Le genre et l'égalité à Contre Pied 

Contre Pied,  la revue du SNEP, consacre son hors série de septembre à la question du genre et de l'égalité dans l'enseignement sportif à l'école. Question délicate et controversée, plus encore dans le domaine des APSA, où la distribution des rôles fonctionne comme une évidence fondée sur les disparités physiques. Aux garçons, la force et la compétition, aux filles, l'esthétique et l'entretien du corps. Mais qu'en est-il des filles qui gagnent et des garçons qui échouent ? L'indicateur de l'échec scolaire des filles en sport a soulevé des questions dont les réponses dérangent bien des certitudes.

 

Après la mixité, la séparation des activités

 

Présentant la revue à un petit comité de professionnels de l'enseignement sportif, Alain Becker, président du Centre EPS et Société à l'origine de la publication, pose le problème : on s'est alarmé de l'échec des filles en sport, on a mis en place des stratégies de remédiation équitable, et ces bonnes dispositions se retournent en leur contraire. Un numéro de 2004 soulevait le problème de la mixité dans le sport, alors mise en cause ; l'idée s'est estompée, mais a laissé dans son sillage l'usage d'une séparation des pratiques, des évaluations et des attentes qui gère l'échec des filles par des attentes de moindre performance. L'institution scolaire fait-elle tout ce qui est nécessaire pour pousser les élèves à faire plus qu'ils ne croient pouvoir faire ? interroge A. Becker. L'enjeu va au-delà du sport, dans l'ouverture des possibles d'une vie plus riche.

 

Step et  musculation pour les filles

 

Les injonctions institutionnelles, par souci d'égalité de chances de réussite, aboutissent à des aberrations, souligne Claire Pontalis, coordonnatrice du numéro et signataire de plusieurs articles. Des activités obligatoires de step, musculation, entretien, tournées vers l’hygiène et l'esthétique, ont fleuri dans les programmes. Passés au crible de la question de l'égalité des filles, les programmes ont vu diminuer les activités de sports collectifs, où les filles n'excellent pas – alors que l'EPS est souvent leur seule occasion de pratiquer ces sports. L'émancipation suppose de doter les élèves de pouvoir d'agir, dit Claire Pontalis, de les rendre exigeants, pas de leur accorder des faveurs dévalorisantes. Quand un but marqué par une fille vaut double, c'est bien le signe qu'elle est deux fois moins capable. Les comptes-rendus de pratique présentés dans la revue (en course d'orientation, danse, sports collectifs) proposent d'autres manières de donner à tous les élèves les moyens de réussir sans passer par cette égalisation bien peu encourageante.

 

« En quoi ça m'aide sur le terrain, le concept de genre ? »

 

Lorsque Cécile Ottogalli, historienne au CRIPS et à l'UFRAPS de Lyon, s'efforce d'expliquer précisément l'acception nouvelle du concept de genre, à la fois comme système de normes socialement construites et comme outil d'analyse des mécanismes de construction de ces systèmes de normes, un enseignant, perplexe, s'interroge : «  Mais à quoi ça me sert, sur le terrain, le concept de genre, pour travailler à l'égalité entre filles et garçons ? » La distance entre l'analyse théorique des situations et les solutions à trouver sur le champ dans la pratique de l'enseignement est d'autant  plus manifeste en APSA que les corps sont en jeu. « On a des garçons, des filles, ils n'ont pas les mêmes capacités physiques, comment permettre aux filles de ne pas être en retrait ? » S'intéresser à la différence des sexes, c'est déjà pas accepter de voir un problème, remarque l'historienne. Mais le concept de genre permet aussi d'apercevoir ce que d'habitude, on ne voit pas. Quand la biologie hésite sur la séparation nette entre les sexes à laquelle on a toujours cru, il n'est pas anodin de disposer d'un outil qui aide à déconstruire les certitudes socialement construites. Même s'il ne donne pas de réponse immédiate aux situations concrètes, elle oblige à y réfléchir.

 

Doubler les points des filles par équité ?

 

Un étudiant en CAPEPS avoue son incertitude : pourquoi serait-ce une mauvaise solution de doubler les points des filles quand elles marquent en sport collectif ? Car de fait, elles marquent peu, elles ont rarement la balle, les garçons ne leur passent pas ; alors valoriser leurs marques rétablit l'équilibre. Mais le but est déjà qu'elles marquent, souligne un collègue expérimenté. La question serait plutôt : comment leur permettre d'avoir davantage la balle et frapper. Le double point a l'avantage d'éviter de se poser la question, d'avoir à chercher des stratégies pour faire progresser les filles. Si on cherche, on développe une autre vision du jeu dans laquelle les gestes peuvent être différents et efficaces. On peut apprendre aux filles à oser « voler » la balle aux garçons, s'en emparer, s'imposer vers les buts. Là, on  avance vers l'égalité, parce que les filles cessent de se penser inaptes.

 

Le concept de genre n'est peut-être qu'un concept théorique, conclut Claire Pontalis, mais « il permet de décider quelles lunettes on met ». C'est un concept qui se révèle opératoire dès lors qu'il aide à mieux voir ce qui restait invisible : la réussite de certaines filles, les difficultés de certains garçons, les assignations injurieuses pour ceux qui ne rentrent pas dans les catégories prédéfinies de la virilité ou de la féminité... L'enjeu de cette prise de conscience est plus large qu'une revendication particulière ; c'est le dépassement d'une catégorisation qui entrave tout le monde.

 

Jeanne-Claire Fumet

 

Revue n°7 Hors série – septembre 2013 – 10€.

Tous les numéros parus à commander sur le site de Contre Pied, EPS Sports Cultures :

 www.contrepied.net

 

Colloque Égalité garçons -filles en EPS et sport, le 24 janvier 2014 au Sénat.

Contact et inscription : bruno.cremonesi@snpfsu.net

Journées d'études syndicales : Lille, Marseille, Bourges, Rouen et Caen, printemps 2014.

Lille, Marseille, printemps 2014,

 

 

 

Par fjarraud , le jeudi 17 octobre 2013.

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