La réforme du métier attend les profs à la rentrée 

Vincent Peillon a annoncé le 16 juillet la mise en place de 13 groupes de travail sur les métiers de l'enseignement. Du professeur des écoles au personnel de direction, le chantier très délicat de la réforme des statuts et conditions de travail sera lancé de septembre à février. Pour le ministre ce projet se situe dans la continuité de la refondation. Il s'agit de pouvoir mettre en place les nouvelles pédagogies inscrites dans la loi d'orientation. Mais comment faire quand on a peu à offrir dans la négociation ?

 

Consultation au primaire

 

On fixe le calendrier de rentrée avant de partir. C'est ce qu'a fait Vincent Peillon en recevant les syndicats le 16 juillet. Le ministre a présenté les "discussions sur les métiers et les parcours professionnels des personnels de l'éducation nationale" qu'il entend mettre en place à la rentrée 2013. A coté des chantiers déjà engagés, comme la priorité au primaire, la réforme de la formation initiale et le numérique, Vincent Peillon a présenté les 3 nouveaux chantiers pédagogiques qu'il va ouvrir à la rentrée et les 13 chantiers sur le personnel. Selon le Snuipp, qui s'en félicite, le ministre  a promis une consultation des enseignants sur les programmes de 2008.

 

La réforme du prioritaire

 

Le ministre lancera à la rentrée la réforme de l'éducation prioritaire avec un diagnostic associant les acteurs à travers une demi-journée banalisée en octobre et des assises académiques en novembre décembre. Il était prévu des assises nationales. Auront-elles  lieu en décembre ? Ces assises aborderont la question des moyens et des modalités d'exercice des personnels. L'éducation prioritaire a vu naître de nouvelles catégories de personnel, comme les professeurs des écoles, dont les fonctions restent à définir.  La question de la cartographie des réseaux et de leurs moyens a été lancée déjà le 1er juin lors d'une journée OZP. Marc Bablet, chargé de mission à la Dgesco avait évoqué pour le Café la question des moyens. "L'éducation prioritaire a des moyens. La question c'est qu'en faisons nous ? Dans un premier temps il faut analyser leur pertinence , arriver à faire un diagnostic sur leur efficacité. C'est l'enjeu de la réflexion sur la professionnalité".

 

La rénovation du collège et du lycée

 

Peu abordé par la loi d'orientation, le collège est un lieu d'inégalités, de souffrances et de tensions dans le système éducatif. Le ministre veut commencer par la mise en place du socle et des nouveaux cycles, des nouveaux programmes et de la nouvelle organisation pédagogique à l'automne 2013. Autant dire qu'il commence par le plus difficile. La façon dont le gouvernement précédent a mis en place le socle et l'approche par compétences a creusé le fossé avec l'institution de façon durable et rendu ces approches répulsives pour beaucoup d'enseignants. Enfin le ministre veut faire "un bilan" du lycée au cours de l'année 2013-2014. A plusieurs reprises il a précisé qu'il recevait des avis divergents sur la réforme du lycée. On ne sait pas comment ce bilan sera fait et si les personnels y seront associés.

 

Les discussions sur les métiers

 

Pour V Peillon, "les chantiers de l'agenda de la refondation... doivent être accompagnés par l'engagement de discussions relatives aux métiers".  Il faut "mettre en cohérence les missions et les parcours professionnels par rapport aux enjeux pédagogiques". Aussi lance-t-il avec les syndicats 13 groupes de travail qui concernent toutes les catégories de personnel : enseignants du 2d degré et professeurs des écoles, mais aussi directeurs, personnels de direction, Rased, formateurs, conseillers pédagogiques, CPE, chefs de travaux, inspecteurs, administratifs, personnels médicaux et contractuels.

 

De septembre 2013 à février 2014, chaque groupe de travail abordera "les missions de façon à intégrer les réformes pédagogiques", les "thématiques des parcours professionnels et de la formation".

 

Quelle vision du métier d'enseignant ?

 

En janvier 2013, Vincent Peillon avait évoqué le métier d'enseignant et sa réforme dans un entretien donné au Café pédagogique. "Le monde et la société changent. Les enfants d’aujourd’hui ne sont pas ceux d’il y a 20 ou 30 ans. Les modalités d’accès au savoir ont été bouleversées par les nouvelles technologies. L’école doit donc évoluer, et cette évolution repose en très large partie sur les pratiques des enseignants", nous avait-il dit. "Cela passe, je le crois, par un encouragement réel au travail d’équipe, ce qui suppose des responsabilités, et une certaine autonomie pour mener des projets au service de la réussite des élèves". Lors d'un autre événement , le 30 avril, le ministre avait avancé l'idée d'une réforme du cadre d'emploi des enseignants gommant les frontières entre les  corps dans l'éducation nationale. "Que celui qui va devenir professeur se dise : je vais être tuteur, je pourrai enseigner en Espe, devenir chef d'établissement puis redevenir enseignant si je le souhaite".

 

Mais comment faire ?

 

"Il faut avoir des choses à négocier". Interrogé par le Café, Sébastien Sihr, secrétaire général du Snuipp, met le doigt sur le principal problème de V. Peillon. Peut-on changer les métiers de l'enseignement sans avoir quelque chose à négocier ? Car le ministre s'est déjà lié les mains. Sur le salaire il a signé un protocole d'accord qui flèche pour plusieurs années les priorités pour autant que Bercy lui laissera les moyens de quelques mesures catégorielles. Sur le temps de travail, il a déjà envisagé la réduction des vacances d'été, davantage de journées travaillées. Les nouveaux recrutements ne lui permettent pas de diminuer les temps de service de façon à y inscrire concrètement de nouvelles missions à moins de détricoter les horaires ce qui revient à affronter les lobbys disciplinaires. Vincent Peillon s'aventure dans de nouveaux chantiers qui n'ont pas réussi à ses prédécesseurs. Gilles de Robien s'était attaqué aux décrets de 1950 pour récupérer des postes. Son successeur, Xavier Darcos, avait du annuler ses décrets. Luc Chatel avait voulu revoir l'évaluation des enseignants. Son décret a été annulé par V. Peillon.  La concertation ne suffira pas à faire passer la réforme. Il faudra aussi du carburant...

 

François Jarraud

 

Sur la refonte du prioritaire la journée du 1er juin

Entretien en janvier 2013

Le 30 avril

 

Par fjarraud , le vendredi 19 juillet 2013.

Commentaires

  • Viviane Micaud, le 24/07/2013 à 09:33
    Une de mes préoccupations concerne le lycée. Je lis ce qui dans cet article.

    "Enfin le ministre veut faire "un bilan" du lycée au cours de l'année 2013-2014. A plusieurs reprises il a précisé qu'il recevait des avis divergents sur la réforme du lycée. On ne sait pas comment ce bilan sera fait et si les personnels y seront associés."

    Le lycée est beaucoup plus compliqué qu'est le collège, car l'enseignement "unique" est totalement impossible à cause de la diversité des profils et de la maturité des élèves. La preuve de cette complexité est que lorsque que Darcos a vanté l'idyllique lycée finlandais, dans toutes les personnes qui se sont exprimées dans des articles, des billets ou des commentaires des journaux électronique, j'ai été à ma connaissance la seule à voir qu'il était impossible que le lycée finlandais ait les caractéristiques vantées. J'avais raison. Celui-ci est le point faible du système éducatif finlandais. Voir mon billet de blog à ce sujet que j'ai écrit en 2009.
    http://vivianemicaud.wordpress.com/2009/02/15/le-lycee-finlandais-point-faible-dun-systeme-educatif/

    Pour analyser avec pertinence, le bon (ou mauvais) fonctionnement, il faut faire le bilan des impacts sur les destins des élèves et sur les compétences acquises pour le pays. Je suis convaincue par exemple que le 2 heures d'accompagnement "dit personnalisé", en réalité par groupe de 17 à 35, sont bénéfiques car elles permettent de faire autre chose, d'ouvrir l'esprit. Par contre, je ne crois pas à la liberté d'organisation de l'équipe pédagogique car, dans ce cas, la paix social est privilégié à l'intérêt des élèves : plutôt donner une occupation à un prof pour lui éviter d'être sur deux établissements, que d'avoir une approche sur le besoin des élèves.
    Par contre le tronc commun des filières générales ne fonctionne pas. Il y a ni plus ni moins de possibilités qu'auparavant. La transition d'un la filière L ou ES vers S après la première est toujours impossible. La transition d'une première S vers un bac L ne pose aucune difficulté. Avant la réforme Chatel c'était déjà le cas. La transition d'une première S vers un bac ES nécessite de récupérer les fondamentaux de l'économie pendant les vacances comme auparavant. 
    Actuellement, les filières de l'enseignement général et technologique ont une double-contrainte.
    La première est l'interdiction de la filière S, dite ironiquement scientifique mais en réalité généraliste, à ceux qui écrivent en parfait français mais qui ne savent pas "questionner la question" de la manière utile pour ceux qui font des études supérieures littéraires. Je suis très sensible au sujet car moi, mon deuxième fils et très certainement la moitié de mes petits-enfants à venir auraient été disqualifiés dans le lycée de Chatel. J'ai été sauvé par le magnifique bac E, supprimé depuis,et j'ai un diplôme d'ingénieur d'une grande école de tout premier plan (dans le top 3) et un doctorat en génie industriel. J'ai donc beaucoup de mal à comprendre que les politiques aient décidé que les jeunes qui ont mon profil doivent être conduits à l'échec scolaire. Quand je dis les politiques, c'est Peillon y compris, car il n'a même pas rééquilibré l'enseignement des sciences entre la Première et Terminale S alors que cela s'imposait.
    La deuxième contrainte est que pour garder toutes les portes ouvertes dans les études supérieures, il convient d'avoir la filière qui a la plus grande exigence en maths. Comme celle-ci est lié à la physique-chimie. Cela impose de faire de la physique-chimie, y compris quand on est intéressé par l'économie ou par les hautes études littéraires. 25% des élèves d'hypokhâgne (la prépa littéraire) viennent de S. 
    Malheureusement, suite à un échange de fonds commerce réciproque , la communauté de ceux qui parlent sur le sujet a une analyse tout autre. Cette analyse est basée sur un double négationniste : un négationniste sur le niveau de nuisibilité d'imposer la capacité à rédiger suivant les codes d'expression artificielle des littéraires à tous les lycéens y compris ceux qui ont déjà décidé de ne pas aller vers les orientations supérieures littéraires, un négationniste que sur le fait que les mathématiques se construisent comme un mur de briques. Il est impossible d'assimiler une notion  sans avoir assimiler d'autres notions. Il est impossible de voir les dérivées sans avoir vu les notions de continuité, etc..Par ailleurs, il y a une différence dans la capacité d'acquérir ces notions qui rend  nécessaire plusieurs niveaux. Dans l'idyllique lycée finlandais(qui est en réalité en dysfonctionnement), il y a deux parcours pour les mathématiques. Et il est possible d'avoir un bac (matriculation) sans maths, avec maths allégés et avec maths renforcés. Il est bien entendu qu'il n'est pas possible d'aller dans les plus sélectives des universités scientifiques sans la mention "maths renforcés". Et ceci, a été mis en place après avoir essayé un niveau unique en maths.

  • Pyerch, le 20/07/2013 à 08:53
    Les urgences sont connues, les freins tout autant.
    Le premier des freins est le syndicalisme corporatiste représentée par la FSU principalement, qui est dans l'opposition systématique à tout changement : en rester au statut de 1950 est gravissime.
    L'identité enseignante a changé : il serait temps d'adapter les pratiques !
    Le second des freins est la bureaucratie de la hiérarchie intermédiaire (région/département) qui fonctionne sans autre visée que le chiffre (certes dans un principe de "new public management") qui aboutit à une non-gestion des personnels : on ne sait toujours pas qu'un fonctionnaire est avant tout un "humain" à qui il faut faire confiance et non pas s'en méfier !
    Le troisième des freins, et pas le moindre, est la timidité politique du Ministre : faut-il toujours payer pour changer ? Dans ce cas ne pas refaire l'erreur de Jospin, une "revalo" gratuite !
    Le quatrième des freins, et la dernière étude du Ministère+MGEN le souligne, c'est la non-reconnaissance du travail des personnels de direction et des CPE. Entre le marteau et l'enclume ils en prennent plein la figure, harcelé par le lobby des parents, par le pouvoir politique local, par les injonctions contradictoires de leur hiérarchie, leur stress devient une maladie professionnelle, hélas non reconnue !
    Le cinquième est liée à une Inspection inefficace, qui ne remplit pas ses missions : cette noblesse d'Etat entrave la fluidité des services, sa scientificité est remise en cause par des études universitaires (cf. la thèse de X. Pons). Qu'en faire aujourd'hui ? Un vrai soutien des établissements scolaires, dans ce que l'on a appelé "le pilotage partagé", chiche ?
    Que Vincent Peillon ait conscience de tout cela on ne peut que l'en créditer.
    Que Hollande lui donne les moyens d'agir, hélas on peut en douter.
    Pendant ce temps-là les résultats de notre Ecole chutent lorsqu'on les compare avec les autres pays de
    l'OCDE ; le pouvoir d'achat de l'ensemble des fonctionnaires de l'EN a perdu 30 % sur les 30 dernières années ; un pouvoir socialiste maintient des cadres sarkozystes et s'inquiète que les choses n'avancent pas.
    Trop de mots, trop de maux !
    On attend toujours !

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