Benoît Hamon a remis le 7 avril les prix du concours "Mobilisons nous contre le harcèlement". Pour cette première sortie en terre éducative, le ministre a rendu hommage à ses prédécesseurs. Une façon de répondre aux inquiétudes ou aux attentes des partisans et des opposants à la refondation.

Cordial avec les professeurs et les élèves à qui il remet les prix, ce n'est sans doute pas par hasard que le nouveau ministre a mis l'accent dans son discours sur deux points. Il a longuement insisté sur le cyberharcèlement "qui amplifie considérablement l'impact du harcèlement avec une vraie difficulté pour identifier l'agresseur". Surtout Benoît Hamon a situé la lutte contre le harcèlement dans la lutte contre les inégalités qui est son thème majeur depuis son premier discours rue de Grenelle. "Une de mes priorités ce sera de lutter contre tout ce qui fait obstacle à la réussite des enfants , les inégalités quand elles se transportent à l'intérieur de nos établissements comme toutes les formes de violence ... qui font obstacle à l'épanouissement des enfants". Le ministre affiche sa fibre sociale. Il est vrai que le système éducatif française est, selon PISA, le plus injuste socialement des pays de l'OCDE. Benoît Hamon ira-t-il jusqu'à tenter de transférer des dépenses des CPGE, couteuses et majoritairement dotée de jeunes issus des familles privilégiées aux collèges Rep + ?

"Le harcèlement ça parle de la vie, de la mort, de l'amitié tout ce qui est fondamental dans les interrogations métaphysiques des jeunes". Eric Debarbieux, délégué ministériel chargé de la prévention et de la lutte contre les violences en milieu scolaire, a l'air de trouver normal qu'en 4 mois 823 projets (561 affiches et 262 vidéos) soient sortis de terre pour participer au concours "Mobilisons nous contre le harcèlement". Ouvert aux écoliers, collégiens et lycéens, appuyé par un réseau de "référents académiques", le concours rencontre un succès signalé. "Le professeur que je suis est content que les élèves aient tout compris".

Il est vrai que les réalisations retenues au niveau national sont remarquables. La vidéo réalisée par les écoliers de Romans-sur-Isère (école Antoine de Saint Exupéry, membre d'un RRS)  a une qualité grande artistique. Il est impossible de rester indifférent devant celle du collège Jean Franco, à Saint Etienne de Tinée. Même chose pour la vidéo du lycée Guillaume Apollinaire de Thiais (94). Réalisée par 8 élèves dont 3 membres du CVL avec le soutien d'un assistant d'éducation, elle s'adresse elle aussi directement aux témoins passifs du harcèlement, la vraie cible des campagnes d'Eric Debarbieux. La plus surprenante et peut être la plus réussie vient du collège L de Vinci de Saint-Marcel (académie de Rouen). Avec l'assistante pédagogique de l'atelier arts plastiques, 7 élèves ont réalisé un film d'animation qui rend d'autant plus visible les mécanismes du harcèlement.

Pour Sophie Willm, principale du collège Jean Franco de Saint-Etienne de Tisnée, la réussite du collège au concours tient en partie à son atmosphère familiale. Le collège héberge 130 jeunes sportifs en internat. "On ne peut pas tolérer le harcèlement en internat, encore moins que dans un établissement classique", nous a-t-elle dit. Les élèves sont avec nous toute la semaine. On prend le diner et le petit déjeuner ensemble. On fait du ski avec les élèves. Du coup les frontières entre les missions des uns et des autres sont un peu dépassées". C'est cette ambiance qui a permis de recueillir les témoignages qui sont à la base de la vidéo. Elle a été réalisée par les 5ème et 4ème de l'option numérique avec l'aide du professeur documentaliste, qui partage lui aussi la vie des internes. Elle sera projetée aux écoliers et leurs parents pour qu'ils sachent que le problème du harcèlement est abordé dans cet établissement. "Il vaut mieux prévenir et exercer la vigilance de chacun". La réalisation de la vidéo l'a conduit à revoir le fonctionnement de l'établissement. Elle attend maintenant plus d'implication des enseignants.

La proviseure du lycée Apollinaire de Thiais, Sylvie Charbonnel, était déjà sensibilisée au harcèlement comme ancienne proviseure vie scolaire de l'Essonne. "Quand je suis arrivée à Thiais il y avait des phénomènes de harcèlement graves et des professeurs très démunis car c'est un phénomène diffus. Les enseignants souvent ne se sentent pas autorisés à intervenir car le harcèlement se passe souvent dans la sphère privée". Avec la CPE un travail au long cours a été effectué en heure de vie de classe. Puis le relais a été pris par 3 élus du CVL et quelques élèves volontaires de terminale dans le cadre de l'ECJS.. Des équipes de sécurité sont venues former des enseignants. Le tournage a demandé deux après - midi et la réalisation a bénéficié de l'aide d'un assistant d'éducation. La vidéo est devenue un outil de prévention pour tous les élèves de seconde. "Le projet a surtout permis de constituer un maillage de personnes ressources, adulte sou lycéens, qui sont repérés par les élèves. Ca dénoue la parole. Par exemple on arrive à intervenir sur les moqueries avant qu'elles deviennent du harcèlement". Avec le soutien de la région Ile-de-France, une cellule d'écoute , avec uns psychologue, est ouverte au lycée. "On travaille maintenant à ce que les enseignants s'impliquent davantage, car ke harcèlement affecte les cours et les résultats", dit S Charbonnel. "On s'est aussi rendu compte que la frontière entre harceleur et harcelé est ténue. Il faut prendre en charge aussi les harceleurs".

Discret mais rayonnant, Eric Debarbieux récolte, avec cette première sortie ministérielle et le succès du concours, les fruits d'années de travail. Après Luc Chatel et Vincent Peillon, voilà un nouveau ministre à initier à la question du harcèlement. "Je travaille dans la durée", prévient-il...

François Jarraud

Les ressources du site Agir contre le harcèlement

Les vidéos et les affiches primées au concours