Dissections : La pétition qui fâche les profs de SVT 

Les dissections ont -elles leur place dans l'enseignement des sciences de la nature ? Le virtuel peut-il remplacer le réel ? L'initiative d'une collégienne de 12 ans, qui a lancé une pétition sur Internet, remet en question cette pratique pédagogique. Les médias relaient son action sans qu'aucun ne se soit donné la peine d'interroger la professeure de cette jeune fille. Le Café pédagogique donne son point de vue et celui de S Lacassie, président de l'association des  professeurs de SVT.

 

Que s’est-il passé ?

 

Une élève de 5ème de 12 ans, après avoir assisté à la dissection d’une tête de poisson (pour étudier  le fonctionnement du système respiratoire)  met en ligne une pétition relayée par les réseaux sociaux. Elle en appelle également à Vincent Peillon. "La dissection dans les collèges finance la mort d’animaux et encourage la maltraitance envers les animaux. Avons-nous besoin de massacrer des cadavres d’animaux pour apprendre? Non, c’est pourquoi je trouve cela injuste “d’apprendre” avec des animaux morts". Une dépêche AFP, relayée par de nombreux médias, fait connaître cette histoire. D’un site à l’autre seule la photo change, de limite "gore" pour certaines à plus "soft" pour d’autres. Depuis de nombreuses années des pétitions de ce type circulent mais sans avoir le succès de celle-ci.

 

Le témoignage de l’enseignante

 

La collègue concernée par la pétition, qui enseigne depuis 16 ans, a été très étonnée de  découvrir la pétition.  Pour faire le point sur cette affaire, elle a aussitôt alerté sa direction et le rectorat et discuté avec son élève. L’affaire est terminée à son niveau mais les nombreux médias qui ont relayé l’information continuent à alimenter la polémique ainsi que les commentaires, entre ceux qui  félicitent l'élève et ceux qui l’insultent en oubliant son âge, entre ceux qui sont pour et ceux qui sont contre les dissections, sans parler de ceux qui font un amalgame entre vivisection, dissection et l’observation d’une tête de poisson provenant de la poubelle d'un poissonnier.

 

Interrogée par le Café pédagogique, l'enseignante précise "qu'à aucun moment de l'année elle ne m'a fait part de son refus de disséquer. Elle a été libre comme tous les autres élèves de le faire ou non. J'ai pris connaissance de son action par les médias. Les dissections sont toujours introduites dans mes cours avec beaucoup d'explications, et aussi attendues et appréciées par la grande majorité de mes élèves. Bien-sûr le matériel que j'utilise provient de la poissonnerie  pour les têtes de poissons, et de la charcuterie pour les cœurs de porc. Les élèves ne "s'amusent" pas lors des dissections. Les protocoles sont précis et évalués. Beaucoup d'informations véhiculées sont fausses et le plus drôle c'est que rien n'a été vérifié par aucun journaliste. Ni moi ni le collège n'avons été contacté", nous a-t-elle dit.

 

Des règles strictes encadrent les dissections.

 

Celle histoire aurait pu arriver à la plupart des enseignants de SVT qui font réaliser ces « petites dissections » à leurs élèves, comme le recommandent les instructions officielles. Un document "Risque et sécurité en SVT" de l’Observatoire national de la Sécurité des établissements scolaires et de l’enseignement supérieur précise que "l'utilisation d'animaux dans les classes, l'observation dans le milieu de vie, l'observation en élevage, l'expérimentation, la dissection d'organes ou d'animaux morts  permettent de confronter les élèves à la complexité du vivant, et se justifient par trois objectifs éducatifs essentiels : la motivation des élèves par le réel afin de développer durablement le goût pour les sciences de la vie ; l'apprentissage de valeurs fondamentales, notamment le respect de la vie animale ; la protection de l'environnement (diminution des prélèvements, absence de rejet d'espèces allochtones)".

 

Dans le même document des règles strictes encadrent ces dissections :

- se procurer les animaux morts et les organes dans un commerce de produits alimentaires de préférence (poissonnerie, boucherie…), ou un abattoir pour certains organes autorisés, ou auprès d'un fournisseur spécialisé (animaux et organes non formolés). Se faire remettre une attestation de vente ;

- utiliser des logiciels de simulation ou des documents vidéo pour remplacer l'expérimentation sur les vertébrés ou les manipulations sur invertébrés pouvant choquer les élèves.

 

Le virtuel ne peut pas initier seul au monde réel

 

Pour Serge Lacassie, président de l'APBG (association des professeurs de SVT), ce n'est pas  la première fois que les dissections sont attaquées."Les dissections sont faites sur des animaux morts, des poissons pris chez le poissonnier ou des souris et des grenouilles élevés pour les laboratoires", précise-t-il. "Il n'y a rien de mieux pour étudier l'anatomie. Par exemple avec une tête de poisson pour voir l'organisation, le système nerveux, ses relations avec les yeux, le système olfactif".  Pour lui, "les sciences de la nature sont faites pour observer le vivant. Le virtuel ne peut pas remplacer la dissection qui seule donne une dimension en 3D".

 

Les opposants aux dissections souhaitent que le numérique remplace le concret. Même si certains logiciels proposent des dissections virtuelles, ils ne doivent pas remplacer la dissection lorsque celle-ci est possible.

 

Jean-Pierre Gallerand

 

Le document "Risque et sécurité en SVT"  

Dissections virtuelles et autres animations en SVT

 

 

Par fjarraud , le lundi 24 juin 2013.

Commentaires

  • TtCil, le 25/06/2013 à 08:35
    Le lien pour les dissections virtuelles fonctionne avec cette adresse :
    http://www.e-svt.fr/
  • Viviane Micaud, le 24/06/2013 à 10:23

    De toute façon, le problème de fond est les principes d'enseignement inexacts sur lesquels les enseignants de SVT sont obligés de s'appuyer. Par un alignement servile, au pire des lubies pédagogiques souhaitées par les services centraux de l'éducation national, le lobby de la SVT a su faire augmenter leur horaires d'enseignement, sans s'occuper de l'absence de résultat en terme de connaissance par les élèves. 
    Il y a que des TPs  en Seconde car, parait-il, seule l'expérimentation peut faire aimer les sciences.
    Nous lisons dans l'article qu'un des principes d'enseignement est " la motivation des élèves par le réel afin de développer durablement le goût pour les sciences de la vie". Comme si des TPs réalisés dans le cadrage horaire, pourraient être une représentation du réel. 
    Par ailleurs, ce n'est pas parce qu'on s'amuse dans une matière que l'on veut en faire son métier. On peut aimer la musique ou le sport et ne pas être attiré par les métiers de ces matières. C'est l'erreur d'analyse sur laquellent s'appuie les profs de SVT pour récupérer des heures.
    D'autant plus que la manière dont sont faits les contrôles de Première et de Terminale est d'une grande stupidité : mettre des mots clés dans des commentaires autours de courbes qui montent et qui descendent.  Cela ne permet pas de vérifier la compréhension et certains élèves, qui aiment la matière et qui sont les plus capables de donner du sens, n'y arrivent pas.
    Il y a vraiment une rénovation à faire dans la manière d'enseigner la SVT. Malheureusement, ce ne sera pas pour tout de suite. En effet, les enseignants sont déconnectés de la réalité et sont attachés à ce qui leur a été présenté comme des principes miraculeux qu'il est interdit de remettre en cause, y compris quand l’efficacité est plus que médiocre.
    C'est un peu comme l'enseignement de la lecture par la méthode globale en primaire. Toutes les études montraient qu'elle était moins efficace que la méthode syllabique mais certains enseignants avaient la conviction contraire. En s'appuyant sur des constatations à court terme, ils niaient les ravages sur le moyen terme.

    • JP Gallerand, le 24/06/2013 à 13:45
      Votre commentaire est pratiquement sans rapport avec le sujet de l'article, mais vous voulez faire passer un message qui semble vous tenir à cœur... Il serait trop long de vous répondre point par point et probablement inutile... 
      Juste une remarque, il y des TP au lycée, mais ce n’est pas fait pour "s’amuser",  les élèves travaillent sur la démarche d’investigation en privilégiant l’acquisition de l'autonomie.

    • moex42, le 24/06/2013 à 13:41
      Bonjour,

      avez-vous des études à citer dans lesquelles il est écrit noir sur blanc que l'expérimentation n'apporte pas de connaissances ?
      ah rien ne vaut l'apprentissage par cœur de dizaines de pages de livres pour se rapprocher du réel !
      savez-vous que dans le métier de scientifique, il y a quand même une grande part de "mettre des mots clés [...] autour de courbes" ? Et si pour vous cela ne permet pas de vérifier la compréhension, heureusement pour l'avancée de la science ce n'est pas le cas pour tout le monde.
      ne voyez pas de violence dans mon commentaire, je souligne ni plus ni moins ce qui a déjà été souligné par Ushiden, "rien de constructif, que du négatif".
      Vous avez l'air bien en colère contre les SVT pour accuser les professeurs d'être "déconnectés de la réalité" et d'appliquer des méthodes avec "une efficacité plus que médiocre" (d'ailleurs, que proposez-vous ?), quant à ce qui est de l'augmentation du quota horaire par le "lobby de la SVT", je ne m'éterniserai pas dessus...

      jeune diplômée en master éducation, et titulaire d'une licence scientifique mention sciences de la vie, de la terre et de l'univers, en remerciant tous mes professeurs de sciences, plus particulièrement ceux des SVT, qui ont su me transmettre la curiosité et l'envie d'en apprendre toujours plus par les sciences...
    • ushiden, le 24/06/2013 à 13:12

      Bonjour,

      Qui êtes vous pour dire cela ?
      Rien de constructif, que du négatif...
Vous devez être authentifié pour publier un commentaire.

Partenaires

Nos annonces