Claude Lelièvre : Les ‘’classes nouvelles’’ : une innovation réussie interrompue… 

Claude Lelièvre nous envoie "une note sinon de pessimisme, du moins de perplexité, en ce moment de rassemblements printaniers dédiés à l’innovation"....

 

Le principal maître d’œuvre de ces ‘’classes nouvelles’’ a été Gustave Monod, ancien élève de l’école des Roches et directeur de l’enseignement du second degré de 1945 à 1949. Mais  ce directeur a délibérément favorisé aussi la tenue de nombreuses réunions de professeurs et d’inspecteurs engagés dans cette expérience pour qu’ils partagent et développent leurs innovations.. Et c’est ainsi que des professeurs de ces classes nouvelles développeront un outil nouvellement créé, à savoir les « Cahiers pédagogiques ».

 

La commission Langevin-Wallon préconisait l’ouverture de ‘’classes nouvelles’’. En octobre 1945, 200 ‘’classes nouvelles’’ de sixième ouvrent  dans les différents types d’établissement de l’époque (  à savoir lycées, collèges et cours complémentaires ). Ces ‘’classes nouvelles’’ englobent donc l’ensemble d’une sorte de premier cycle qu’elles structurent en deux années d’observation ( 6° et 5° ), suivie de deux années d’orientation progressive ( 4° et 3° ). Les lettres et les sciences ( assurées chacune par un professeur ) occupent la matinée. Les après-midis sont réservées  ( avec un horaire conséquent ) à la musique, aux arts plastiques, à l’éducation physique et à des travaux manuels éducatifs. Les effectifs sont réduits à 25 ; il y a de nombreuses séances en demi-classe et des activités dirigées ( deux heures d’abord, puis cinq heures par semaine ) au cours desquelles les élèves réalisent des travaux – mais aussi des devoirs – sous le regard de leurs professeurs. Cela s’accompagne également d’enquêtes et d’études de milieu, et du développement du travail en groupe. Appelés à travailler en équipe, les professeurs se réunissent chaque semaine en conseil de classe ( une heure à l’emploi du temps ). Lorsque Gustave Monod quitte la direction du second degré, 18 000 élèves se trouvent dans 750 ‘’classes nouvelles’’ regroupées dans 200 établissements. Une belle extension a donc eu lieu, avec succès.

 

Mais la poussée démographique et l’afflux des élèves dans le second degré font apparaître comme un luxe ces classes de 25 élèves et leurs conditions de fonctionnement particulières. Enfin et surtout, avec la mise sous l’éteignoir du plan Langevin-Wallon, cette tentative de démocratisation par le renouvellement pédagogique et structurel s’enlise. Une circulaire du 30 mai 1952 supprime en fait les "classes nouvelles" sous prétexte d’étendre leurs méthodes à toutes les classes. Et, en 1953 , les "classes nouvelles" fonctionnant dans les lycées sont transformées en "classes pilotes" qui donneront naissance  à des lycées dits "expérimentaux" (  et en définitive des exceptions isolées ). Ainsi va parfois le monde de l’innovation…

 

Claude Lelièvre

 

 

 

Par fjarraud , le vendredi 29 mars 2013.

Commentaires

  • THIEBAUT, le 30/03/2013 à 08:51
    J'ai 70 ans et suis un pur produit des "classes nouvelles". Je serais tenté de dire que je leur dois tout. J'aimerais en témoigner du point de vue de l'élève que j'étais, issu d'un milieu modeste, mes parents ignorant tout des tenants et aboutissants de l'expérience. Les professeurs se réunissaient-ils entre eux à notre sujet ? Je n'en sais rien. Je n'ai pas le souvenir de réunions d'informations en direction des parents ni de documents qui présentaient l'expérience : comme élèves, on la vivait, c'est tout.
    Je suis entré en 6e sur examen en 1954  (seul à ma présenter de tout mon CM2). De mon école primaire de la Rue des Usines à Creil jusqu'à l'ENP (Ecole Nationale Professionnelle, aujourd'hui Lycée technique), il n'y avait que la rue à traverser. J'habitais pas loin, de l'autre côté des voies de chemin de fer.
    Ce dont je me souviens : on avait cours le jeudi. Ce jour-là, une semaine sur deux, on visitait une usine, une autre, une autre, la gare, l'écluse, la base aérienne, le musée, la gendarmerie, le journal Le Monde ou les coulisses du TNP à Paris, j'en passe. L'autre semaine on en faisait le CR et la présentation de notre visite. J'ai l'impression qu'on était plus que 24 élèves dans la classe. Une moitié de l'année, on avait "atelier du fer", l'autre moitié "atelier du bois". 5h d'éducation physique par semaine, 2 heures de dessin, 2 de musique. Anglais et latin en 6e, plus allemand à partir de la 4e. On savait confusément qu'on n'était pas comme tout le monde et que les professeurs s'intéressaient spécialement à nous (avec le recul, je crois bien que ce "détail" suffisait à nous motiver). Je me souviens du nom de plusieurs d'entre eux. Il en est un qui m'a plus marqué que d'autres, Jacques Alesi. Il nous emmenait l'été en colo, c'est comme ça que j'ai découvert la montagne (les Vosges), puis la Provence (y compris le Festival d'Avignon, Jean Vilar, Philippe Noiret...), la Corse (plusieurs fois). Découvert aussi qu'il y avait une vie en dehors de la famille.

    Il est possible que ce que j'évoque ne relève pas ou pas seulement de l'expérience "classes nouvelles" mais de l'initiative des professeurs, ou bien naissait d'une spécificité de l'établissement (présence de  classes industrielles), qu'il s'agisse des ateliers, des horaires d'EPS, dessin et musique, du choix des  langues, je ne peux témoigner que de ce que j'ai vécu. Ce que je sais, c'est que ces classes, avec mêmes professeurs d'une année sur l'autre, m'ont mis le pied à l'étrier (je suis le seul des 5 garçons que nous étions à la maison à avoir passé le bac). En fin de troisième, il y a eu cet ascenseur social qu'a été le concours d'entrée àl'école normale d'instituteurs, puis le concours des IPES pour être professeur, puis la promotion interne pour être agrégé : autrement dit, à côté des "classes nouvelles" mais aussi un environnement favorable. 

    Existe-t-il des publications ou des sites où ces anciennes "classes nouvelles" sont évoquées ?
    CT, Amiens

    • fjarraud, le 30/03/2013 à 09:39
      Bonjour
      Merci pour ce témoignage !
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