La France enfin première de la classe ? 

A quelques jours de la publication des résultats de PISA 2012, la publication du livre de Maryline Baumard appelle au réveil de l'Ecole. Parce que , à coup sur, l'école française est loin d'être au sommet du classement mondial. Elle risque même de dégringoler encore davantage. Face au nouveau "choc Pisa", Maryline Baumard veut proposer des solutions pour remettre en marche le système éducatif.

 

"Je dis qu'il y a des solutions ailleurs qu'en France", nous a-t-elle confié. "Pourquoi ne pas les regarder. Arrêtons de penser qu'on a une spécificité qui rendrait inutile ce regard. Il faut oser regarder comment font les autres y compris les pays émergeants qui partagent avec nous pas mal de problématiques éducatives sur les savoirs de base".

 

Son livre présente des programmes et des hommes remarquables qui ont, aux yeux de Maryline, un point commun : avoir obtenu des résultats. Le livre part au devant des success stories éducatives. Il fait découvrir les travaux de S Dehaène, M Zorman, E Duflo, J Torgesen mais aussi B Suchaut, R Brissiaud ou P Bressoux, plus connus des lecteurs du Café. M Baumard croit dans l'evidence based policy, cette théorie qui veut qu'on juge les programmes éducatifs au résultats grâce à des évaluations serrées.

 

L'avantage de cet ouvrage c'est de  faire découvrir au fil d'une lecture facile et agréable  quelques uns des grands acteurs de l'éducation mondiale. C'est aussi de sortir de l'hexagone. " On continue à penser l'éducation comme une spécificité française, comme un modèle qui doit perdurer", nous dit-elle. Or il faut croire en la science et appliquer ce qui marche que ce soit au Kenya ou en Floride. Pourquoi on le fait pas ? "Car les politiques n'aiment pas copier les Etats-Unis ou la Chine par exemple. Ce n'est pas politiquement possible. Enfin l'illettrisme c'est un sujet génant à évoquer pour une puissance comme la France.  Tout cela fait un faisceau convergent pour que l'on ne regarde pas ailleurs", dit-elle.

 

A coup sur, face au choc Pisa, ce livre va compter. Dans le naufrage il apparaitra comme , pas seulement un élément de débat, mais la bouée de sauvetage auquel accrocher l'Ecole. D'ailleurs l'evidence based policy c'est toujours présentée ainsi. Face à une situation catastrophique, on met en place des évaluations qui guideront le décideur.

 

Le problème c'est que les solutions proposées ne sont pas toutes aussi évidentes qu'il y parait. S Dehaène a beau être persuadé d'avoir trouvé la méthode pour apprendre à lire, ses essais en classe n'ont pas réussi. La méthode PARLER a sans doute bien des vertus. Mais étendue à une vraie échelle significative elle n'a pas donné de résultats concluants. Le programme de Floride a fait progresser cet état dans les évaluations internationales. Mais si on observe bien il y a bien des facteurs en jeu. Et bien des voix s'élèvent aux Etats-Unis pour dénoncer le testing for the test.

 

Le problème des chercheurs c'est souvent qu'ils oublient qu'il y a un univers entre le laboratoire et la salle de classe. Cet univers c'est celui de l'école avec sa propre culture. La question n'est pas tant de trouver la bonne méthode que de trouver le moyen de la traduire dans l'univers scolaire réel. Ainsi l'enseignement explicite de la conscience phonologique est reconnu officiellement déjà dans les programmes de 2002 de grande section et renforcé dans celui de 2008. Pour autant l'école échoue encore à apprendre à lire à tous les élèves. Et l'article de A. Ouzoulias publié aujourd'hui montre que la théorie elle-même est modelable. La comparaison souvent faite avec l'univers médical est peu convaincante. Si deux cellules réagissent de la même façon face au même agent, les élèves ne sont pas interchangeables, entre autre parce que les élèves ne sont pas uniquement des élèves. Disons qu'ils sont élèves pour 10% et autre chose pour 90%. Bien des raisonnements oublient que l'enseignement est une activité sociale.

 

Mais il y a  beaucoup d'intérêt à lire l'ouvrage de M. Baumard. Pour connaitre les idées d'un courant de pensée influent au ministère et dans le monde. Mais aussi pour découvrir des expériences et sortir l'école française d'un enfermement hexagonal qui lui est préjudiciable. Oui nous avons  beaucoup à apprendre des expériences kenyanes ou américaines. Et merci à M Baumard de les amener au bon moment.

 

F Jarraud

Maryline Baumard, La France enfin première de la classe, Fayard, ISBN 978-2-213-67863-4

 

Commander


Par fjarraud , le mercredi 13 novembre 2013.

Commentaires

  • Guillaume35, le 13/11/2013 à 20:57

    Il faut bien admettre que les sciences de l'éducation francophones reposent plus sur des modèles théoriques que sur l'expérimentation à grande échelle, contrairement aux sciences de l'éducation anglophones. L'enseignement explicite est une des pratiques efficaces (il n'est pas le seul)...pour autant à la lecture de cet article, on sent le procès d'intention des contre cet enseignement qui serait trop "magistral", trop répétitif...ce qui est loin d'être le cas. Là aussi, les préjugés ont la vie dure !  Oui, regardons ailleurs. La méthode de mathématiques de Singapour, où les élèves arrivent régulièrement premiers aux évaluations internationales TIMMS(Maths et Sciences) de 1995 à 2011, s’appuie sur de nombreux principes de l’enseignement explicite (modélisation, verbalisation du raisonnement, questionnement guidé, progression du simple au complexe, révisions…). 




  • Viviane Micaud, le 13/11/2013 à 10:14
    Je suis persuadée que la solution de provient pas de "méthodes de chercheur"  imposées aux enseignants, mais de rendre les enseignants experts sur la manière dont se construisent les savoirs chez les jeunes.
    Les jeunes ont une diversité de fonctionnement cognitive pour mémoriser, s'approprier des pratiques d'apprentissage et donner du sens, qui mobilise ou non en fonction de leur état d'esprit au moment de cours. Cet état d'esprit est très lié à leur situation familiale et la pression de leurs camarades.
    La recherche doit approfondir la psychologie cognitive et les conséquences de l'environnement de l'élève.
    Les programme scolaire doivent être établis de manière que la totalité des enfants puisse en tirer parti et doivent détailler les notions pour que les enseignants puissent vérifier quelles sont bien acquises. L'enseignant doit connaître les notions qui font partie des fondamentaux (qui manqueront à l'enfant s'ils ne les a pas), du socle (indispensable pour tout jeune qui reprendra ses études), ou qui est un élément du programme que l'enfant qui sera perdu si l'enfant n'écoute pas.
    L'enseignant est formé pour comprendre tout cela et utiliser son temps, son énergie et les soutiens qu'il peut avoir au mieux pour faire progresser tous les enfants. 
    A cause de l'effet Hawthorne, toutes les expériences pédagogiques marchent dans une classe pilote. Aussi, je suis toujours très dubitative sur les méthodes miracles. Il y a des "astuces" pour la tenue de classe,pour capter l'attention, ou pour ancrer des repères dans la mémoire que les enseignants doivent décliner en fonction de leur personnalité et du contexte d'enseignement. Un assemblage de ces "astuces" peut être réifier en méthode pédagogique, mais je n'en vois par l'intérêt. Ce qui a de l'intérêt, c'est le partage de leurs "astuces" et de "leur compréhension des difficultés d'apprentissage de certains enfants"entre les enseignants.
    Il est évident que les bureaucrates des services académiques, surtout ceux qui n'ont pas vu un élève depuis 10 ans, préfèrent vanter des "méthodes miracles" et accuser les enseignants d'être responsables du faible niveau des enfants car ils refuseraient d'appliquer les "méthode miracles". 
    • Lambda, le 13/11/2013 à 14:50
      Hum... bel argumentaire sceptique et relativiste. Pourriez-vous toutefois préciser qui sont les "bureaucrates des services académiques [qui] préfèrent vanter des "méthodes miracles" et accuser les enseignants d'être responsables du faible niveau des enfants" ? Vous vous dites "très dubitative sur les méthodes miracles" mais vous cédez sans gêne apparente au raisonnement tout aussi simpliste consistant à stigmatiser un bouc émissaire. Pas sûr que le dénigrement des professionnels de l'éducation non enseignants soit la bonne méthode pour aider l'Ecole à affronter des problèmes de société qui la dépassent assez largement.
      • Viviane Micaud, le 13/11/2013 à 19:10
        Ceux qui niaient les difficultés des enseignants de 4ème et de 3ème. Ceux qui ont imposé des plans et autres des référentiels de compétences aux enseignants du primaire. Ceux ont mis plus de 15 ans à admettre que la méthode de lecture globale posaient des problèmes sur le long terme. Ceux qui disent il y a aucune différence en cours d'anglais de 6ème, entre élèves qui ont appris des chansonnettes, les élèves qui ont eu des cours d'Espagnol et les élèves qui ont eu des cours structurés car "nous reprenons tous à zéro". etc....  
        Ce sont ceux qui ont imposé "ces éléments de langages négationnistes" au plus haut niveau de l'éducation nationale que je critique, non pas les catégories intermédiaires. 


Vous devez être authentifié pour publier un commentaire.

Partenaires

Nos annonces