Pour l'AFEF, enfin un enseignement positif de l'orthographe 

La dictée serait-elle en train de changer de fonction ? L'orthographe pourrait-elle s'évaluer autrement qu'en retirant des points ? Monique Jurado  et Viviane Youx de l'Association française des enseignants de français (AFEF) réagissent au nouvel outil propos par l'inspection.

 

Le groupe Lettres de l'Inspection Générale avait souhaité, à l'occasion de la réforme des épreuves de français du Diplôme National du Brevet en 2013 (avec notamment un allongement de la dictée), engager une réflexion sur l'évaluation de cette épreuve. Dans  l'académie de Poitiers une expérimentation a eu lieu avec des collégiens en 2012-2013 et, en  juin 2013, cette évaluation  a été expérimentée au DNB, sur 1500 copies des séries générale et professionnelle, dans les académies de Poitiers et de Créteil. Le dispositif élaboré pour cette expérimentation, et qui est présenté sur le site EDUSCOL, présente un barème graduel d'évaluation positive, fondé sur un rapport entre réussites et erreurs dans différentes catégories d'erreurs orthographiques, précisant les types d'erreurs grammaticales et lexicales..

 

Certes l'outil, que chacun peut découvrir grâce au tableur mis à disposition, peut paraitre complexe au premier abord. Et les premiers freins à se saisir de cette démarche pourraient bien venir de là. En effet, les enseignants risquent d'être déroutés par des catégorisations nouvelles des erreurs qu'ils n'ont pas toujours l'habitude de chercher dans les dictées. Et l'expertise que suppose l'analyse de chaque texte dicté pour dégager et catégoriser les difficultés orthographiques risque de susciter des craintes quant à la complexité de l'exercice. Enfin, le système de pourcentage dans les calculs parait compliqué, plus qu'il n'est réellement en fait.

 

Mais l'enjeu le plus important, derrière cette expérimentation pour l'épreuve du brevet, c'est de faire de cette évaluation positive une démarche d'enseignement positif de l'orthographe. L'intérêt pédagogique est de taille : disqualifier définitivement la terminologie traditionnelle de "faute", et se saisir des erreurs, non plus comme d'un outil de sanction, mais comme d'un support d'enseignement-apprentissage de l'orthographe. Si la dictée a toujours été considérée plus comme un instrument de contrôle que de formation, la notation descendante traditionnellement pratiquée continue de décourager bon nombre d'élèves : les plus faibles réussissent juste à rester à la note plancher, quels que soient leurs efforts, sans jamais être valorisés, ni comprendre comment ils pourraient progresser. La démarche proposée, en cohérence avec les recherches sur l'orthographe, donne à l'évaluation de l'examen un rôle d'indicateur de compétences.

 

Le but visé n'est en effet pas seulement de modifier le diplôme national du brevet, mais de faire évoluer les pratiques en amont. Dans la mesure où l'examen sert aussi à piloter les stratégies pédagogiques, ce type d’évaluation pourrait permettre de dégager des lignes de force ouvrant à un enseignement raisonné plus en corrélation avec la capacité d’écriture et à comprendre et à construire le sens nécessaire en orthographe. En effet, l'enseignement-apprentissage pourrait en être amélioré en retour, grâce à des démarches qui se structurent autour d'une compréhension du fonctionnement de la langue, et permettent à l’élève de se focaliser sur un seul aspect de son orthographe à un moment donné de son apprentissage. L'erreur prise comme un outil cognitif de repérage et de catégorisation devient un levier d'amélioration pour les élèves qui  affinent leur observation. À condition qu'une pratique accompagnée aide les enseignants à acquérir l'expertise dont ils ont besoin et à expliciter les codes pour les élèves.

 

Monique Jurado  – Viviane Youx

AFEF

 

 

Par fjarraud , le vendredi 11 avril 2014.

Commentaires

  • Ricky, le 11/04/2014 à 21:35
    Hallucinant, désespérant, pathétique, décourageant... Ce ne sont que quelques-uns des mots qui me viennent à l'esprit lorsque je lis que des enseignants considèrent encore aujourd'hui le plus sérieusement du monde que la dictée pourrait être un outil d'apprentissage.
    A la rigueur, la dictée peut éventuellement servir de test (et encore, même là sa pertinence est très discutable), mais il est certain que son intérêt pédagogique en matière d'apprentissage de l'orthographe ou de la lecture est proche de celui de la clé à molette pour l'enseignement de la danse classique.

    Au lieu de se casser la tête à essayer de combler vainement les nombreuses lacunes de la dictée, nos technocrates de dirigeants feraient mieux de mettre les mains dans le cambouis et les pieds sur le terrain, ils verraient qu'il y a mille autres moyens bien plus riches et plus efficaces pour enseigner le français, et également pour l'évaluer de manière plus juste et plus fine.

    Pauvre Education Nationale, un certain Célestin Freinet, inventeur (entre autres révolutions) du texte libre, doit se retourner dans sa tombe...
  • eplantier, le 11/04/2014 à 19:30
    Ce qui aurait été fort intéressant aurait été d'exposer les conclusions de l'expérimentation. Or, l'auteur de cet article n'en souffle mot, restant sur des formules incantatoires.

    Se pencher sur les conditions d'apprentissage de la lecture au CP est autrement pertinent, notamment le temps réellement investi sur le codage-décodage.
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