12 février : La montée des "non" interroge la loi Peillon 

Le chiffre officiel est enfin sorti lundi soir. Selon le ministère de l'éducation nationale, 37% des enseignants du primaire devraient faire grève le 12 février. Le Snuipp, qui appelle à la grève, calcule 60% de grévistes. Ces taux ne sont pas historiques mais sont très préoccupants pour le gouvernement. Une étrange coalition se construit qui pourrait emporter  la politique phare de François Hollande, celle pour laquelle il consent les sacrifices qu'il impose aux autres ministères.

 

Les deux principaux syndicats du primaire s'opposent. Le Snuipp, appelle à la grève pour sauver la refondation. "Un échec de la réforme des rythmes fragiliserait la priorité au primaire que nous avons saluée et qui est concrètement attendue dans les écoles... Cette réforme des rythmes insuffisamment préparée relègue au second plan des sujets essentiels pour une meilleure réussite des élèves : révision des programmes, scolarisation des tout-petits, revitalisation de la maternelle, avenir des RASED, Education prioritaire, direction d’école. A nouveau, nous demandons au ministre la mise en place d’un agenda de la priorité au primaire avec ouverture de discussions pour que des premières mesures concrètes interviennent pour la réussite des élèves dès la rentrée 2013", écrit le syndicat.

 

Inversement le Se-Unsa, ne fera pas grève, même si certaines sections départementales, comme à Paris, appellent à l'action, pour défendre la loi de refondation. " Rejeter cette loi, c’est rester sur l’héritage de ces cinq dernières années. Après son adoption, beaucoup restera à faire pour sa déclinaison concrète, mais elle marque des avancées essentielles pour notre système éducatif.... Après 5 années d’une semaine Darcos décriée, après 5 ans de journées surchargées qui épuisent les enseignants et leurs élèves, il est nécessaire d’avancer. Pas n’importe comment ! C’est pourquoi le SE-Unsa exige que des garanties soient données aux enseignants déjà sous pression...  Le décret permet aux enseignants de peser sur les choix locaux d’organisation de la semaine de chaque école. Ils craignent de ne pas faire le poids face à des élus trop pressants. Des exemples de désaccord sur une pause méridienne rallongée alimentent ces craintes. Mais le texte est clair. D’une part, le conseil d’école y est force de propositions. D’autre part, ce sont bien les DASEN qui arrêteront l’organisation de chaque école".

 

A coté du Snuipp manifestent des syndicats hostiles à la loi d'orientation. F.O., la Cgt, Sud, la CNT et la Faen dénoncent la loi où ils lisent le démantèlement de l'éducation nationale du fait de la mise en place du service régionalisé d'orientation. Ils estiment aussi que le nombre de postes créés à la rentrée 2013 "masquent les suppressions subies et sont très loin de répondre aux besoins. Elles ne permettent même pas de revenir à la situation pourtant déjà dégradée de 2011". Ils demandent donc la suppression de la loi d'orientation sur la refondation de l'Ecole.

 

L'opinion publique au défi d'y comprendre quelques chose. On a donc un drole de cortège le 12 février. D'un coté un syndicat du primaire qui manifeste contre le gouvernement mais entend garder les avantages accordés par la loi d'orientation. De l'autre, quatre syndicats, plutôt présents dans le secondaire qui sont hostiles à ces moyens nouveaux... L'opinion publique favorable à la réforme des rythmes pourrait y perdre son latin. Après Le Monde qui avait dénoncé "le corporatisme enseignant" à l'occasion d'une grève précédente, c'est Libération qui voit dans cette journée de grève une manifestation de conservatisme. "Malheureusement, maintenant que les banderoles sont de sortie et que les manifestations s’enchaînent, les slogans vont araser toutes les nuances et les avancées réelles, sur le fond comme sur la forme de ce dossier. Au risque que le fossé se creuse un peu plus avec les professeurs. Et que l’idée, parfaitement décrite par le sociologue de l’éducation François Dubet, s’impose une fois pour toutes que le monde enseignant, ou ses syndicats, incarne l’archétype le plus achevé du conservatisme". Le sociologue François Dubet dans le même quotidien explique cela : " Pendant longtemps, le monde enseignant a été à la fois corporatiste et réformateur : la défense des intérêts de la profession cohabitait avec la volonté de transformer le système. Cette tradition n’existe plus depuis le milieu des années 80, après l’explosion du syndicalisme enseignant voulue par Giscard d’Estaing. On est passé à une logique très défensive".

 

Une position difficile pour V Peillon. Pour avoir commencé la refondation par ce qui est sans doute le plus difficile, la réforme des rythmes, et pour n'avoir pas anticipé les concessions inévitables, le ministre assiste à la coalition des mécontents. Un autre calendrier social aurait peut-être empêché cette improbable coalition syndicale du 12 février. Mais ce qui fragilise vraiment la loi Peillon c'est l'ampleur des investissements financiers consentis en faveur de l'Education et spécialement du primaire. Comment justifier cet efforts auprès de l'opinion publique et des parlementaires si finalement les enseignants manifestent et les maires font la grimace ? Comment faire croire que cette réforme sera portée dans une telle atmosphère ? Il ne manque sans doute pas d'autres ministères prêts à accepter sans renâcler quelques milliards....

 

François Jarraud

 

 

Communiqué Snuipp

Communiqué Se- unsa

Editorial Libération

Article de F Dubet

 

 

Par fjarraud , le mardi 12 février 2013.

Commentaires

  • Instit2014, le 12/02/2013 à 09:48
    C'est pourtant si simple. La plupart des collègues rencontrés  (et les élus) demandent juste du temps  pour  pouvoir appliquer la réforme correctement. Interrogez-vous plutôt sur l'objectif très politique de cette précipitation . Il y a vraiment une rupture entre le verbiage politico-médiatique (et je n'aime pas parler comme ça!) et les demandes d'organisation et de concertation très concrètes sur le terrain. Nous sommes face à un projet très travaillé sur le plan théorique, ce qui est nécessaire (cf Dubet, chronobiologistes et Cie) mais complètement bâclé sur la mise en oeuvre. Témoignage d'une élue responsable du périscolaire, professeur des écoles et parent d'élèves ici: http://institsps.canalblog.com/archives/2013/02/10/26383008.html

    Un instit du Parti Socialiste...
    • thoudayer, le 12/02/2013 à 23:52
      Tout à fait... enseignant en CP voici mon analyse :

      Cette réforme est bâclée et les lendemains vont déchanter... On est parti d'une réforme des rythmes scolaires pour bêtement arriver à un problème de garde... L'école est prête à changer mais ne peut changer seule: si la journée d'école est modifiée, il faut trouver les bonnes façons de s'occuper des enfants le reste du temps. Personne hélas ne semble se rendre compte que les enfants ne sont pas du bétail et qu'il ne suffit pas d'un berger dans une cour de récréation pour régler le problème. Pourtant c'est bien de solutions de garde très bas de gamme dont il est question: baisse des taux d'encadrement, caractère facultatif pour les mairies, garde éventuellement payante, absence de locaux adaptés, absence de personnels formés, et malgré tout, coûts exorbitants !

      Tout cela dans une désorganisation totale des services et un mépris complet envers les élèves, les parents, les communes, les associations et les  personnels. Désorganisation qui pourrait se transformer très rapidement en usine à gaz: imbrication des responsabilités au fil de la journée, imbrication des lieux, des tarifications, de l'obligatoire et du facultatif, emplois très partiels...on va dans le mur !

      Mais comme cela semble très simple aux yeux des médias et du gouvernement, alors les enseignants passent encore pour de vilains corporatistes à refuser une application dès 2013. Ils ne sont pas les seuls mais curieusement, cela ne se dit guère.

      Qu'il est loin le temps où la réforme prétendait mettre l'élève au cœur du système éducatif !

      Il est vrai que certains enseignants commencent à trouver que tout cela fait beaucoup et ont du mal à rester coopératifs, mais à qui la faute ?... Peut-on leur en vouloir ? Combien de pilules amères ont-ils avalées ces derniers temps ? Combien de fausses concertations ? Combien de manipulations, de réformes destructrices avançant masquées ? Combien de fausses revalorisations et de baisses de salaires : un professeur des écoles entré en 1990 ne gagnera pas plus dans sa carrière qu'un instit entré en 1969. Pourtant, il est recruté à BAC+4, sa formation professionnelle  initiale et continue est réduite à peau de chagrin, il a perdu le droit au logement de fonction et doit travailler 7 années de plus au bas mot ( contre trois de moins pour les autres salariés !), il n'a plus aucune vision claire de son avenir (bientôt agent communal ?), il n'est plus reconnu par la société. La coupe est pleine, il y avait besoin de le reconnaître et non de passer en force. Car le gouvernement non plus n'est pas très coopératif.

      PS : Aujourd'hui, j'étais dans ma classe... c'est dire que le mécontentement va au-delà des seuls grévistes. Car beaucoup d'enseignants, comme moi, pensent qu'enseigner ce jour-là sera malheureusement plus efficace que de faire grève... pour ce que l'on est écouté !









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