Education prioritaire : Plus d’autonomie et des « sorties progressives » à prévoir 

Quel avenir pour l’éducation prioritaire ? Plus d’un an après l’arrivée au ministère de Vincent Peillon, la réponse reste en suspens. Mardi 23 juillet, Jean-Paul Delahaye, directeur général de l’enseignement scolaire, présentait devant les commissions de la Défense et des affaires culturelles de l’Assemblée nationale, un rapport bilan sur l’éducation prioritaire. C’était l’occasion pour les députés de l’interroger  sur le devenir d’un dispositif qui scolarise un élève sur cinq.

 

Un continent

 

L'éducation prioritaire est un continent particulier de l'Education nationale. Elle concerne un collégien et un écolier sur cinq. On compte 297 collèges et 2096 écoles, soit 5% de l'effectif total des élèves, dans les réseaux Eclair qui regroupent les établissements qui ont le plus fort taux d'élèves défavorisés. En réseau Eclair, 73% des élèves ont des parents ouvriers ou inactifs (35% dans le hors-prioritaire). 22% des élèves sont en retard à l'entrée en 6ème, soit le double du taux moyen hors prioritaire. Les Réseaux de réussite scolaire (RRS) scolarisent environ 15% des collégiens et  12% des écoliers. On compte 901 collèges et 4 676 écoles dans ces réseaux. 57% des élèves sont issus de familles défavorisées. 18% des élèves sont en retard à l'entrée en 6ème.

 

Un rapport a demandé une "remise à plat" de l'éducation prioritaire

 

En 2012, un rapport de l'Inspection générale sur "l'élargissement du programme CLAIR au programme ECLAIR", coordonné par Michel Hagnerelle, Alain Houchot et Simone Christin, dresse un tableau très critique de la réforme des Eclair imposée au pas de charge par Luc Chatel (1). " Globalement, malgré des réussites ponctuelles qu’il convient de saluer, les effets du programme ECLAIR sont très modestes dans les écoles et les établissements. La plus-value éducative et pédagogique est limitée", note le rapport. Pour les inspecteurs, Eclair est " une réponse insuffisante aux problématiques de l’éducation prioritaire". " Globalement, malgré des réussites ponctuelles qu’il convient de saluer, les effets du programme ECLAIR sont très modestes dans les écoles et les établissements. La plus-value éducative et pédagogique est limitée... La démarche se révèle inadaptée pour impulser une dynamique de changement dans le système éducatif". En proclamant que " ECLAIR constitue une réponse inadaptée aux grands défis de l’éducation prioritaire" malgré la qualité des équipes "motivées" des réseaux, le rapport invite à une "remise à plat de l'éducation prioritaire".

 

Un bilan partagé

 

Devant les commissions de l’Assemblée, Jean-Paul Delahaye a évoqué ces mauvais résultats. « Le milliard d’euros dépensé pour diminuer le nombre d’élèves par classe et payer les enseignants de l’éducation prioritaire ne donne pas des résultats satisfaisants », a-t-il déclaré. Cet échec de l’éducation prioritaire lui semble avoir trois causes : un saupoudrage des moyens, un pilotage discontinu depuis 1981 et une mauvaise utilisation des moyens. Depuis 1981, affirme JP Delahaye, le pilotage de l’éducation prioritaire a visé tantôt une logique  de promotion individuelle, tantôt la lutte contre la violence scolaire. Des propos qui visent directement l’époque Sarkozy avec sa redéfinition hésitante des ZEP  entre arguments sécuritaires et exfiltration des « bons éléments » des quartiers grâce aux internats d’excellence par exemple.

 

Quel avenir pour l'éducation prioritaire ?

 

Jean-Paul Delahaye a présenté ce que pourraient être les objectifs ministériels. Il souhaite remettre « la pédagogie au centre » du dispositif. Il veut accroitre l’autonomie des collèges par exemple en donnant la possibilité de gérer une partie de la dotation horaire de l’établissement pour développer des projets. Où se situera précisément cette autonomie ? S’agit-il de donner plus de pouvoirs aux principaux , comme l’incitent les députés UMP, ou de donner une existence réelle aux équipes en leur donnant un pouvoir ? Peut-être les deux. JP Delahaye veut que les équipes s’incarnent. C’est une réponse à une autre problématique de l’éducation prioritaire : la fuite chaque année de 60% des enseignants. Il souhaite en même temps renforcer son pilotage.

 

Des sorties du dispositif

 

Il y a un an, la concertation nationale avait posé la question de la labellisation et du découpage territorial.  JP Delahaye revient sur cette question. « Le plus délicat sera de gérer les sorties progressives de l’éducation prioritaire ». Délicat car cela a un impact sur les collectivités territoriales et l apolitique de la Ville. Délicat aussi parce que les enseignants des zones prioritaires bénéficient d’une prime de 1200 euros par an. C’est à la fois un acquis social et une reconnaissance symbolique de la difficulté du métier.

 

Consultations à venir

 

Les décisions ministérielles seront prises à la fin de l’automne 2013 après deux événements. Une demi-journée sera libérée courant octobre pour que les enseignants puissent échanger sur la nouvelle politique prioritaire. Des Assises académiques sont programmées en novembre.  C’est seulement après que le ministre pourrait annoncer des décisions. L’éducation prioritaire devra donc attendre la rentrée 2014 pour des évolutions. Est-ce trop tôt ou trop tard ?

 

François Jarraud

 

Le rapport


Par fjarraud , le mercredi 24 juillet 2013.

Commentaires

  • Viviane Micaud, le 24/07/2013 à 09:21
    Les difficultés scolaires proviennent de :
    1) de la pression du groupe sur les élèves qui valorise des attitudes où on fait semblant de s'agresser en employant 20 mots de vocabulaires et qui agresse et marginalise ceux qui s'investissent dans le travail scolaire (Mon neveu, premier de la classe, a eu une dérogation pour aller dans un autre collège grâce à la CHAM. Celui qui avec qui il se battait en primaire pour la place de premier est resté dans le collège de la zone et a très médiocrement réussi son brevet des écoles.)
    2) L'inadaptation du socle commun, programme et contrôles pour les classes hétérogènes. Tant que celui qui maîtrise mal l'expression est condamné à être incapable de réussir les contrôles quels que soient ses savoirs et sa bonne volonté, il faudra surnoté des exercices inadaptés pour un résultat pédagogique nul.
    3) du manque de soutien aux enseignants, lorsque les jeunes refusent les règles de fonctionnement de la classe. L'enseignant DOIT pouvoir demander de sortir à un jeune qui refuse les règles de vie en communauté. Il faut le nombre de surveillants nécessaires pour les prendre en charge. (Une formation ou un "tutorat" pour l'enseignant sur la tenue de classe en parallèle est aussi indispensable, mais après avoir donné un soutien sur le problème immédiat.).
    4) de l'impossibilité de garder des équipes pédagogiques stables et expérimentées dans les zones qui cumulent toutes les difficultés. C'est lié aux statuts de l'enseignant et aux règles surréalistes pour les mutations.
    5) de l'insuffisance de formation des enseignants et du personnel des établissements, en particulier sur la psychologie des jeunes qui sont en face de difficultés de tout ordre. 
    Tous ces problèmes doivent être pris en compte. L'ordre de présentation correspond au degré d'importance. Le premier problème est bien la pression du groupe. Sa prise en compte dépasse le cadre de l'établissement et nécessite une prise en compte par la municipalité. 

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