L'éducation nationale se dote d'un Conseil supérieur des programmes 

Vincent Peillon installe le 10 octobre le Conseil supérieur des programmes. Dans le système éducatif français, la rédaction des programmes est l'élément central d'une politique éducative. Mais le nouveau CSP aura en plus à assurer la mise en place effective du socle. Il devra également réformer les examens et instituer  de nouveaux enseignements. C'est dire que le CSP va se trouver au centre de toutes les tensions et de tous les espoirs de la refondation. Son installation, le matin du 10 octobre, est un acte important du ministère Peillon. Quel équilibre entre conservateurs et réformistes et entre les forces syndicales en son sein ? Quelle indépendance ? Quelle place aussi pour les enseignants ?  

 

Une superpuissance au ministère ?

 

 Composé de 18 membres, 8 parlementaires et 10 experts désignés par le ministre, le Conseil supérieur de l'éducation devra être paritaire conformément à la loi d'orientation. Le CSP "émet des avis" et "formule des propositions" sur "la conception générale des enseignements dispensés" de l'école au lycée, "l'introduction du numérique", "le contenu du socle commun" en veillant à la cohérence des programmes. La loi d'orientation précise que " afin d’avoir une vision globale des programmes et de leur articulation avec le socle commun, le conseil devra organiser ses réflexions, non seulement par grand domaine disciplinaire mais aussi par cycle, afin de garantir une cohérence interne forte en termes de connaissances, de compétences et d’apprentissages à chaque cycle". Il doit aussi décider de la validation du socle ce qui revient à lui donner un droit de regard sur les examens, y compris le bac. Le CSP aura aussi son mot à dire sur le "contenu des épreuves des concours de recrutement d'enseignants". C'est dire que le CSP sera au centre de toutes les politiques ministérielles. Alors que le Haut Conseil de l'Education, qu'il remplace selon la loi", se bornait à un rapport annuel, le CSP aura à préparer de nombreux avis sur des sujets très variés.

 

De nouveaux programmes

 

La première tache du CSP sera bien sur la rédaction des nouveaux programmes du primaire. Ils sont vivement attendus par des enseignants qui sont actuellement consultés sur les programmes de 2008. Ceux-ci on apporté quelques points bien acceptés par les enseignants. Mais leur lourdeur, des exigences exagérées les ont fait globalement rejeter. On sait que l'introduction des nouveaux programmes sera progressive et ne pourra avoir lieu avant la rentrée 2015 au mieux. Le CSP devra aussi revoir les programmes du collège et du lycée. Des exigences fortes se sont fait jour dans certaines disciplines au point que le ministère a été obligé d'adopter prématurément des allègements en histoire-géo et S.E.S. par exemple.

 

On attend aussi du CSP la mise en place des nouveaux enseignements inscrits dans la loi d'orientation. C'est le cas pour l'enseignement moral et civique dont la mise en place est fixée à la rentrée 2015. Ce nouvel enseignement courra de l'école au lycée. Le CSP devra en définir le contenu mais aussi définir à qui il sera confié et comment il sera évalué. Le parcours d'éducation artistique et culturelle doit lui aussi se faire une place "tout au long de la scolarité". Non seulement il faudra définir sa place à coté ou dans les disciplines actuelles mais aussi dans le temps périscolaire et extrascolaire. On attend aussi du CSP qu'il mette en place l'éducation à l'orientation avec un parcours de découverte des métiers au collège. La loi d'orientation a encore décidé une éducation à l'environnement "de nature pluridisciplinaire" . Il devra faire "la promotion de la culture scientifique et technologique" pendant le temps scolaire et périscolaire tout au long de la scolarité. Comment concilier tout cela ? Comment dégager du temps tout en tenant compte des exigences de s lobbys disciplinaires et pédagogiques ? Voilà déjà de quoi occuper largement le CSP pendant les 3 prochaines années au moins. 

 

Et le socle

 

Malgré cette énumération de nouveaux programmes, il ne faut pas perdre de vue que le CSP devra concevoir ces programmes dans le cadre du socle commun. La loi d'orientation s'est bien gardée de définir ce socle.  Il reviendra donc au CSP de le faire c'est à dire d'affronter les visions opposées des organisations syndicales sur ce point d'achoppement de l'éducation nationale. A lui de concilier les inconciliables. A lui d'affronter les lobbies disciplinaires qui ont déjà sur marquer des points avant sa nomination. Il faudra donc que ces nouveaux programmes soient conçus en fonction des exigences du socle, ce qui n'est pas le cas actuellement, qu'ils soient progressifs et qu'ils rendent possibles les approches pluridisciplinaires. Comment surmonter toutes ces oppositions et dompter ces forces ? La loi impose au CSP une véritable rupture dans la conception même que l'on se fait des programmes pour passer à des curricula et des compétences. C'est un grand projet pas facile à mener. Interrogée par le Café, Frédérique Rolet salue dans le CSP un organisme qui doit mettre en place "une interdisciplinarité riche" mais aussi une structure qui rappelle "l'importance des contenus"...

 

Une montagne en perspective ?

 

Pour pouvoir réaliser tout cela, le CSP devra bénéficier de bien plus que ses 18 membres. Le ministère a déjà choisi la secrétaire générale du CSP en désignant l'actuelle responsable du bureau des programmes de la Dgesco. Il semble que le CSP soit déjà en train de recruter des chargés de mission. Enfin des groupes de travail devraient voir le jour probablement en reprenant ceux que la Dgesco a mis en place. Il devra faire connaitre son calendrier de travail qui devra être public.

 

Quelle indépendance ?

 

En répondant à une question du député Luc Belot, le 9 octobre, Vincent Peillon a insisté en disant que le CSP "doit travailler dans l'indépendance". Son prédécesseur, le HCE avait fait montre d'une indépendance certaine en prenant souvent à rebrousse poil l'institution. Le CSP aura plus de mal à s'affirmer indépendant dans la mesure où la majorité de ses membres sont nommés par le ministre de l'Education nationale. De source proche du ministère, il semble qu'un ancien secrétaire général du Snes fasse partie des personnalités nommées par V Peillon. Beaucoup de noms ont circulé sur la présidence du CSP. Le problème était rendu plus ardu par l'obligation de parité. Les noms d'Agnès Van Zanten, directrice de recherche au CNRS, professeur à Sciences-Po et sociologue de l’éducation, est avancé. Ses recherches lui donnent une vision très pointue du système éducatif et des attentes de la société envers son école. Son indépendance est reconnue. On murmure aussi le nom de Roger-François Gauthier. Inspecteur général, il est plus proche de l'institution et c'est un spécialiste reconnu des curriculums. Quelque soit le/la président(e), il devra marquer soin territoire vis à vis de la Dgesco. Ce sera moins facile que pour le HCE qui était une petite structure dont le secrétariat ne mobilisait pas les moyens de la rue de Grenelle.

 

Quelle transparence ?

 

V Peillon a aussi vanté la transparence du travail du CSP. Celle-ci découle du décret organisant son fonctionnement. Le calendrier du CSP doit être public. Ses séances ne sont pas publiques mais ses avis sont rendus publics y compris le détail des votes de ses membres. Il devra rédiger une charte précisant la procédure d'élaboration des programmes. Longtemps la rédaction des programmes a été confiée à l'inspection générale. En 1989, C. Allègre a créé un Conseil national des programmes. Les programmes avaient des rédacteurs connus. Mais le CNP a été supprimé en 2005. Et les programmes du primaire de 2008 ont été rédigés dans le secret du cabinet ministériel par des mains anonymes, sans discussion et débat. V Peillon a voulu rompre avec cette façon de faire. Les programmes auront des rédacteurs connus et ils seront validés par le peuple représenté par les 8 parlementaires.

 

Quelle place pour les profs ?

 

D'après les indiscrétions parvenues au Café pédagogique, aucun enseignant ne siège au CSP. Pourtant la question de ses relations avec le terrain se pose. Un collectif de chercheurs et d'associations professionnelles, proche de la FSU, a demandé expressément que le CSP travaille avec des enseignants. Vincent Peillon a décidé, pour les programmes du primaire, une double consultation du terrain, avant la mise en place du CSP et après la rédaction d'un projet de programme par le CSP. "J'espère que le CSP se dotera d'un comité d'experts et qu'il pourra auditionner des enseignants", nous a dit Christian Chevalier, secrétaire général du Se-Unsa. "Il faudra qu'il donne des signaux qu'il n'est pas dans une bulle et qu'il aille vers les praticiens de terrain". La personnalité du président pourrait être déterminante.

 

Le réacteur de la refondation ?

 

Dans une tribune donnée à Mediapart, Claude Lelièvre souligne la nouveauté, dans ses missions et sa composition, du CSP. " Le ''réacteur'' de la refondation de l'Ecole, c'est l'ensemble constitué par la redéfinition des programmes d'enseignement ( en commençant par les ''fondations'', c'est à dire le primaire), le problème des évaluations précises de ce qui doit être maîtrisé effectivement par les élèves, et enfin la question de la formation professionnelle ad hoc (initiale et continue) des enseignants... Le Conseil supérieur des programmes est au cœur de ce ''réacteur''... On est bien à un tournant possible, aux enjeux majeurs, puisqu'il y va de l'axe central de la refondation". Ce n'est pas la moindre des singularités de la refondation que d'avoir confié à une instance qui n'est pas directement pilotée par le ministre un rôle aussi central. Est-ce un atout ou une faute politique ? L'avenir le dira.

 

François Jarraud

 

Pour C. Lelièvre

Loi d'orientation

Décret sur son fonctionnement

RF Gauthier sur les curriculums


Par fjarraud , le jeudi 10 octobre 2013.

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