Agir face aux problèmes de comportement à l'école 

Comment faire face aux élèves qui perturbent la vie de la classe ? Comment arriver à les inclure dans le groupe-classe ? Trois enseignants spécialisés et un médiateur scolaire partagent leur réflexion et leur expérience dans un petit livre qui peut aider les enseignants à agir dans leur classe. Car s'il n'y a pas de recettes pour faire vivre sa classe, il y a des savoirs et des expériences qui méritent d'être partagés.

 

 "Faire fonctionner sa classe, aider tous les élèves à avancer vers l'apprentissage, à vivre ensemble et à gérer leurs émotions, tout cela relève d'adaptations et de mises en oeuvre multiples qui doivent être réfléchies". Marc Chevallier, Koffi Gagbé, Ottilie Freymond et Tiphaine Lenfant ne prétendent pas apporter des solutions toutes faites. Mais il ouvrent des pistes concrètes pour aider les enseignants souvent désarmés face à certains élèves.

 

Une première partie de l'ouvrage permet de comprendre les problèmes de comportement en les mettant en perspective par rapport aux modèles d'enseignement et aux troubles psychologiques.

 

Une seconde partie analyse plusieurs exemples de situation. Avec Thomas on travaille sur la frustration. Avec Jason sur la règle. Avec Mathilde sur le temps. Chaque cas est mis en perspective  et permet d'élaborer une réponse personnalisée. Une troisième partie invite à construire des réponses collectives entre adultes et aussi au sein de la classe. Elle présente des outils pratiques de gestion de la classe et de résolution des conflits.

 

Ainsi cet ouvrage trouve le bon point d'équilibre entre information et action. Il apporte de nombreuses connaissances aussi bien psychologiques que de connaissance du système éducatif ou de sociologie de l'école. Il donne aussi aux enseignants des outils concrets pour faire face aux difficultés et comprendre ce qui se passe. En 200 pages, ce petit livre peut donner un vrai coup de pouce pour débloquer des situations conflictuelles en classe.

 

François Jarraud

Marc Chevallier, Koffi Gagbé, Ottilie Freymond et Tiphaine Lenfant, Problèmes de comportement à l'école. Comprendre pour agir, Chronique sociale, 2014. ISBN 978-2-36717-013-8

 

 

Problèmes de comportement : " On ne peut séparer la réponse des pratiques pédagogiques"

 

Pour Tiphaine Lenfant et Ottilie Freymond-Schrumpf, auteures des "Problèmes de comportement à l'école",  " ces jeunes qui perturbent l’école sont avant tout des élèves". Et leurs problèmes de comportement interrogent la classe et l'Ecole dans son ensemble. Elle donnent ici des exemples d'actions face aux élèves perturbateurs.

 

Qu'est ce qui a amené la rédaction de ce livre ?

 

 De nombreux ouvrages existent sur ce sujet, mais ils sont souvent rédigés par des psychologues, médecins ou théoriciens, beaucoup moins par des enseignants. Pourtant, ce sont eux qui sont en première ligne, car l’école est souvent le lieu initial de socialisation et de contrainte face aux apprentissages : or, c’est à la fois le groupe et la frustration que ces élèves ont le plus de mal à supporter. Nous avons donc souhaité proposer des pistes concrètes de réflexion et d’action ; pas des recettes, mais des pratiques qui ont fonctionné et sont faciles à mettre en œuvre. Nos lecteurs devraient ainsi pouvoir s’en inspirer pour construire des réponses dans leurs classes.

 

Il semble que de plus en plus d'élèves posent des problèmes de comportement à l'école. Certains accusent "le permissivisme 68ard". Partagez-vous ce diagnostic et, si oui, comment l'expliquez-vous ?

 

 « Il semble » est l’expression ! Des recherches indiquent qu’il n’y a pas forcément plus de faits de violence, mais que ceux-ci sont davantage signalés et pris en compte. Et même si c’est exact, le « permissivisme 68ard » est-il la seule cause ? Cela exclurait de fait les pays qui n’ont pas connu cette période, or les études indiquent que l’on retrouve les mêmes phénomènes à l’étranger.

 

De manière générale, l’École est étroitement liée aux grands changements de société. Les familles se sont par exemple modifiées : elles ont petit à petit délégué à l’école la partie contraignante de l’éducation, au fur et à mesure que sont apparues les notions de « bonheur d’être parent », d’ « aimer son enfant et d’être aimé en retour » ; par ailleurs, les parents isolés sont désormais plus nombreux …

 

Dans le même temps l’École est passée d’une logique de filière, chacun fréquentant l’établissement déterminé par sa classe sociale, à une logique de système dont le collège unique et la massification sont le point d’orgue. Certains élèves ne comprennent plus ce monde et ses codes, et n’ont d’autre choix que de se retrancher dans des comportements de repli ou de résistance pour préserver leur intégrité. On s’en rend particulièrement compte en lisant les interviews que nous avons faites d’anciens élèves perturbateurs : ces adultes nous éclairent sur la compréhension qu’ils avaient à cette époque du monde de l’école.

 

Un livre peut-il aider concrètement des enseignants à faire face ?

 

Nous le pensons ! Sinon nous ne nous serions pas lancés dans cette aventure d’écriture ! C’est notre motivation première : la diffusion de pratiques que nous avons pu repérer comme efficaces. Maintenant, on ne peut faire l’impasse des échanges avec les différents partenaires car l’adhésion de tous au projet est un élément essentiel.

 

Beaucoup d'enseignants pensent que les bonnes réponses aux problèmes de comportement sont dans les règlements d'établissement. Qu'en pensez-vous ?

 

Les règles d’établissement sont importantes, encore faut-il réussir à s’en saisir en tant qu’outil. Nombre d’élèves ont le sentiment qu’elles ne s’appliquent pas de la même façon selon leur destinataire… et c’est parfois vrai ! Les règles peuvent aider ces élèves perturbateurs à décoder le fonctionnement du monde de l’école. Encore faut-il que cette lisibilité les inclue. Les expliquer, les décliner en termes d’applications voire proposer des terrains d’entrainement pour comprendre réellement ce qui se joue est aussi essentiel que leur existence même. Enfin, un cadre structuré ne suffit pas toujours : toutes les observations faites dans différents pays montrent que ce sont les actions menées sur le climat général de l’école qui donnent les meilleurs résultats ; nous en donnons d’ailleurs quelques exemples.

 

D'autres cherchent la solution dans les médicaments comme la Ritaline. Qu'en pensez-vous ?

 

En tant qu’enseignants, nous ne pouvons répondre à cette question. Elle relève des professionnels de la santé. Sur la seule durée d’une année scolaire, toute proposition qui calme un élève perturbateur ne peut être accueillie que favorablement, mais est-ce une solution adaptée, impossible pour nous de le dire. Poser un diagnostic sur la nature des troubles et leur origine, puis mettre en place des soins adaptés sur la durée ressort du domaine médical.

 

Comment un enseignant peut-il aider un élève qui ne supporte pas les frustrations ou qui résiste aux règles ?

 

C’est tout l’objet du livre ! Il est difficile de le résumer en quelques phrases. D’autant qu’il n’existe pas une réponse mais toute une palette, en fonction du contexte, de la personnalité de l’enseignant, celle de l’élève, du reste du groupe. Un collègue disait, avec raison, « si c’était simple, ça se saurait ! » et c’est extrêmement juste. A partir de l’observation fine de l’élève, l’enseignant s’efforce de comprendre ce à quoi il réagit, essaie de mesurer sa capacité à s’auto-contraindre et de dégager le bénéfice lié à son comportement. C’est parfois très complexe parce que ce « gain » n’est pas attaché à ce qui ferait classiquement sens pour un élève qui va bien. Travailler sur la réalité telle que l’élève perturbateur croit la vivre est un vrai challenge.

 

Evaluer où cet élève réussit, même à minima, est également essentiel. Même si c’est parfois très difficile à déterminer. En effet, ces élèves nous donnent justement d’abord à voir – et à gérer –  des situations où ils mettent à mal ce qui fonctionne. A partir de ces éléments, on peut ensuite construire le projet personnalisé. Nous expliquons comment le mettre en place, et donnons des exemples d’outils pour des activités individuelles ou collectives. Ces dernières sont souvent plus efficaces car elles évitent à la fois un travail spécifique pour l’enseignant et un sentiment de persécution pour l’élève, tout en lui permettant de s’appuyer sur le comportement de ses camarades.

 

Peut-on séparer la réponse aux problèmes de comportement des pratiques pédagogiques en général ?

 

Ces jeunes qui perturbent l’école sont avant tout des élèves, et en ce qui nous concerne, notre propos est celui d’enseignants. Par conséquent, on ne peut séparer la réponse des pratiques pédagogiques. On peut au contraire s’y appuyer comme nous le montrons tout au long de l’ouvrage, sachant qu’il est souvent nécessaire d’utiliser aussi d’autres types d’actions en parallèle, à l’intérieur et à l’extérieur de l’école.

 

Un enseignant seul peut-il avoir une action efficace ? Ou faut-il privilégier les réflexions d'équipe ? Pourquoi ?

 

Un enseignant peut agir de manière efficace, mais le travail d’équipe est très important : il permet le recul indispensable pour éviter d’agir dans la précipitation. De plus, une cohérence d’action entre les différents adultes qui vont tour à tour avoir à faire aux mêmes élèves est à privilégier. Une concertation avec les familles est tout aussi nécessaire, un travail collaboratif étant toujours plus bénéfique qu’un rapport de force. Cela n’est pas toujours facile ; nous indiquons quelques pistes pour le privilégier.

 

Comment un enseignant peut-il progresser dans ses connaissances sur les problèmes de comportement ?

 

Ces élèves qui posent des problèmes de comportement empêchent souvent de prendre du recul. On a tendance à gérer une telle situation au jour le jour. Quand on réussit à s’en dégager, à trouver du temps pour soi, on en profite pour penser à autre chose, et c’est normal ! Progresser dans ses connaissances suppose donc d’avoir déjà réussi à mettre un peu de distance entre la situation et soi. Nous croyons beaucoup aux échanges au sein même de l’école et aussi avec des intervenants extérieurs : les formations d’équipes notamment, peuvent permettre, parce qu’elles sont gérées par un tiers, de porter un regard différent.  De manière générale, avoir des ressources possibles dont on peut s’emparer pour appuyer sa réflexion, des pistes pratiques faciles à mettre en œuvre lorsque l’on se sent démuni, aide à progresser. C’est pourquoi, nous en proposons un certain nombre en fin d’ouvrage.

 

Propos recueillis par François Jarraud

 

 

Par fjarraud , le lundi 10 mars 2014.

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