Refondation : Premières explications au Sénat 

Le marathon législatif de la loi de refondation de l'Ecole s'est ouvert le 21 mai au Sénat. Chaque groupe parlementaire a fait connaitre son sentiment sur le texte issu de la commission.  Les écologistes et le groupe CRC (communiste) laissent planer le doute sur leur vote, indispensable pour que la loi soit adoptée au Sénat.

 

Il aura fallu 3 heures de discours, de 21h40 à 24h30, pour que chacun des groupes parlementaires puisse préciser son sentiment sur le projet de loi. C'est que le débat en séance, prévu du 21 au 24 mai, s'annonce assez long puisque pas moins de 532 amendements ont été déposés.

 

Le projet éducatif de l'UMP

 

Deux chefs de file dominent à l'UMP, même s'ils ont réussi à coordonner leurs amendements. Jacques Legendre déplore les 60 000 postes promis pour l'éducation puisqu'ils "déséquilibrent la Fonction publique" et pratiquement menacent la défense nationale. Pire encore, la loi a "un parfum de pédagogisme". C'est que les options de J Legendre dont à l'opposé du texte de V Peillon. Pour J Legendre l'école doit se replier sur les fondamentaux. Ce n'est donc pas la scolarisation à 2 ans qui compte mais la GS et le CP. Plus tard le collège unique "nuit aux élèves en difficultés". Les enseignants ont besoin d'un "solide formation disciplinaire" quand les Espe tendent à s'éloigner des universités. Pour lui, par pure idéologie, le gouvernement revient sur des dispositions importantes adoptées par la majorité précédente. Pour l'UMP, il faut créer un cycle unique allant de la GS au CE1 et faire débuter la scolarité obligatoire à cinq ans. Il s’agit également de donner la priorité à l’acquisition des fondamentaux, sachant que les difficultés des élèves dès les premières années se répercutent sur le reste de leur scolarité si elles ne sont pas prises en compte et résolues dès leur apparition. Faire de l’apprentissage de la lecture et des fondamentaux une priorité absolue nécessite de revoir le dispositif d’évaluation des enseignants et des élèves.

 

Les amendements déposés par lui développent ces thèmes. Il demande à soumettre la scolarisation à 2 ans à une étude préalable, demande une enquête sur les méthodes de lecture, souhaite que le parlement définisse le socle commun et propose un socle reposant sur 5 compétences fondamentales. Il propose de rétablir le DIMA, un dispositif d'éloignement du collège dès 14 ans. L'amendement 462 est peut-être le plus significatif : "supprimer le terme de "plaisir" laissant à penser aux jeunes qu'apprendre doit toujours être un plaisir. Apprendre peut être contraignant et nécessiter des efforts".

 

Jean-Claude Carle a également défendu à la tribune son projet. Lui aussi s'en prend à la maternelle "le terreau du décrochage scolaire" et défend sa primarisation. Lui aussi prèche pour le repli sur les fondamentaux à l'école.

 

Pour l'UDI, Françoise Férat manifeste son scepticisme sur le texte ainsi que sur le financement de la réforme des rythmes. Corinne Morin Dessailly nie elle aussi le mot "refondation" à propos de cette loi qui n'est qu'une "micro réforme". La loi ne parle ni du statut des enseignants ni de l'autonomie des établissements qui sont "deux conditions pour remettre l'Ecole en marche".

 

Et à gauche

 

Pour les écologistes, Corinne Bouchoux manifeste "son relatif optimisme et sa perplexité" devant les amendements déposés par le gouvernement. "Nous étions très satisfaits de la tournure prise par le loi. Ce soir j'ai l'ombre d'un doute". Le doute restera donc sur le vote des sénateurs écologistes pourtant indispensables pour une majorité à gauche.

 

Pour le groupe communiste, Brigitte Gauthier Morin met en opposition le socle commun recentré dans  le projet de loi et le "défi de la croissance des connaissances" qui s'impose. Le groupe demande des pré recrutements d'enseignants en L3. Elle signale que "le gouvernement revient par des amendements sur la réforme du service public d'orientation" et craint une territorialisation de l'éducation. Le groupe CRC laisse lui aussi planer le doute : "le débat en séance est important. Il sera déterminant pour nous".

 

C'est que le gouvernement a effectivement déposé une quarantaine d'amendements qui reviennent sur le compromis sénatorial. Le gouvernement avec l'amendement 378 définit la place de la région dans le service public d'orientation pour anticiper sur la loi de décentralisation. Il accorde aux régions l'établissement de la carte des formations professionnelles initiales. Un autre amendement annule les cycles définis par la commission au prétexte qu'ils relèvent du réglementaire et non de la loi. L'espace parents que la commission a voulu inscrire dans chaque établissement est remis en question par une rédaction nettement plus floue. L'épreuve multidisciplinaire au brevet, dont les écologistes étaient si satisfaits, est annulée par un amendement qui remet à des décrets  la définition des épreuves d'examen. La partie sur l'exception pédagogique dans le cadre du service public du numérique éducatif est remise en question par un amendement qui souhaite rétablir la formulation antérieure.

 

Il reste 4 jours à Vincent Peillon pour réussir à trouver de nouveaux compromis à gauche pour permettre le vote de sa loi. Il a une chance : c'est que la droite propose un véritable contre projet qui renie les valeurs de la loi d'orientation.

 

François Jarraud

 

Le dossier législatif

L'UMP part à l'assaut d ela refondation

 

 

Par fjarraud , le mercredi 22 mai 2013.

Commentaires

  • heurtebise, le 22/05/2013 à 21:03
    L'autre droite, celle du Président Hollande et des ministres comme Peillon, n'a besoin de personne pour renier les valeurs de la loi d'orientation : remise en question des cycles, c'est à dire avant tout du temps d'apprentissage pour chaque élève, continuité dans des démarches pédagogiques qui renient les didactiques des disciplines, continuité dans le troisième acte de décentralisation, etc. Quant aux différents groupes qui s'expriment, que savent-ils de l'école concrètement et de ce qui s'y passe vraiment? Qu'est devenu le rapport du même sénat de Brigitte Gonthier-Maurin du 19 juin 2012 sur le métier d'enseignant au coeur d'une ambition émancipatrice? Et si Peillon n'a plus que quatre jours, voilà un an qu'il essaie de vendre une REFONDATION SANS FONDATIONS dont les professionnels de terrain ne reconnaissent ni la légitimité, ni la pertinence, et où on cherchera longtemps les véritables ambitions. Et les magistrats qui s'emparent de la question des salaires et du caractère national de l'éducation...

    Sur certaines questions, et sur d'autres, autre chose, dans l'attente d'un changement...

    Au-delà de tous les arguments en faveur et contre, pour le bien des uns et le pognon des autres, et vous êtes des feignants toujours en grève ou en vacances et tu ne connais de mon métier que la représentation que tu en as gardée de ta scolarité ou encore rythme de l’enfant et travail des parents …, n’ayons pas honte de dire que nous, professeur des écoles, ne voulons/pouvons pas travailler face à des enfants 5 jours consécutifs.

     

    5 jours consécutifs par semaine ?  Lever, organisation, transport, appel, présence en classe, services de récré, disponibilité, exigences… Parce que 4 ,5 jours, c’est 5 jours sans pause dans notre quotidien, face à nos responsabilités, nos missions, et accessoirement les enfants dont tout le monde se préoccupent mais dont nous sommes les seuls à partager un espace et organiser le travail quotidiennement… Nous ne sommes ni assis entre adultes ou face à un Powerpoint pour débattre et échanger, ni face à un écran d’ordinateur ou au téléphone dans un bureau climatisé. Il existe des métiers aliénants, dégradants,  humiliants, d’autres dont je ne dois même pas mesurer la servitude. Je ne prétends pas que professeur des écoles sans spécialisation et à temps plein en fasse partie. Nous avons un métier. Un vrai métier. Mais qui n’exerce pas ou plus quotidiennement devant des élèves d’école élémentaire ne connaît pas ou plus l’énergie quotidienne, l’attention continue, la patience nécessaire, la fatigue physique et intellectuelle, les pressions et les frustrations que peut exercer notre beau métier. Que peuvent nous apporter 5 jours consécutifs à nous, enseignants, professionnels de l’éducation, qui, tous les jours œuvrons à l’éducation et veillons aux apprentissages des jeunes enfants ? Et que peuvent apporter ces 5 jours consécutifs à nos élèves ?

     

    Cette loi n’a ni rythme, ni ambition. Derrière les promesses et les déclarations de bonnes intentions, elle s’impose en force pour concrétiser une promesse électorale. Ne soyons pas les seuls, encore une fois, à servir d’ambulance et de variable d’ajustement à des fins de communication. Quel véritable changement, pour les élèves et les enseignants, apporteront ces 5 jours consécutifs dans les écoles, quelles qu’en soient les modalités d’organisation. Quelles ambitions dans cette loi d’orientation ? Des propositions, oui, le contraire eut été pour le moins surprenant. Mais toujours un peu plus de ceci, un peu moins de ça, au doigt mouillé.

     

     

     

    Illustration sur cette question de la semaine à 5 jours qui occulte le reste :

     

    - On dit un truc pour prendre le contrepied de ce qui s’est fait et parce que c’est une des rares promesses électorales qu’on croit pouvoir tenir à peu de frais  (en ayant tout de même bien pris soin de consulter certains professionnels du tourisme, des figures auto-proclamées compétentes ou un porte-parole qui a ses entrées et pour qui, bon, le week-end maintenant, on revient pas dessus, les familles recomposées, les collègues et tout-ça, donc voilà c’est décidé, il y aura école le mercredi matin pour gagner une demi-heure, trois quart d’heure sur la journée scolaire, une des plus longues du monde va-t-on finir par nous faire croire à force de le matraquer).

    -  Ensuite on avise face à la faisabilité (sans se soucier de la pertinence puisque le bien fondait est un présupposé théorique) : les enfants finissent plus tôt, bien, mais que faire d’eux après l’école, on ne va tout de même pas les mettre à la rue s’inquiètent certains (c’est là où on voit la pertinence et le sérieux de l’annonce) ?

    - On ajuste donc face aux réactions légitimes : on reste d’accord sur un peu moins de temps en classe mais personne ne sort avant l’heure habituelle. Le ministre l’affirme dans une interview, dont acte. Comment on fait ça ? Euh, on va faire faire les devoirs par les enseignants, euh ouais, ou bien y a qu’à… Bref, finalement non, on organise du temps périscolaire et des activités mais dans les locaux scolaires (on arrive à autant de temps de présence à l’école pour les élèves avec une matinée en plus).

    - On soulève ensuite des questions accessoires : Mais qui va payer ? Vous inquiétez pas, c’est pas comme si on était en récession, et puis tenez, pour commencer, on va augmenter les taux d’encadrement autorisés par animateur (sans créer au passage un diplôme professionnel d’animation qui manifesterait pour le coup un véritable changement pour un métier déconsidéré, avec des conventions collectives et des salaires indécents, facteur d’emplois précaires pour beaucoup, pas seulement chez les plus jeunes).

    - Nouvelle réaction et nouvel ajustement toujours au nom du bien-être de l’enfant : Ah bien, mais la sécurité des enfants? (avant d’être des groupes, les jeunes enfants sont d’abord des individus, des êtres vivants, ça semble accessoire à ceux qui ne les fréquentent pas toute la journée). Ne vous inquiétez pas, ce n’est pas comme si on pensait les enfants par paquet, on a bien réfléchi, le bien être de l’enfant sera préservé (du coup tout le monde s’improvise animateur et semble ne pas voir de différence entre enfiler quatre, six, douze pairs de gants, faire 2 ou 20 lacets, amener aux toilettes un ou plusieurs jeunes enfants, sortir avec 3 ou 15 pré-adolescents, …) Et puis s’il n’y a pas assez de personnel, on forme également le personnel municipal (recruté sans qualification au départ par rapport à l’enfance), comme ça ce temps peut s’organiser durant le temps cantine et ça coutera moins…

    - Oui mais le temps cantine est déjà assez long et c’est un moment souvent très mal vécu par certains enfants, en tout cas moins cadrant et structurant pour tous que le temps scolaire. Alors là, grosse surprise… Ah bon ? Mais les enfants sont tous dehors, ils jouent dans la cour, ils mangent tranquillement dans le calme, les repas sont équilibrés, tout va bien… (l’intérêt que l’on porte aux conditions déplorables de travail des dames de cantine et le mépris par lequel ont traitre ce personnel essentiel à la bonne marche de chaque école et au bien-être des enfants ne dépassent jamais les grèves de cantine dont on ne parle que pour en commenter les difficultés d’organisation au sein des familles et en disent long sur la connaissance du fonctionnement des écoles par ceux qui n’y travaillent pas quotidiennement). De toute façon nous sommes ouverts à vos propositions… Pour l’organisation, on a fait quelques modèles de planning, c’est aux municipalités de s’en emparer, aux Dasen de décider, aux écoles d’appliquer.

    - Et pour la cantine le mercredi, on fait comment ? On met le service en place ? Qui va rendre les enfants aux familles ? Et les parents, on les prévient quand ? Et bien les entreprises privées de gestion de la restauration ne sont pas opposées à un service supplémentaire le mercredi, les maires avaient jusqu’en janvier mais comme les municipalités avaient besoin de réflexion (ça ne se bousculer pas en fait, toujours ces médiocres questions d’organisation et de pognon) on leur laisse la décision jusqu’en mars, et les parents s’adapteront. Voilà. Merci. Pour les détails nous verrons après, nous avons une réforme à mettre en place. Fin du débat.

     

    Même Martine Aubry, qui milite dans sa ville pour réorganiser le temps scolaire depuis bien longtemps, a reculé. Et on passe à autre chose parce qu’il faut AVANCER ! C’est un véritable chantier qu’on met en place et on ne va s’arrêter là, nous en avons fait la priorité de ce quinquennat…

     

    Et nouveau sujet important traité sur le même mode.

     

    Le dernier en date, c’est les devoirs. Initialement, c’était à 16H00 avec les enseignants en classe et plus à la maison (1 minute par gamin, c’est parti montre en main pour combattre les inégalités que creuseraient les devoirs entre les élèves). Mais ça coinçait sur un petit quart d’heure, rien du tout, les enseignants sont un peu mesquins (beaucoup même ne comprenaient pas comment quitter leur poste vers 15H30, puisqu’on leur avait vendu cette contrepartie en échange du mercredi, pour revenir assurer les devoirs après). Bon… Finalement on va peut-être interdire les devoirs, comme ça au moins… Sans réfléchir ni aux conséquences dans les écoles ni même au sujet. Les devoirs peuvent être une pression de parents qui exigent des collègues beaucoup de travail, d’exercices (qui en dit long sur les conceptions sur l’apprentissage, la construction du savoir, les enjeux de la réussite et les missions de l’école pour certaines familles) à laquelle certains collègues finissent par céder en se disant que de toute façon, les parents, le petit jeune qui vient aider ou la boîte à bac feront faire quelque chose, voir n’importe quoi aux élèves donc autant proposer quelque chose d’un peu professionnel en lien avec les apprentissages en cours. Les devoirs, dans d’autres écoles et certains milieux défavorisés, distillés raisonnablement et préparés en classe, peuvent être un levier puissant pour construire des relations entre la famille, l’école et l’enfant. Supprimer les devoirs dans ce cadre-là reviendrait à se priver de ce lien si difficile à construire entre parents, enfants et enseignants, accessoirement renier le travail patiemment mis en place et la pertinence des professionnels qui s’en sont emparés, mais nous ne sommes pas à un désaveu près…  D’autres mises en place des devoirs, minoritaires mais dont on parle essentiellement, peuvent véritablement constituer une véritable charge de travail pour certaines familles et leurs enfants, (un CP qui après trois semaines d’école à un texte de dix pages à lire, un élève qui a un poème à apprendre sans travail en classe de compréhension et de mémorisation, une leçon à savoir sans aucune méthode donnée pour différencier le par cœur des différents points à retenir et à organiser pour articuler un savoir). Ces pratiques, bien que marginales, seront les seules sur lesquelles s’organisera la réflexion (ceux qui apprennent et ceux qui n’apprennent pas leurs leçons, ceux qui ne souhaitent pas que la journée d’école se poursuive à la maison, ceux qui s’inquiètent d’une éventuelle sanction contre les élèves qui ne feraient pas leurs devoirs,…) et revendiqueront la fin des devoirs au nom des inégalités qu’ils renforceraient, en enterrant accessoirement Bourdieu et ses amis qui demeurent plus que jamais d’actualité sur ces questions. Rien ne sera dit non plus sur un rapport qui établissait qu’il y avait plus de devoirs donnés dans les écoles dites normales ou favorisés par comparaison aux zep, zones sensibles, ambition réussite, éducation prioritaire (rayer la mention inutile de cette réalité qui résiste, dont l’école n’est que le symptôme et dont les politiques ne s’inquiètent qu’en cas de crise majeure et périodes électorales) mais que la quantité du travail demandé ne remplacerait jamais la qualité du travail attendu.

     

     Après les devoirs, on attend le nouveau sujet. Il y a eu vaguement la question des grandes vacances… Année scolaire trop longue, mal répartit, pas assez de jours de classe (celle-là, malgré les chiffres de comparaison qui ne situent pas l’école française là où on voudrait, en Europe comme ailleurs, on n’arrive pas à rétablir la vérité) zonage et alternance 7 semaines/15 jours (mais pertinente une fois tous les trois ans, faut pas tuer l’industrie du tourisme tout de même, où il n’est plus question d’inégalité lorsqu’on envisage les vacances aux sports d’hiver, en famille ou la rue pour terrain de jeu et les associations qui organisées des alternatives et ont vu leur budget disparaître et leurs actions dénigrées et qui, elles aussi, attendaient un changement). Et rien sur une première période énorme, une dernière période qui n’en finit pas d’en finir et qui rallonge en juillet depuis deux ans... En marge de l’idée de laisser des gamins enfermés par 30 degrés en classe l’été pour mieux répartir les jours d’écoles sur l’année préférable à la relance d’une campagne militante pour des vacances pour tous, il faut juste rappeler que les déclarations du Ministre, contrairement à ce que certains disent, ne relèvent pas d’une anticipation sur la suite de la réforme des rythmes mais d’une véritable pression journalistique élaborée par L’AFP et BMF au travers Farida Setiti et Mazerolle lors du passage du ministre sur cette chaîne le 24 février dernier (on ne peut que conseiller à nos représentants d’utiliser les ondes et les chaînes publiques) sur le pourquoi d’une telle déclaration et sa propagation en allant lire le détail en textes et en images sur le site d’arrêt sur images (vacances d’été : comment BFM et l’AFP ont piégé Peillon). Et toute l’oligarchie politique en place invitée à envahir durant trois jours les espaces médiatiques pour reprendre des éléments de langage au seul service de la crédibilité de la parole d’un ministre qui parle trop vite et déjà empêtré sur le premier jet de cette fameuse réforme des rythmes, en rappelant que ce n’est qu’un début, continuons le combat. Mais bon, passé le couac, on calme le sujet sur les grandes vacances, on ne va pas relancer tout de suite sur les rythmes là, on a déjà pas fini le premier acte. Et puis la réalité sociale et économique a de plus en plus de mal à passer inaperçue, malgré le bruit de fond autour de l’éducation.

     

    Grosse parenthèse sur l’école l’été, où dans le Sud de la France il peut faire très chaud dès la mi-juin et jusqu’en mi-septembre, voire plus si affinité (les enfants lorsqu’il fait beau et chaud dans du béton, ça me tient à cœur).

     

    On parle souvent des familles qui prenaient des billets pour rentrer « au bled » hors temps scolaire parce que moins chers. Pour information, ces familles partent de moins en moins et moins longtemps, même dans leur propre famille, parce que la paupérisation et les politiques menées par les prédécesseurs les ont laissés dans des situations économiques épouvantables. Les registres de présence pourraient en témoigner. On parle moins par contre des familles moyennes et aisées qui partiront de toute façon quand ça leur chante et mettront ou pas leurs enfants à l’école en fonction de leur calendrier, en fin d’année comme durant toute l’année scolaire.

    On parle beaucoup des écoles qui, dès le milieu du mois de juin, feraient de la garderie et  organiseraient des récréations avec montée en classe pour poser ou récupérer le cartable. On n’évoque jamais les autres écoles, et elles sont nombreuses, où les équipes ont du mal à tenir le quart d’heure de récréation réglementaire avant que la cour ne devienne invivable et dangereuse, avec des enfants énervés à cause de la chaleur et de la promiscuité.

    Contrairement aux collègues de collèges et lycée qui dès le 10 juin peuvent lâcher la pression parce qu’ils n’ont pas d’élève en classe à cause des conseils de classe passés ou des établissements fermés pour les examens,  dans les écoles élémentaires, durant cette période et jusqu’aux derniers jours d’école, ce n’est pas très différent du reste de l’année. Il te reste les évaluations, les livrets, les commandes pour l’année d’après parce que tu n’as pas fini l’année qu’il faut déjà se projeter dans celle d’après, les bilans et les futurs projets, et surtout toute une fin de mois de juin, et supplément gratuit cette année la première semaine de juillet, à te retrouver enfermer dans un pièce avec 25 enfants que tu préférais voir à la piscine, à la mer, à la montagne, à la campagne, près d’une rivière, sous un arbre dont les racines ne seraient pas masquées par le bitume du revêtement de la cour, dans la nature, ailleurs que dans cette classe qui devient ce cube de béton, où ils ne peuvent plus apprendre parce qu’ils ont tout donné durant cette longue année et où tu ne peux plus rien enseigner mais qu’il faut bien quand même, alors même qu’on en a tous assez et qu’ils nous tardent de profiter de ces beaux jours que l’on devine derrière les rideaux fermés. Ne pensez pas que je ne veux pas travailler en juin ou en septembre. D’abord l’année scolaire n’a pas toujours commencé début septembre et ne s’est jamais terminée comme depuis deux ans fin de la première semaine de juillet. Ensuite, dans le Sud de la France en tout cas, je ne pense pas que ce soit la meilleure chose que de laisser, pour ne pas dire d’enfermer, les enfants dans des classes qui peuvent monter à 30 degrés alors que le soleil brille pour eux dehors. Imaginons… Une semaine, quinze jours, le mois entier en septembre et en juin en classe de mer, de découverte, en classe nature, l’école ailleurs, on sort de l’école, on voyage, on explore le monde sans avoir à le convoquer, vivre ensemble pour de vrai, le maître en pyjama et la maîtresse en maillot de bain, on découvre la France, notre si beau pays, on apprend à se connaître en début d’année et à se quitter en beauté, qu’on ait réussi ou pas son année. Imaginons…   Même si cette proposition paraît utopique, et malgré les résistances qu’elle rencontrerait, elle a au moins le mérite par l’exemple d’exposer ce qui constituerait un véritable changement dans l’école. Et elle donne à penser autre chose que tout ce qu’on va nous éventuellement nous raconter sur les bienfaits pour la réussite de nos élèves et la formation du citoyen pour justifier la nécessité d’allonger l’année scolaire en août ou en juillet. L’été, une saison pour apprendre, mais pas en classe…

     

    Fin de la parenthèse

     

    Nous avons affaire encore une fois à des gens qui prennent des décisions en mobilisant la pensée magique, la bonne volonté et l’organisation pyramidale de la prise de décision et qui ne comprennent pas pourquoi nous sommes au mieux très dubitatifs… Et les politiciens de l’opposition qui ont appuyé la casse du service public de l’éducation ont beau jeu de relever l’amateurisme. Les vrais débats ne sont pas ouverts, les visites dans les écoles se font avec renfort de photographes, de journalistes et supérieur hiérarchique pour la photo dans les journées devant les petits enfants, la souffrance de la profession face aux attaques continues depuis  12 ans n’a pas été considérée, les gens qui ont appliqué les politiques de destruction, nommés par le pouvoir précédent, sont toujours à leur poste et continuent de sévir, les « désobeisseurs » ont été déboutés, les signes que nous attendions tous (fin de l’aide personnalisée, des stages de remise à niveau à nouveau d’actualité, retour aux programmes 2002, postes conséquents pour reconstituer les réseaux d’aide, remise en question du pilotage par les résultats et des injonctions et décisions pyramidales…) ne sont pas arrivés et les collègues qui aspiraient simplement à, oh même pas de la considération mais  qu’on les laisse enfin bosser, exercer sereinement et consciencieusement leur métier sont de nouveau au centre de débats et des polémiques sans avoir leur mot à dire. Le rapport d’information du Sénat de Brigitte Gonthier-Maurin du 19 juin 2012 sur le métier d’enseignant au cœur d’une ambition émancipatrice a été enterré, comme l’ont été les rendez-vous ratés précédents du grand débat sur l’éducation de 2003 à la loi d’orientation de 1989 sur l’éducation et son premier article : l’école est la première priorité nationale… Le ministre de l’éducation communique sur l’éducation en avançant qu’on ne parle pas assez d’école en France. Mais la réalité, le vrai dommage, c’est que d’une façon générale, l’école n’intéresse les français que le temps de la scolarité de leurs enfants et les politiques pour se dédouaner de leurs responsabilités. Tout le monde peut dire quelque chose sur l’école, au minima parce que nous y sommes tous passés. Mais une école contemporaine qui articulerait les réalités et les spécificités de l’école aujourd’hui, l’état des connaissances et des savoirs actualisés, une aspiration vers un modèle de citoyen que l’on peine aujourd’hui à esquisser, qui peut prétendre sérieusement aider à la faire exister sans ne serait-ce que consulter ceux qui y sont revenus et en font leur mission et leur métier?

     

     

    De toute façon tout nous n’avons pas le temps, le terrain reste marginal, accessoire, anecdotique, ne compte pas, la base corporatiste ne sait que rouspéter, on vous l’a dit, il faut avancer. Et avancer vite… C’est oublié qu’à 130 Km/h, on voit peut-être défiler le paysage mais on ne connaît rien de la population qui l’habite. Et puis ce ministre passera, avec un bilan qu’il considérera certainement très positif... Et le suivant viendra encore, de par son ambition et les jeux de pouvoir d’attribution des portefeuilles ministériels,  vendre un livre, une réforme, un plan, une orientation, ou encore des restrictions budgétaires pour faire avec moins mais mieux et des augmentations d’effectifs pour faire différents à plus, au nom d’une meilleure école et de la réussite pour tous. Il nous expliquera qu’il faut changer nos méthodes, nos façons d’exercer, d’enseigner, de nous investir, en s’appuyant sur des constats chiffrés, des études certifiées toute chose égale par ailleurs et des personnalités en vue du moment. Ne restera encore que notre responsabilité passée que ce ministre déclinera en fonction des orientations de son gouvernement sur le mode de la bienveillance ou de la culpabilisation.

     

    Ne lâchons pas le mercredi, comme un principe, au nom de notre re-création. Si vous êtes au clair avec la manière dont vous exercer votre métier, il n’y a vraiment pas de quoi avoir honte. Ce sera surtout une première victoire. Une fois gagné cela, exigeons d’être les acteurs d’un véritable changement dans l’éducation : effectifs, programmes, niveaux, organisations de l’école, des équipes, de la journée, des classes, formation des enseignants, devoirs des parents et droits des enfants, place de l’école dans la société, éducation populaire, formation du citoyen, émancipation de chacun et épanouissement de tous par l’éducation …, en vue de la liberté, de l’égalité et de la fraternité qui font bien défaut dans cette morale citoyenne que ce ministère veut nous vendre. Pas de refondation sans fondations. Exigeons d’être entendus, pas seulement en qualité de consultants, et encore moins d’exécutant mais comme des interlocuteurs dont la parole sera force de proposition. Nous sommes le terrain sur lequel se construisent les soubassements, la base sur laquelle s’appuie l’éducation. Nous seuls avons une vision juste de nos classes et de nos écoles, et personne ne peut avoir de vue d’ensemble sans partir d’où nous sommes. Ne supportons  plus que les autres parlent en notre nom de notre métier pour lequel nous sommes dévoués, impliqués et attachés sans notre consentement. Ne laissons pas les autres dire nos conditions de travail, les ambitions que nous portons pour nos élèves et les moyens dont nous avons besoin pour les réaliser. N’ayons pas honte mais soyons fier du travail accomplis chaque jour. Nous luttons contre l’ignorance. Nous voulons les moyens pour continuer et élargir nos ambitions. Pour cela, nous voulons la parole. Durant leur grande consultation, personne n’a voulu nous entendre. Appelons à des assises de l’éducation dans chaque groupe scolaire, dans chaque salle des maîtres. Pour organiser non pas un pseudo changement dont nous ne serions que les exécutants mais une révolution participative. La participation qui change la condition de l’homme, comme disait l’autre… Parce que l’école, c’est aussi chez nous, et l’école, c’est d’abord nous !

     

    Charly Parrotta, professeur des écoles

  • Viviane Micaud, le 22/05/2013 à 10:18

    Les socialistes ne doivent pas céder sur une autre des revendications contre-productives des communistes, l'obligation de scolarisation jusqu'à 18 ans. Il faut mieux que la loi ne soit pas votée par le sénat que le gouvernement cède sur cette demande qui empêchera tout traitement adapté des décrocheurs. Si tous les pays de l'OCDE ont choisi 15 ans ou 16 ans, la date de fin de la scolarité obligatoire, il y a bien une raison structurelle. Après l'adolescence, les jeunes sont des adultes en devenir, il est impossible de les garder assis dans une salle de classe s'ils n'ont pas un but.
    La proposition est contreproductive car, il est possible de classer les jeunes en deux catégories :
    - ceux qui acceptent l'école telle qu'elle est faite et qui continuent leurs études jusqu'à au moins 18 ans, et pour qui la question ne se pose pas.
    - ceux qui sont en rupture avec l'école qu'il faut raccrocher. Et ce n'est pas en rendant obligatoire leur présence dans des cours qu'ils n'ont pas vraiment choisi qu'on peut les aider. Au contraire, cela accentuera leur malaise. Par ailleurs, ils empêcheront ceux qui veulent s'investir dans une formation de le faire.
    La solution pour le décrochage consiste à :
    - Travailler sur le collège qui est le plus inefficace de l'OCDE de manière à diminuer les décrochages pour les ramener à un taux proche de ce qui est considéré comme le seuil au-dessous duquel il est impossible de descendre. (Cela arrive à tout adulte de remettre en question des choix et avoir besoin de faire un break pour réorienter sa vie).
    - Travailler sur le raccrochage pour les jeunes de 16 ans à 25 ans, par le soutien à la construction d'un projet de vie, et l'accompagnement pour sa réalisation en particulier par les écoles de la deuxième chance. 

  • Viviane Micaud, le 22/05/2013 à 09:34
    J'ai regardé les infos de "public sénat" hier. Ce qui m'inquiète le plus est la position des communistes. Ceux-ci revendiquent  les positions doctrinaires qui ont permis les jeux de pouvoirs qui ont depuis 30 ans bloqué l'école. 
    En effet, les communistes nient l'existence de pré-requis en connaissance, capacité de travail, envie de s'investir dans les challenges intellectuels, qui existent pour chaque cours. C'est à cause de ce négationniste que nous avons le collège le plus inefficace de l'OCDE. Un enfant qui arrivent en 6ème en maîtrisant insuffisamment l'expression, est condamné à être devant des contrôles que, quelle que soit sa bonne volonté, il ne pourra pas réussir et se retrouver en fin de collège, orienté vers un enseignement professionnel qu'il n'a pas vraiment choisi avec des savoirs extrêmement faibles et un estime de soi détruite.
    Un prof d'histoire ne peut pas reprendre dans son cours d'histoire, les fondamentaux de l'expression. Ce n'est tout simplement pas possible. Il y a eu pendant presque 40 ans un consensus, basé sur un échange de fonds de commerce respectif, entre les personnes travaillant dans les services centraux de l'éducation nationale et les syndicats revendicatifs, sur le même négationniste de l'existence de prérequis de compétence de l'élève pour avoir une chance raisonnable de tirer bénéfice d'un cours, rejetant la faute sur les enseignants accusés de ne pas savoir s'adapter aux élèves dans des cas où c'est totalement impossible. 
    - Or le groupe communiste revendique toujours d'inscrire dans la loi ce négationniste. 
    Les socialistes ont avantage à ce que la loi ne soit pas votée au Sénat (l'assemblée nationale a le dernier mot) que de céder sur ce point fondamental.
  • Viviane Micaud, le 22/05/2013 à 09:24
    Si le sénat ne vote pas la loi, ce n'est pas une catastrophe puis que l'assemblée largement favorable au gouvernement a le dernier mot. Et il le faut peut-être mieux.
    Le collège unique est la meilleure solution pour permettre à tous de progresser à condition que :
    1) il n'y ait pas d'enseignement unique pour les cours portant sur les fondamentaux (lecture, expression, calcul, anglais),
    2) que les autres cours soient conçus pour que les jeunes qui maîtrisent insuffisamment la lecture et l'expression puissent progresser. Ce n'est pas le cas aujourd'hui. Un jeune qui ne maîtrise pas l'expression, quelle que soit sa connaissance du domaine, ne peut pas réussir un contrôle d'histoire géo de 4ème. 
    Pour les fondamentaux, ce qui convient de mettre en place, n'est pas un enseignement par niveau. En effet, les groupes qui fonctionnement le mieux sont ceux formés par les jeunes qui possèdent tout juste les prérequis et par les jeunes qui les maîtrisent. Il est possible alors de créer une dynamique d'entraide dans ce groupe.
    Pour les fondamentaux, il convient de se demander qu'elle est le niveau de prérequis de chaque cours, est-il vraiment nécessaire de l'imposer ? Là, il faut, soit faire évoluer le programme, soit prévoir des moyens spécifiques pour ceux qui n'ont pas les prérequis : par exemple cours en très petits groupes. 
    3) que la préparation à l'orientation soit totalement intégré dans le cursus, de manière à ce que ceux qui ne se sentent pas dans les challenges intellectuels, aient fait un choix raisonné de s'impliquer dans une formation qui conduit à un métier qui leur convient.

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