Décrochage : L'Ile-de-France lance son plan régional 

Dans le prolongement des Assises régionales de septembre, la région Ile-de-France prépare un plan d'action contre le décrochage qui sera présenté le 25 ou le 26 avril à l'assemblée régionale. Le 18 avril, Henriette Zoughébi, vice-présidente du conseil régional en charge des lycées, invitait les élus locaux et la presse à constater comment on "raccroche" des jeunes au micro lycée de La Courneuve (93).

 

Le micro-lycée de La Courneuve est une petite structure qui accueille quarante jeunes divisés en 4 classes de première et terminale L et ES. Le micro-lycée tient tout entier dans quelques vieux baraquements prêtés par la ville de La Courneuve au milieu des bâtiments de briques d'une cité.

 

Grace, Jocelyne, Maryline et Alexandre

 

Si chaque parcours de décrocheur est unique, il y a aussi des points communs qui se répètent. L'aventure de Grace, une élève de 20 ans, fait écho à celle des autres. Lycéenne en L, Grace a commencé à sécher les cours et est tombé enceinte. Après l'accouchement, les lycées de son secteur n'ont pas voulu  d'elle car elle est "trop vieille". C'est ce qu'a connu Jocelyne, 23 ans et si reconnaissante au micro lycée que ses yeux s'embrument. Tombée malade est a quitté le système éducatif et n'a pu y revenir. Guillaume en STI s'est rendu compte qu'il était mal orienté te est tombé malade. A 19 ans il est lui aussi "trop vieux". Maryline, 26 ans, a quitté une terminale STT pour gagner sa vie et faire un enfant. Au bout de 5 ans elle a senti le besoin d'avoir un diplôme et de reprendre le chemin du lycée. Mais aucun lycée ne veut d'elle sauf le micro lycée. Aucun de ces élèves n'a cherché à entrer dans un lycée spécial. Tous au contraire ont tenté de regagner le système classique.  Celui ci les a souvent mal orientés et toujours refusé. "Vous montrez le mauvais exemple" a entendu une jeune fille enceinte...

 

Nathalie Broux, professeure de français et coordinatrice du micro-lycée, saisit l'occasion de la visite officielle pour demander des aides sociales pour les élèves. Des places de crèche sont nécessaires pour les jeunes filles qui ont des enfants. Des logements, un internat également pour des jeunes qui ont souvent décroché aussi de leur famille. Elle montre aussi que le travail d el'équipe de professeurs vise d'abord à redonner confiance et dignité à ces jeunes. "Je supporte mal d'être traité en inférieur ", souligne Guillaume, un élève du microlycée. "Ici les rapports avec les enseignants sont des rapports d'égalité. J'aime ça et ça m'aide à apprendre". Au micro lycée, chaque élève a un tuteur adulte avec qui il fait le point chaque semaine. Les taches d'entretien, le déjeuner sont faits en commun professeurs et élèves. Au final, le micro lycée est un vrai lycée avec des horaires et un examen au bout. Mais un lycée qui sait accueillir les jeunes avec bienveillance et les accompagner dans une socialisation. Dans ces petits locaux on entend rire les élèves en cours. On les voit se déplacer en silence et accueillir les visiteurs avec politesse.

 

Le programme régional

 

Le microlycée est une oasis au milieu d'un océan de 29 000 jeunes qui quittent le système éducatif sans qualification chaque année en Ile-de-France. La région a fait du décrochage sa "cause régionale" de 2012 et prépare un programme d'action pour le conseil des 25-26 avril. "On veut changer le regard sur le décrochage scolaire", annonce Henriette Zoughébi, vice-présidente de la région en charge des lycées. "On veut arrêter la culpabilisation des jeunes et des familles. On veut soutenir directement les jeunes". La région investit deux millions dans un programme qui ne peut marcher qu'avec le soutien des académies. "On veut ouvrir des microlycées dans chaque département", annonce H Zoughébi. La région n'en compte que 4 actuellement Passer à 16 suppose un accord avec les académies. La région veut aussi revoir la question de l'orientation. Dans l'académie de Créteil un tiers des élèves du professionnel n'obtiennent pas l'orientation de leur choix. La région veut "un droit à l'erreur" pour les jeunes. Elle demande le développement de passerelles lycée professionnel vers lycée général ce qui suppose là aussi une expérimentation dans une académie. Elle souhaite une autre expérimentation sur la liaison 3ème  - 2de.

 

Le Conseil régional prend ses responsabilités avec un programme d'action de 2 millions d'euros. Il prévoit le financement des locaux des micro lycées, la prise en charge de services scolaires à domicile pour certains décrocheurs et d'assistance maternelle pour d'autres. Une aide à l'orientation, des passerelles vers l'apprentissage sont aussi prévues. Le programme "réussite pour tous" soutient déjà 138 projets lycéens axés sur la lutte contre le décrochage. Stéphane Troussel, président du conseil général du 93, est prêt lui aussi à mettre des moyens pour faire le lien entre ses actions au niveau collège (par exemple l'accueil des collégiens exclus) et le lycée.

 

Secouer les préjugés

 

"Faire avancer les idées pour la scolarisation des décrocheurs, c'est vraiment une action pour le parti", nous a dit Yannick Trigance, conseiller national du PS pour l'éducation. Avec Guillaume Balas, conseiller régional francilien et auteur d'un livre sur le décrochage, ils s'engagent à porter l'idée de faciliter le retour dans les lycées des lycéens jugés trop vieux ou des lycéennes enceintes. Interrogé sur ces deux points qui engagent l'institution, Denis Waleckx, Dasen adjoint, estime que "la nécessité de donner une chance de formation initiale aux décrocheurs est encore une culture à construire dans les établissements". Ce qui est banal dans la plupart des pays développés   secoue encore les préjugés du système éducatif français.

 

François Jarraud

 

Assises régionales du décrochage        


Par fjarraud , le vendredi 19 avril 2013.

Commentaires

  • Viviane Micaud, le 19/04/2013 à 09:05
    Excellent article. 
    Il faut trouver des solutions pragmatiques à ce  qui fait blocage sur le terrain : ici, les élèves ne sont pas acceptés par leurs camarades dans le lycée normal car trop vieux.
    Pendant, très longtemps les théoriciens de l'éducation nationale ont nié un des moteurs de l'exclusion de certains jeunes : l'intolérance des camarades. 
    Dans les quartiers populaires, la pression des camarades est la principale cause du non-accès aux études supérieures sélectives des jeunes qui ont le potentiel d'y arriver. Plutôt de se faire traiter d'intellos, les jeunes qui auraient eu dans un autre contexte une attirance pour les défis intellectuels, s'auto-censurent et donc ne s'investissent pas dans l'acquisition de savoirs et compétences qui permettent de réussir les formations les plus exigeantes.

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