Quelle aide apporter aux enseignants débutants ? 

Comment les professeurs des écoles stagiaires (PES) construisent-ils leur identité professionnelle ? Comment les aider à le faire ? A l'occasion de l'Université d'automne du Snuipp, Marc Daguzon, maître de conférences à l’ESPE de l’Université Blaise Pascal de Clermont-Ferrand, définit quelques critères pour aider les formateurs à comprendre les étudiants. De là découlent des propositions de conseils pour la formation. Hélène Crouzet, conseillère pédagogique réagit à ses propos.

 

Comment se développe un prof débutant ?

 

 Dans le cadre de ses recherches, Marc Daguzon a essentiellement cherché à comprendre de quelle manière ils parviennent à redéfinir les prescriptions qu’ils reçoivent pour se les approprier et construire leur identité professionnelle. En arrivant à l’IUFM (les recherches ont porté lorsque les ESPE n’existaient pas encore), de nombreuses préoccupations s’imposent aux débutants, orientés vers la classe, vers les apprentissages des élèves mais aussi vers la construction d’une identité professionnelle ou les autres acteurs du système éducatif. D’emblée, ces jeunes enseignants dégagent une vision socio-constructiviste forte en expliquant que les élèves doivent être acteurs de leurs apprentissages, certains ont même conscience que c’est grâce à cette idée qu’ils ont réussi leur concours. A partir de là, ils en déduisent l’image de ce qu’est un « bon » enseignant et l’image d’un modèle de classe, une classe qui tourne toute seule. C’est sans compter le choc des premiers stages… Les débutants se rendent alors compte que l’on manque de temps pour tout ! Dans l’année, ils évoluent selon trois phases d’un processus de redéfinition des tâches assignées et finissent par avoir conscience qu’ils ne peuvent pas tout faire de suite mais que ce serait intéressant qu’ils y arrivent plus tard. Quoiqu’il en soit, le passage du statut de débutant à celui d’enseignant ne se fait pas sans mal : il lui faut apprendre à faire classe, à faire apprendre et à réfléchir son expérience, ce qui est très souvent une démarche solitaire, à s’identifier enfin enseignant (être sujet de son propre développement). Pour cela, il a des outils à sa disposition, il commence par observer puis par imiter les gestes du métier pendant de stages, puis s’approprier et modifier des outils qu’on peut lui donner. Or, pour Marc Daguzon, ce passage ne peut se faire sans l’aide du formateur…

 

Et le maitre formateur ?

 

Une véritable recherche serait à mener sur le développement du maitre formateur, estime Marc Daguzon. Leur légitimité institutionnelle est bel et bien reconnue mais quand on discute avec les maîtres d’accueil, on s’aperçoit qu’ils sont très interrogatifs, qu’ils ne se sentent pas à la hauteur. Souvent, ils se posent la question de savoir si c’est bien à eux de dire telle ou telle chose, de transmettre telle idée, tel conseil,… Ils sont également tiraillés par les prescriptions entendues ici ou là, à une époque, il fallait que tout vienne des stagiaires, on ne devait pas leur dire comment faire ni leur montrer de marche à suivre. L’objectif était de faire évaluer ses échecs par le stagiaire lui-même. La question que se posent le plus souvent les formateurs est celle des outils et de leur identité : les maîtres d’accueil ne sont pas des PEMF, ils ont des outils mais ne vont pas en construire de nouveaux pour le débutant. On peut lui donner sans hésiter sa fiche de préparation car de toute façon, le débutant se l’appropriera et il ne fera pas la même chose. Et c’est bien en cela que réside l’identité du formateur : dans sa capacité à s’identifier professionnel, à expliciter sa propre expérience et à faire la part des différents déterminants qui influencent sa pratique.

 

Des propositions concrètes

 

Comme la réussite des stagiaires dans la construction de leur identité professionnelle va de paire avec une formation de qualité et un suivi efficace des formateurs, Marc Daguzon a offert à un public très en demande, une série de propositions concrètes pour la formation. Il conseille tout d’abord de sortir de l’idée qu’il y a une seule bonne pratique. Il regrette également qu’il n’y ait pas assez de transmission des savoirs, des savoir-faire et des savoir-être, notamment quand des collègues partent à la retraite en emmenant tout leur bagage avec eux, sans pouvoir en faire quelque chose d’utile. De fait, c’est bien la transmission en elle-même qui est au cœur de la réflexion du chercheur : il préconise aux formateurs de véritablement montrer leurs gestes professionnels, de les identifier et de les expliciter clairement tout en mettant leurs outils à disposition des étudiants. Il convient également de les accompagner dans l’analyse de leurs premiers pas. Tout cela ne peut se faire qu’avec la mise en place d’un environnement bienveillant : accorder le droit à l’erreur et partager sa classe, sans hésitation. Se poser la question : « qu’est-ce qu’il n’arrive pas à faire dans ce que je sais faire ? », afin de mieux appréhender ses préoccupations.

 

D’une manière plus générale, Marc Daguzon regrette que les jeunes prennent leur première classe en main pour se rendre compte qu’ils ne savent pas faire. La formation est faite pour des stagiaires qui ont la tête dans le guidon alors qu’elles devraient être faites pour des gens qui ont plus de recul. Par conséquent, il propose également des idées plus générales pour la mise en place d’une formation de qualité :

-           l’expérience de la responsabilité de la classe devrait être un passage obligé dans le dispositif de formation voire comme élément structurant d’un parcours de deux ans afin que les étudiants puissent se confronter très tôt à la réalité du métier ;

-           la mise en place d’une articulation dès le début de la formation des enseignements didactiques et pédagogiques ; les PES n’ont pas de préoccupations didactiques, que des préoccupations d’organisation de la classe, d’ordre pédagogique mais aucune interpellation du  dispositif qu’ils ont mis en place sur la notion à faire passer, ce qui est regrettable.

-           le renforcement de l’accompagnement : la mise en œuvre de dispositifs d’accompagnement de l’expérience en responsabilité pour favoriser le sentiment de réussite et renforcer la prise d’initiatives du stagiaire.

Au final, il est nécessaire que les débutants s’emparent des questions d’enseignement  et qu’ils acceptent, tout comme leurs formateurs et maîtres d’accueil l’idée d’un développement professionnel en construction : il faut accepter de leur laisser du temps, ils doivent accepter de s’en laisser… Le temps, c’est l’une des données essentielles de la réussite de la construction de l’identité professionnelle et de la réussite de la formation.

 

Alexandra Mazzilli

 

 

Pour Hélène Crouzet : On a besoin de la recherche

 

Suite à la conférence de Marc Daguzon sur le thème de l’aide et des conseils à apporter aux enseignants débutants, nous avons rencontré Hélène Crouzet, qui est à la fois Conseillère Pédagogique EPS et déléguée académique pour l’AGEEM d’Aix-Marseille. Cette année, étant donnés les grands changements qui secouent l’école, notamment en ce qui concerne le dossier de la formation, Hélène est confrontée à certaines difficultés auxquelles elle cherche à apporter des réponses concrètes en venant à l’Université d’Automne du SNUIPP.

 

Comment concevez-vous votre rôle de Conseiller Pédagogique en EPS ?

 

 Pour moi, il est surtout essentiel d’apporter aux enfants le plaisir de l’activité physique et nous devons former nos étudiants à cela. Pas tous les enfants n’ont ce plaisir de l’activité physique et par conséquent, ce sont de futurs sédentaires dons de futurs malades… Les enfants qui n’ont pas de pratique sportive en club se sentent souvent « inférieurs », moins bons et il faut particulièrement les accompagner en travaillant les savoirs. Nous apprenons à nos PES (Professeur des Ecoles Stagiaires) à faire ressortir les savoirs préexistants, en classe. Nous leur conseillons également de travailler avec les élèves la notion de progrès car pour avoir du plaisir, il faut progresser. Mais attention, on ne progresse pas par rapport aux autres mais bien par rapport à soi-même. Cela, Stéphane Diagana l’a très bien souligné lors de son intervention.

 

Comment se passe la formation des débutants cette année ?

 

Cette année, nous enregistrons un afflux de jeunes stagiaires car avec la réforme, il y a eu deux concours. Cela crée quelques problèmes de logistique, les MAT (Maitres d’Accueil Temporaires) de l’an passé ont parfois été refusés cette année car même s’ils étaient PEMF, beaucoup étaient aussi directeurs d’école et ne pouvaient cumuler toutes ces fonctions. Face à ces jeunes stagiaires très en demande, nous devons donc aussi répondre aux questions des néo-MAT. Par exemple, nous avons dû organiser un stage d’harmonisation des MAT, prévoir des temps de concertation. Concrètement, les MAT accompagnent les PES à l’aide d’outils de progressions : par exemple, pour la première période, chaque PES devait travailler à la mise en place et au cadrage de sa classe.

 

Que va vous apporter l’intervention de Marc Daguzon sur la gestion de l’aide aux débutants ?

 

Je pense que je vais utiliser les indicateurs d’observation qu’il a donnés pour aider les MAT à se positionner, à positionner leurs interventions, leurs rôles, à s’identifier. Parfois, il faut aider les PES à passer du statut d’étudiant à celui d’enseignant, en les bousculant un peu dans leurs certitudes ou leurs représentations, c’est aussi un accompagnement et un apprentissage pour les MAT.

 

Quelles autres conférences êtes-vous allée voir et comment allez-vous les utiliser dans le cadre de vos fonctions ?

 

Je suis venue car j’avais besoin de formation, et par curiosité aussi. C’est ma première participation. J’avais surtout besoin de faire le lien entre la recherche et la pratique. Je souffre de cette rupture entre la recherche et le terrain. Je ne suis pas d’accord avec les gens qui disent que la recherche ne sert à rien. Au contraire, on en a besoin pour nous donner des repères, des modèles. Je souhaite une école avec des enseignants de qualité et je suis devenue Conseillère Pédagogique de Circonscription pour y mettre mon « petit grain de sel ». Je ne veux pas que les gens soient de simples exécutants, je veux qu’ils se mettent en recherche. Aujourd’hui, on a vu  des chercheurs qui font ressortir l’épaisseur de notre métier, il faut que ce soit positif et qu’on en ressorte quelque chose pour les enfants. A ce titre, j’ai beaucoup apprécié la conférence de Mireille Brigaudiot sur la symbolique et l’abstraction en maternelle : elle va m’aider à aiguiser mon regard, à être plus vigilante. Son discours nous montre concrètement que la recherche peut servir à quelque chose, qu’elle propose aussi des éclairages pour le quotidien.

 

Propos recueillis par A Mazzilli

 

 

Par fjarraud , le jeudi 24 octobre 2013.

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