Comment les députés ont failli interdire les tablettes à l'école 

Jusqu'où le principe de précaution ? Adoptée le 23 janvier, la loi sur la transparence en matière d'exposition aux ondes électromagnétiques a failli bannir les tablettes des écoles maternelles sous prétexte de l'utilisation du wifi. Alors que plusieurs rapports d'experts ont conclu à l'absence de danger, le principe de précaution amène les députés à des positions singulières. Si les ondes électromagnétiques du wifi sont mauvaises pour les enfants pourquoi les autoriser à partir de 3 ans ?

 

Jeudi 23 janvier, les députés discutent la proposition de loi relative à la transparence en matière d'exposition aux ondes électromagnétiques déposée par la député écologiste Laurence Abeille. En octobre 2013 deux rapports officiels, de l'Anses et de l'Académie de médecine ont conclu à l'absence de risques liés à l'utilisation du wifi. "Qu’il s’agisse des effets non cancérogènes sur le système nerveux central ou en dehors de lui, ou des effets cancérogènes en général, les quelque 2600 études publiées dans le monde sur ce sujet n’ont pas pu mettre en évidence de manière rigoureuse et reproductible un risque de cancer ou d’une autre pathologie organique dû à la téléphonie mobile ou au Wifi", écrit l'Académie de médecine. La proposition de loi Abeille propose l'interdiction du wifi dans toutes les écoles avant 6 ans ce qui interdirait également les tablettes.

 

Comment concilier les acquis des rapports scientifiques avec la cohésion majoritaire ? C'est l'exercice délicat auquel vont se livrer les élus socialistes sous les moqueries de l'UMP. "Le scandale sanitaire qui s’annonce risque de nous coûter bien plus cher", affirme Mme Attard, députée écologiste. "Nous avons des responsabilités : s’occuper des enfants de moins de trois ans, c’est bien ; s’occuper des enfants de moins de six ans, c’est mieux ; s’occuper des enfants de moins de douze ans, c’est encore mieux. S’occuper de toutes les personnes sensibles, quel que soit leur âge, voilà ce que l’on devrait attendre de la politique". Et de demander l'interdition des tablettes avant 6 ans. "Pourquoi interdire l’utilisation de tablettes numériques aux enfants de moins de six ans dans les établissements de loisirs, alors qu’il n’y a pas de risque avéré concernant le wi-fi ?", répond Laure de La Raudière, députée UMP. "Des expérimentations intéressantes sont en cours, dans certaines crèches, pour l’éveil des enfants handicapés à partir d’applications numériques sur des tablettes. Pourquoi voulez-vous interdire ce type d’applications, dont les résultats sont très encourageants, alors que, je le répète, il n’y a pas de risque avéré scientifiquement ?" Quant à la deputée socialiste Valérie Corre , elle tente la synthèse . Et ce n'est pas facile ! " Interdire le wi-fi dans tous les établissements qui relèvent du code de la santé publique et accueillant les enfants de moins de six ans conduira inéluctablement à interdire le wi-fi dans les écoles. Si l’on considère que le wi-fi est dangereux pour les enfants de moins de six ans, il serait logique d’étendre cette interdiction aux écoles. Interdire le wi-fi dans les établissements accueillant des enfants de moins de trois ans paraît donc nuancé et acceptable de tous." Elle s'attire la réplique de Laure de La Raudière. " M. Le Déaut (député socialiste) disait ainsi qu’« il n’y a pas lieu d’interdire le wi-fi, dont le niveau d’émission avoisine celui du téléphone sans fil des maisons. » Voulez-vous donc interdire aussi le téléphone sans fil des maisons ? Pourquoi ne le proposez-vous pas ?"

 

Au final, l'équilibre politique l'emporte sur la logique. La proposition de loi est adoptée en première lecture par l'Assemblée avec des amendements gouvernementaux qui interdisent le wifi dans les crèches en dessous de trois ans. L'école maternelle est sauvée. Ses tablettes aussi. La majorité se retrouve. Mais au prix d'un texte contradictoire. Enfin la question pourrait rebondir au Sénat où les socialistes ne disposent pas de la majorité et où la pression écologiste sera plus forte. Les écoliers français continuent à s'équiper de téléphones portables. Et un peu partout dans le monde, les enfants reçoivent des tablettes sans éveiller les inquiétudes.

 

F Jarraud

 

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Par fjarraud , le lundi 27 janvier 2014.

Commentaires

  • egoscriptor, le 27/01/2014 à 12:14
    Bonjour
    Vous dites que l'école maternelle est sauvée, ses tablettes aussi.
    Mais sauvée de quoi ? De l' obscurantisme, certainement, puisque c'est ainsi qu'il faut nommer toute attitude qui ne cadre pas avec les "études scientifiques", auxquelles on se réfère comme à une bible. Je ne nie pas que ces études contiennent une vérité, disons une part de vérité ; je conteste plutôt la conclusion implicite qui semble aussi la vôtre, à savoir : puisque ces études n'ont pas prouvé la nocivité des portables, du wifi et autres merveilles de notre postmodernité technophile, c'est que nous n'avons rien à en craindre. Raisonnement absurde. Ce n'est pas parce qu'un fait n'est pas prouvé qu'il est faux.
    Ce qui me permet d'être aussi tranché sur ce point, c'est tout simplement ce que je ressens à chaque fois que je me trouve à proximité d'une borne wifi.
    Et j'ai pu en faire maintes fois l'expérience. Cela a commencé dans le petit collège où j'enseignais, perdu au fin fond des montagnes, dans une zone connue sous le nom évocateur de "triangle des Bermudes" : on s'y perd, on n'en sort jamais... Il fallait désenclaver ces vallées profondes coupées de la civilisation. Les nouvelles technologies arrivèrent un jour, portées à bout de bras par les missionnaires du Rectorat et de l'Inspection académique. Parmi lesquelles : des pc flambant neufs, du matériel de visioconférence, des TBI... (je n'ai rien contre l'informatique, d'ailleurs vous voyez je l'utilise) et des "classes mobiles" constituées d'un chariot (transportable dans une classe) contenant des pc portables reliés au réseau du collège par une borne wifi... Je me trouvais à côté de ce redoutable chariot au moment où l'un de mes collègues l'activait pour le paramétrer. Oppressions intenses au niveau des tempes, du crâne, perte de concentration significative : ces sensations extrêmement désagréables, qui cessaient dès que je me trouvais à bonne distance de cette borne, se renouvelaient dès que je me trouvais dans sa proximité. (Il en va de même bien sûr avec les "box" et autres boitiers qui nous relient à Internet. Chez moi, pas de wifi, de même le wifi de mon portable est désactivé.) Naturellement, mes collègues riaient, puisqu'ils ne ressentaient rien de cela. Ils avaient beau avoir une formation scientifique (moi non, j'enseigne le français), cela ne les rendait pas plus critique à l'égard de ce matériel hi-tech objet d'une fascination quasi-mystique, irrationnelle. C'est nouveau, donc c'est fascinant, donc c'est sublime, donc on renvoie à plus tard l'examen objectif et rationnel des bienfaits et inconvénients de ces hardwares dont on ne peut (déjà) plus se passer... L'urgence de faire un bon score aux tests PISA, la logique du court terme (je parle de bénéfices, la pression des Lobbies du Numérique me semble en effet très puissante, ayant en mémoire le Cadre technico-commercial de Toshiba assis à la droite du Recteur venus jusque dans notre humble CDI pour parler Education et Contrats), l'illusion (mais là c'est un point de vue personnel) que le numérique est l'avenir de l'enseignement aveuglent nos Décideurs et leurs Courtisans. Ce qui nous manque, ce sont des données précises sur le (très) long terme, et pas seulement des données statistiques : il faut continuer les expérimentations scientifiques en ce domaine si sensible.
    Où je veux en venir ? Pour moi qui suis adulte, plutôt bien portant, l'expérience du wifi est tellement insupportable qu'on aura bien du mal à me faire croire qu'il ne présente aucun risque ; il me semble délirant, stupide, irresponsable, dangereux d'y exposer des enfants en pleine croissance et à qui on ne demandera pas leur avis. Oui, peut-être que ces sensations que j'ai rapportées ne sont QUE désagréables et inoffensives. Peut-être pas. En tout cas, je ne peux rester plus de 5 mn près de la source de ces rayonnements. Oui, je sais aussi que ces sensations sont parfaitement subjectives et que mon témoignage n'est qu'un témoignage. On peut en sourire, bien évidemment. En tout cas je regrette que le wifi ne soit pas purement et simplement interdit dans les établissements scolaires, quitte à investir par précaution dans des centaines de kms de câbles. Je regrette que sur ce point la principe de précaution ne soit pas appliqué avec détermination.

    Prendre pour vérité scientifique un bilan temporaire est aussi une forme d'obscurantisme. Je ne vois pas en quoi la maternelle est sauvée !
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