Entrer dans le métier de professeur documentaliste : Rencontre avec trois stagiaires 

Elles ont bien la vocation. Mais est-ce la même que celle des générations antérieures ? Comment voient-elles les débats qui partagent la communauté des professeurs documentalistes ? Quel regard jettent-elles sur leurs ainées ? La Semaine de la presse donne  l'occasion d'aller à la rencontre de la génération montante, les stagiaires de M2 qui interviennent en établissement 10 heures par semaine tout en préparant leurs oraux de concours. Dans une même académie nous avons rencontré Annie, Laure, Aude, trois jeunes femmes qui, sans être forcément représentatives, éclairent sur les professeurs documentalistes de demain.

 

Naissance de la vocation

 

"Et si je m'étais trompée". La question taraude nos trois stagiaires qui vivent cette année comme un premier contact professionnel avec le métier de professeure documentaliste. Cette première expérience en établissement va-t-elle confirmer leur choix ou l'infirmer ?

 

Comment sont-elles venues à envisager ce métier ? Sur nos trois stagiaires de M2, deux ont des liens familiaux forts avec le métier. Laure a des parents professeurs et a eu une scolarité sans failles. Annie a une tante bibliothécaire et sa mère est professeure documentaliste. Aude, par contre, vient d'un milieu ouvrier et son parcours scolaire a été un peu moins brillant.

 

Toutes trois cherchent le contact avec les élèves. "Après un passage par des bibliothèques, j'ai été attiré par l'enseignement", dit Laure. "Mais je n'aime pas la perspective d'avoir à gérer une classe. La souplesse du métier de prof documentaliste, avec sa dimension interdisciplinaire , la création de projets , m'a séduite". Annie a failli devenir prof d'anglais. Elle cherchait la relation avec les élèves. Après sa licence d'anglais, les contraintes du métier de professeurs disciplinaire l'ont fait reculer. "Je n'ai pas envie de dépenser de l'énergie pour transmettre des choses que les élèves ne partagent pas. Au CDI ne viennent que des élèves qui sont intéressés". Aude aussi a fui la responsabilité d'une classe. Elle pense trouver dans le métier de professeure documentaliste un rôle éducatif mais "sans les copies".

 

Une année sans stress ?

 

"Je suis payé. J'apprends. Le plus important c'est mon capes". Aude résume bien la situation vécue par les professeurs stagiaires. En poste pendant 10 heures en établissement, soit un tiers temps, elles perçoivent une salaire à mi temps. Nommées sur des établissements pas trop éloignés de l'Espé, leur semaine s'articule entre ces trois demi journées en établissement, des collèges pour toutes les trois, et deux journées en Espé à travailler l'oral du concours.  Toutes ont une journée de libre pour travailler leur mémoire avec le week end. "Ce n'est pas très chargé cette année", nous dit Laure.

 

Et la tutrice ?

 

Personnage clé, leur tutrice est le premier contact avec le vrai métier. C'est elle qui le dessine. "Au tout début j'ai eu peur de ma tutrice qui n'est pas très accueillante", nous dit Aude. "Elle m'apprend des choses, comme le gestion de la bibliothèque". Annie aussi est déçue car sa tutrice , proche de la retraite, est peu dynamique. "Elle a peur qu'on finisse par lui imposer des choses si j'en fais trop, souffle-t-elle. Laure par contre se sent très accueillie. "Tout de suite elle m'a traitée en collègue. Elle me montre plein de choses tout en me laissant libre. J'ai de la chance !"

 

Les relations avec les autres enseignants sont un peu déterminées par la personnalité de la tutrice. "Grâce à l'autonomie que me laisse ma tutrice, je peux monter beaucoup de projets avec les enseignants et la vie scolaire. Par exemple participer à un projet de tutorat , faire des séquences sur l'identité numérique", dit Laure."Les professeurs disciplinaires ne savent pas que nous avons des compétences numériques et d'information", nous dit Aude. "Ils m'expliquent comment fonctionne l'établissement et moi je les forme sur des outils TICE". Toutes trois ont du mal à connaitre tous les enseignants des gros collèges où elles exercent. Le montage des projets se fait par le bouche à oreille.

 

Avec la vie scolaire, les relations sont plus compliquées car les stagiaires sont prises au piège des cadrages déjà posés par leur tutrice. Autorise-t-elle ou pas l'utilisation du CDI comme salle de permanence ? Avec quelles règles ? En général, les tutrices ont marqué leur terrain par rapport au CPE. Des règle sont été fixées pour éloigner les élèves qui ne viennent pas au CDI pour faire une recherche. "Je ne peux pas aller contre les règles posées par ma tutrice même si je ne les partage pas", explique Annie.

 

Les bons moments ce sont les contacts avec les élèves. "C'est merveilleux quand un élève comprend", dit Laure. "Ce qui m'intéresse ce sont les partenariats avec les enseignants. Proposer aux élèves de travailler autrement. Favoriser leur autonomie". Annie aime aussi "les routines agréables avec els élèves qui viennent pour leurs recherches". Chacune a des anecdotes de ces moments de rencontre.

 

La documentation une discipline ou pas ?

 

Car les stagiaires ont leurs idées sur le métier. Elles sont initiées sur les débats qui organisent la profession par leurs formateurs en Espé et par leur tutrice. "C'est déroutant qu'on nous demande de faire de l'éducation aux médias mais qu'il n'y ait pas de programme", dit Aude. Même si elle a fuit les responsabilités de l'enseignement dans une discipline traditionnelle, elle trouve la situation bizarre. Annie et Laure sont plus réservées sur l'idée de faire d ela documentation une discipline à part entière. ""Si on avait un programme à suivre, je n'aimerais pas", dit Annie. J'aime la liberté de ce métier où on peut monter des projets avec des enseignants en toute liberté". "Devenir une discipline cela veut dire avoir plus d'élèves et des jeunes moins motivés", pense Laure.

 

Mêmes positions pour le fameux "3C", le "Centre de connaissance et culture", vision officielle du futur CDI. "Ca peut être une bonne chose s'il y a une bonne collaboration avec la vie scolaire", pense Aude. "Il faut au moins que le surveillant qui tient le CDI en l'absence de documentaliste soit formé". Laure et Annie penchent en faveur du 3C. "Je suis curieuse de voir ce que ça peut donner", dit Laure. "Avec le 3C le professeur documentaliste aura une place centrale dans l'établissement. Je suis pour un lieu qui s'adapte à l'autonomie des élèves et à l'autoformation".

 

Mais qu'apprend-on au collège ?

 

A quoi sert le stage en établissement ? Toutes trois pensent que le lien avec le concours est ténu. "En Espé on passe notre temps à préparer les réponses aux questions de l'oral. On nous a bien dit que l'on ne serait pas interrogé sur notre expérience en établissement", précise Annie. "Le stage apprend des choses pas théoriques qui permettent de comprendre la structure hiérarchique de l'Education nationale, comment ça marche", confie Laure. Le stage apparait comme une opportunité pour découvrir la vérité derrière la théorie. Mais il n'est en rien un gage de réussite au concours.

 

Le stage a une autre utilité plus profonde pour ces jeunes filles qui se prépare à embrasser un métier. "Avant le stage , je n'étais pas sure de moi" dit Aude. "Maintenant si"."Je suis contente de ce stage même si ce n'est pas le paradis tous les jours", dit Annie. "Je sais que je ne me suis pas trompée et que ce métier va me plaire". "J'ai hâte d'être vraiment en poste", souffle Laure.

 

François Jarraud

 

 

 

 

Par fjarraud , le mardi 25 mars 2014.

Commentaires

  • Lysam, le 25/03/2014 à 15:47

    ça me rassure un peu de lire ce que disent ces stagiaires, je me dis que je ne suis pas un vieux machin à vouloir penser qu'être prof doc ce n'est pas être un prof comme un autre... ni moins ni plus, différent ! Merci de faire entendre ces voix qui reflètent davantage la diversité d'opinions dans la profession.
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