Une époque se termine ? La présidence Hollande a commencé à l'ombre de la statue de Jules Ferry. La démission du gouvernement le 31 mars, l'annonce d'une "nouvelle étape" par le président de la République remettent en question la politique menée par Vincent Peillon, au nom du président, depuis 2012. Comment réagissent les acteurs de l'Ecole ? Quelles pistes se dégagent ?
"Il est temps aujourd’hui d’ouvrir une nouvelle étape". Le 31 mars, François Hollande, dans un court discours, dresse les conclusions de la défaite électorale des élections municipales et marque la rupture. Il fixe trois objectifs au gouvernement, le premier étant le redressement économique. Arrive le second. "Ensuite, la justice sociale. Au Pacte de responsabilité, doit correspondre un pacte de solidarité dont le premier pilier est l’éducation, et la formation de la jeunesse ; le second, c’est la sécurité sociale avec la priorité donnée à la Santé ; et le troisième, c’est le pouvoir d’achat avec une réduction des impôts des Français et une baisse des cotisations payées par les salariés... Pour y parvenir, le gouvernement aura à mettre en oeuvre le programme d’économies budgétaires que j’ai annoncé".
L'éducation était jusqu'en janvier 2014 la première priorité du gouvernement, bénéficiant d'un bouclier budgétaire qui faisait de l'Education nationale le seul ministère à créer des emplois. Dans ses voeux aux Français, en janvier, F. Hollande a annoncé une nouvelle politique dans des termes sensiblement équivalents à ceux du 31 mars, reléguant l'Ecole loin derrière le redressement économique. "Je vous le redis ce soir : je n’ai qu’une priorité, qu'un objectif, qu’un engagement, c'est l'emploi !", disait le président de la République. Il ne faisait plus de l'Ecole une priorité. Tout au plus affirmait-il que " la Nation doit se mobiliser autour de son école" avant de redire "nous devons faire des économies partout où elles sont possibles". Or l'éducation nationale, premier budget de l'Etat, est bien l'endroit où récupérer des moyens. Le 14 janvier, F Hollande redonnait à la politique pour la jeunesse une place prioritaire. "C’est pour la jeunesse que le Gouvernement poursuivra la revalorisation des bourses universitaires qui ont déjà bénéficié à 100 000 étudiants. C’est pour la jeunesse que nous luttons contre les décrochages scolaires", disait le président avant de vanter le plan d'éducation prioritaire de V Peillon. "L’école, c’est la République. Et la République, c’est notre héritage mais c’est aussi notre avenir".
Quelle est place nouvelle de l'éducation dans la pensée présidentielle ? Le discours du 31 mars nous ramène-t-elle à la situation de début janvier ?. L'allusion au "pilier éducation" est sans doute là pour rassurer les syndicats. Mais elle est immédiatement suivie de l'annonce d'économies budgétaires. La première tâche du nouveau gouvernement sera justement de définir comment le gouvernement dégagera les 50 milliards d'économies du Pacte de responsabilité. Il est clair que l'éducation n'est plus l'objectif premier du gouvernement et que le nouveau ministre de l'éducation ne pourra plus compter que sur un soutien relatif du président.
Comment les syndicats réagissent-ils ? Invitée au congrès du Snes le 31 mars, Bernadette Groison, secrétaire générale de la Fsu, lançait un "avertissement". " J'avertis le gouvernement, la FSU n'acceptera aucun renoncement aux créations de postes prévus ! Les 60 000 postes, la formation sont des engagements de campagne présidentielle qui sont aussi le fait de nos batailles incessantes sous N. Sarkozy et nous n'accepterons aucun retour en arrière". La FSU annonce déjà une action "courant mai". Dans son discours d'ouverture du congrès du Snes, Frédérique Rolet, secrétaire générale du Snes, n'hésite pas à attaquer le futur premier ministre. " Nulle rupture avec le précédent gouvernement : en ce qui concerne les droits et libertés... , les expulsions se sont multipliées, le ministre de l’Intérieur ne s’est pas privé de tenir des propos que ne renierait pas la droite la plus extrême, sur les Roms par exemple". Christian Chevallier, secrétaire général du Se-Unsa, lâche ses inquiétudes dans quelques tweets le 31 mars. "Changer de ministre tous les 24 mois, le prochain Pisa est prévisible. le temps long de l'éducation ne s'accommode pas du temps politique. La question posée est celle du cap de la refondation ou bien du simple ripolinage pour rassurer les tenants du statu quo".
C'est bien la question de la refondation qui est maintenant posée. Il est acquis que la situation budgétaire de l'éducation nationale va devenir plus difficile. Il est acquis que la question des rythmes scolaires va se reposer différemment après la défaite aux municipales. La refondation peut-elle survivre à tout cela ? La refondation n'était pas que la vision politique de Vincent Peillon. Elle résultait aussi des travaux internes au PS avant 2012. Mais incontestablement elle tenait beaucoup à la personnalité de Vincent Peillon. Sans lui, la tentative de rénover l'Ecole, dans un gouvernement qui a d'autres objectifs prioritaires, est morte.
François Jarraud
Hollande : l'école reste une priorité