L'école du socle peut-elle réduire l'échec scolaire ? 

Le rapport de Terra Nova soulève de bonnes questions et met le doigt sur de vraies difficultés. Pour autant une réforme statutaire suffirait-elle à réduire l'échec scolaire ? Sans doute pas...

 

Championne des pays de l'OCDE pour les inégalités sociales de réussite scolaire, la France ne se soucie pas assez de son échec scolaire. Un bon trimestre après la publication de Pisa 2012, le "Pisa choc" attendu n'a pas eu lieu. Tout au plus s'est on mobilisé pour défendre les filières les plus élitistes... Non seulement l'échec scolaire est massif avec environ 140 000 jeunes ayant un très bas niveau scolaire. Mais plus en France que partout ailleurs dans les pays développés il est lié à la situation sociale. Le diagnostic, que rappelle l'étude de Terra Nova, c'est bien un système éducatif peu efficace et socialement injuste.

 

Les auteurs de Terra Nova ont raison de souligner la rupture du passage du CM2 à la 6ème. Pour les élèves faibles, le passage du maitre unique à la douzaine d'enseignants ayant des exigences et des styles d'enseignement différents, le fait que les attentes des adultes soient souvent tacites, qu'il y ait peu d'intérêt pour la façon dont le jeune travaille, tout cela multiplie les risques d'échec et de décrochage.

 

Pour autant l'échec scolaire est déjà bien installé avant l'entrée en 6ème. Les statistiques de la Depp montrent que déjà 13% des garçons et 11% des filles arrivent en 6ème en retard. Ce sont les 15% d'élèves en échec qui sortiront du système sans diplôme. Ce retard scolaire est déjà lié à al situation sociale des parents. Ainsi 27% des enfants d'inactifs arrivent en retard en 6ème contre 10% des enfants d'employés et 3% des enfants de cadres supérieurs. Du coté des enseignants cela ne concerne que 2% des enfants. Il serait déjà déterminant de lutter contre l'échec scolaire à l'école primaire et d'essayer d'y comprendre ses facteurs. De bons auteurs ont pu expliquer que les "malentendus" scolaires s'installent à l'école élémentaire, voire avant.

 

Reconnaissons à l'étude de Terra Nova un dernier élément novateur. Alors que l'OCDE a l'habitude d'estimer le coût de l'échec scolaire, ce genre de démarche est nouveau en France. Aussi l'effort fait par l'étude de Terra Nova pour estimer le coût pour l'Etat de l'échec scolaire mérite d'être souligné même si , en ne s'intéressant qu'au cout pour l'Etat, la démarche reste dans une conception bien française. L'OCDE met aussi en avant le cout pour l'individu lui même. En 2009, l'OCDE avait estimé qu'un homme diplômé de l'enseignement supérieur bénéficie d'un avantage salarial cumulé tout au long de sa vie de 186 000 $ par rapport à celui d'un diplômé du secondaire. Pour les femmes, le salaire cumulé est de 134 000 $ seulement. Compte tenu du coût des études, le bénéfice cumulé est de 82 000 $ pour les hommes et 52 000 $ pour les femmes. Mais les diplômés du supérieur apportent aussi plus de contributions à la société. Le gain est de 51 000 $ pour un homme (et 27 000$ pour une femme) c'est-à-dire le double des dépenses d'enseignement supérieur. C'est en effet un retour sur investissement intéressant !

 

François Jarraud

 

 

Par fjarraud , le vendredi 07 mars 2014.

Commentaires

  • stephan, le 07/03/2014 à 09:03
    D'accord avec vous sur le constat, mais je relève dans votre article une confusion possible entre "échec scolaire" et "retard".
    J'y vois pour ma part deux réalités différentes: un enfant en échec est un élève qui ne sait plus apprendre, qui ne met plus de sens dans l'école,qui ne progresse plus, avec tous les risques qu'on connait(décrochage)
    Un enfant "en retard" à la fin du primaire est simplement une victime de la rigidité de notre système (et des programmes) qui exigent que tout doit être appris en temps et heure imposés (notamment au CP).
    Il s'agit donc d'un retard artificiellement fabriqué par l'institution, et si nous , les enseignants, faisions (ou avions les moyens de faire) correctement notre travail, ce retard s'appellerait "laisser du temps aux enfants pour acquérir les connaissances à leur rythme" et ne devrait pas le pénaliser. On n'en parlerait même pas à l'entrée au collège...
    • Soliter, le 07/03/2014 à 11:20
      Sans oublier que cette idée de travailler en cycles et non plus en classe n'a jamais existé dans les pratiques, ce qui avait la volonté de se préoccuper du rythme de l'élève. Six mois d'écart entre deux élèves de Maternelle c'est important, pourquoi voudrions-nous que ce décalage soit disparu pour des élèves de fin de cycle 3?
      Pour l'Ecole Primaire les "Programmes" (quel vilain mot) de 2008  ont réaffirmé le découpage en classes se rapprochant ainsi du fonctionnement du Collège et cloisonnant encore plus ce manque de flexibilité.
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