scolaire pure et dure par exemple n'est pas une solution. D'une part on n'aura pas le courage de le faire. D'autre part il y a la présence de l'enseignement privé sous contrat. On préconise que sur des territoires définis de façon qu'ils soient mixtes, tout le monde discute , autorités académiques, parents, autorités locales discutent d'un plan pour rendre les établissements plus mixtes. On ne va pas tout régler d'un coup mais on peut avancer. On peut prendre des mesures locales qui permettent d'avancer et qui soient socialement tenables. On n'est pas obligé d'avoir partout en France le même système d'affectation des élèves. Mais on peut fixer comme objectif que les établissements soient plus mixtes. Il faut des progrès pas des grandes phrases. Etre pragmatique.

 

Que peut on faire ? Jouer de l'offre scolaire ?

 

L'offre scolaire ça ne fonctionne pas. Ou personne ne va dans l'établissement ou on recrée un ghetto dans l'établissement. On dit qu'il faut regarder localement.  On peut par exemple mettre en place des quotas locaux. On peut aussi redessiner les territoires. Ou encore attribuer sur un territoire des places dans chaque lycée à chaque collège. Ou redéfinir les territoires autour des lignes de transport.

 

Mais qui gèrerait ? Si on en donne la gestion aux chefs d'établissement ne prend on pas le risque de voir revenir les "marchés aux esclaves" d'antan ?

 

Sur Paris ce sont les chefs d'établissement qui ont imposé la régulation. Ce sont les autorités qui n'en veulent pas par crainte d'affronter certaines catégories sociales. D'ailleurs depuis que directions sont mises à l'écart la situation a plutôt empiré. On demande une commission locale où les établissements siègent. Et cette commission s'imposerait aussi aux établissements privés par le contrat.

 

Comment voyez vous la rentrée avec la hausse démographique ?

 

On n'a plus de suppressions massives de postes comme avant. Il y aura une hausse démographique mais elle se traduira de façon très différentes localement. Il peut y avoir des problèmes locaux. Mais globalement il y a des créations de postes.

 

Les parents demandent la réforme du collège et du lycée . Qu'en pensez vous ?

 

Dans les lycées professionnels les moyens n'ont pas permis de l'appliquer à la différence des lycées généraux et technologiques qui ont eu des moyens suffisants. On observe là la hiérarchie habituelle de l'éducation nationale... IL y a peut-être des ajustements à faire. Mais doit-on sans arrêt tout changer ? La problématique des lycées c'est la préparation au supérieur. Le vrai problème c'est le collège. Le collège ne convient qu'à une partie des élèves. Il faut organiser la scolarité obligatoire autour du socle. Sans aller aux excès de Terra Nova, on peut repenser le collège. Aujourd'hui on lui demande l'impossible.  On demande par exemple que le socle soit validé en fin de 4ème et qu'il y ait un cycle d'orientation 3ème - 2de.

 

Le Conseil national annonce un livre blanc..

 

On va publier un Livre blanc sur les conditions de travail des personnels de direction. ON avait publié une enquête similaire en 2004. Dix ans plus tard, on a le sentiment de davantage faire un métier de direction. On voit une meilleure organisation du travail. Maison voit aussi la montée d'objets de mécontentement autour de la façon dont le système s'informatise et la montée des conflits avec les autorités académiques locales. Le nombre de personnels de direction qui se plaignent d'injonctions a beaucoup augmenté. Plus le ministère s'efface plus les tensions augmentent au niveau local.

 

Propos recueillis par François Jarraud

 

 

Par fjarraud , le lundi 14 avril 2014.

Commentaires

  • Viviane Micaud, le 14/04/2014 à 13:58
    Nous avons cette phrase "La problématique des lycées : c'est la préparation au supérieur." 
    Il faut savoir qu'aujourd'hui, nous ne savons pas permettre à ceux qui ont des graves lacunes en expression de progresser,  et préparer au supérieur dans les mêmes classes Voir ce qu'il se passe en 4ème et 3ème, où les élèves les plus faibles n'ont pas les bases pour réussir les contrôles. Je ne pense pas que cela soit possible, car l'enseignement supérieur nécessite un minimum de capacité d'expression écrite. 
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