Hollande 2 : Quelle place pour l'éducation ? 

Avec le discours de politique générale prononcé le 8 avril par Manuel Valls, premier ministre, devant l'Assemblée nationale débute véritablement la seconde partie du quinquennat. Le discours sera suivi d'un débat et d'un vote qui confirmera ou contredira la nouvelle orientation impulsée par François Hollande depuis janvier 2014. Cette déclaration devrait éclairer sur le budget et la politique éducative du gouvernement. On pourrait ainsi connaitre la feuille de route de Benoît Hamon. L'enjeu n'est rien moins que la refondation..

 

"Il est temps aujourd’hui d’ouvrir une nouvelle étape". Le 31 mars, François Hollande a confirmé ses choix annoncés en janvier 2014 d'une nouvelle politique économique en la définissant politiquement. En janvier déjà l'éducation avait décroché du premier rôle aux utilités des seconds rôles.  "Je vous le redis ce soir : je n’ai qu’une priorité, qu'un objectif, qu’un engagement, c'est l'emploi !", avait dit le président de la République. Il ne faisait plus de l'Ecole une priorité. Tout au plus affirmait-il que " la Nation doit se mobiliser autour de son école" avant de redire "nous devons faire des économies partout où elles sont possibles". Le 31 mars, le redressement économique avec le Pacte de responsabilité est confirmé comme premier objectif. Arrive le second. "Ensuite, la justice sociale. Au Pacte de responsabilité, doit correspondre un pacte de solidarité dont le premier pilier est l’éducation, et la formation de la jeunesse ; le second, c’est la sécurité sociale avec la priorité donnée à la Santé ; et le troisième, c’est le pouvoir d’achat avec une réduction des impôts des Français et une baisse des cotisations payées par les salariés... Pour y parvenir, le gouvernement aura à mettre en oeuvre le programme d’économies budgétaires que j’ai annoncé". L'éducation nationale était jusqu'en janvier 2014 la première priorité du gouvernement, bénéficiant d'un bouclier budgétaire qui faisait d'elle le seul ministère à créer des emplois. Elle n'est plus qu'un élément du second objectif présidentiel. Le ministère a dégringolé de la seconde à la quatrième place du gouvernement dans l'ordre protocolaire, derrière les affaires étrangères et l'écologie.

 

Quel budget pour l'Ecole ? Un premier tour de vis a déjà été adopté pour le budget 2014. L'Etat s'impose 9 milliards d'économies dans un effort de 15 milliards au total et la suppression de 13 000 postes à la Défense et l'Economie.  Mais Vincent Peillon avait su protéger son budget. En 2013, le budget de l'éducation nationale a connu une croissance de 3%. Dans le budget 2014, l'enseignement scolaire voit son budget augmenter de 600 millions avec 8 984 postes supplémentaires et 30 000 contrats aidés. Le nouveau Pacte de responsabilité voulu par François Hollande impose un nouvel effort d'économies budgétaires de 50 milliards d'ici 2017. De 15 à 20 milliards devront être trouvés dans les dépenses de l'Etat. Or l'Education nationale représente la moitié des fonctionnaires de l'Etat et le budget du ministère environ 16% des dépenses publiques (dettes et pensions incluses). On voit mal comment ce ministère pourrait échapper à la nouvelle donne politique alors que, par rapport aux engagements présidentiel, il reste encore environ 25 000 postes à créer. Doit-on leur dire adieu ?

 

Quel avenir pour la refondation ? 2014 aurait du être, selon les mots de Vincent Peillon le 22 janvier, l'année de "l'application" de la refondation, celle de "l'accompagnement". Le ministre avait promis que ce serait celle "du bien être et de la bienveillance" à l'Ecole. "Des directives claires seront données par la Dgesco pour faire évoluer la façon de noter les élèves", annonçait V Peillon. "Je donnerai des consignes pour limiter les redoublements, pour que l'orientation soit davantage choisie". On attendait aussi pour 2014 une nouvelle politique prioritaire, la réforme des programmes et celle du collège et du lycée. Bref, il s'agissait de poursuivre l'élan, et notamment la mise en place des Espe  et de faire entrer dans la classe les idées inscrites dans la loi d'orientation.

 

Evidemment les contraintes budgétaires influent sur la refondation. Benoît Hamon a beau promettre " j'essaierai de m'inscrire dans les pas du ministre de l'éducation nationale à travers les réformes qu'il a engagées", le 2 avril, ce ne sera possible que si Bercy lui en donne la possibilité. A moins que le nouveau ministre cherche en interne les nouvelles ressources dont il a besoin. N'a t-on pas une offre éducative dans le secondaire beaucoup plus importante que celle des autres pays ? Un volume d'heures d'enseignement largement supérieure ? Il y a là un gisement qui pet servir la refondation de l'Ecole si c'est nécessaire. Mais la refondation a besoin aussi d'une forte volonté politique et d'un certain consensus.  Or les restrictions  budgétaires pourraient envenimer les relations avec les syndicats. Le maintien des 60 000 postes est un casus belli pour la FSU. Une nouvelle gestion du dossier de la refondation, de celui des rythmes scolaires pourrait ramener de la sérénité dans la maison éducation alors que la libération de moyens en interne redonnerait du pilotage. La page de la refondation est-elle déjà tournée ? On notera que le premier dossier de presse du nouveau ministre parle de " l’École refondée", et non de la refondation de l'Ecole.

 

François Jarraud

 

Par fjarraud , le mardi 08 avril 2014.

Commentaires

  • LionelJeanjeau, le 08/04/2014 à 08:59
    "Les contraintes budgétaires influent sur la refondation" :  C'est vrai, de façon indirecte. Mais essentiellement indirecte. En effet, on peut toujours s'attendre, comme vous le précisez, à ce que "les restrictions budgétaires [puissent] envenimer les relations avec les syndicats".
    Mais quand même, on ne peut pas imaginer que les syndicats mettent dans la balance la question du bien être des élèves (thème qui traverse une grande partie de l'Expresso de ce jour). Faire évoluer la façon de noter les élèves, ça ne coûte pas un centime. Pour être bienveillant avec les élèves, il n'y a pas besoin d'une loi de finance rectificative. L'orientation choisie et la maîtrise des redoublements peuvent certes avoir un coût budgétaire. Mais à effectifs constants d'élèves dans le système, les masses financières en jeu ne semblent pas énormes. La maîtrise des redoublements pourra même avoir des effets financiers positifs (les conservateurs considérant même parfois que c'est l'unique raison d'être de cette pratique pourtant hautement symbolique sur le plan pédagogique).

    Fatiguer le doute :  s'il y a un point sur lequel Vincent Peillon a échoué, c'est bien celui-là.
    • thoudayer, le 09/04/2014 à 16:59
      "Pour être bienveillant avec les élèves, il n'y a pas besoin d'une loi de finance rectificative. "
       C'est un raccourci qui mérite une réponse. Pour moi, enseignant en CP, être bienveillant avec mes élèves, être bientraitant, c'est leur donner ce dont ils ont besoin : un cadre serein et proche pour un accompagnement de qualité dans les apprentissages: le nombre d'élèves dans ma classe, le fait d'être formé en formation initiale et continue, remplacé lorsque je suis malade plutôt que de les confier à mes collègues ou de venir avec 39 de fièvre... cela a bien évidemment un coût. Refuser un sous-encadrement, un mauvais encadrement des activités périscolaires a également un coût. Fournir un matériel adapté (manuels, TBI, PC...) également... et la liste n'est pas exhaustive.

      J'ajouterai enfin que les études relayées je crois par le café montrent un lien réel entre rémunération des enesiegnants et réussite des élèves dans les pays observés...

      Je ne souhaite évidemment pas réduire l'enseignement à son coût mais le fait est que l'enseignement a un coût et que lorsqu'on achète du low cost, on a du low cost... la bienveillance, n'échappe pas à la règle car la bienveillance, ce n'est pas seulement un acte individuel, c' est aussi une démarche instittuionnelle.
    • thoudayer, le 09/04/2014 à 16:56
      "Pour être bienveillant avec les élèves, il n'y a pas besoin d'une loi de finance rectificative. "
       C'est un raccourci qui mérite une réponse. Pour moi, enseignant en CP, être bienveillant avec mes élèves, être bientraitant, c'est leur donner ce dont ils ont besoin : un cadre serein et proche pour un accompagnement de qualité dans les apprentissages: le nombre d'élèves dans ma classe, le fait d'être formé en formation initiale et continue, remplacé lorsque je suis malade plutôt que de les confier à mes collègues ou de venir avec 39 de fièvre... cela a bien évidemment un coût. Refuser un sous-encadrement, un mauvais encadrement des activités périscolaires a également un coût. Fournir un matériel adapté (manuels, TBI, PC...) également... et la liste n'est pas exhaustive.

      J'ajouterai enfin que les études relayées je crois par le café montrent un lien réel entre rémunération des enesiegnants et réussite des élèves dans les pays observés...

      Je ne souhaite évidemment pas réduire l'enseignement à son coût mais le fait est que l'enseignement a un coût et que lorsqu'on achète du low cost, on a du low cost... la bienveillance, n'échappe pas à la règle car la bienveillance, ce n'est pas seulement un acte individuel, c' est aussi une démarche instittuionnelle.
    • maria1958, le 08/04/2014 à 13:40
      Détail: on n'est pas dans une conjoncture d'"effectifs constants d'élèves".....
      Ni dans les écoles, ni dans le secondaire, cf les statistiques récemment publiées par la Direction de la prospective du ministère, et signalées par le Café, qui parle à juste titre d'une "bombe démographique" pour la rentrée 2014 et 2015.... 
      Au dela des débats sur la notation etc, il va falloir ouvrir des classes et fournir des profs.


    • fjarraud, le 08/04/2014 à 10:50
      Bonjour
      à moins de croire qu'on régule le monde à coup de circulaires, ce que bcp de cadres croient, changer les pratiques professionnelles a un cout qui est d'ailleurs hors de portée de l'éducation nationale. On chercherait d'ailleurs en vain une seule réforme ministérielle ayant changé les pratiques professionnelles. Voilà pour le doute.

      Il reste des marges de manœuvre en interne. Ramener l'offre educative au collège aux standards internationaux permettrait de récupérer quelques milliers de postes. Idem au lycée. Mais ça suppose un consensus et être capable d'en faire quelque chose...
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