Le conservateur est il un innovateur qui s’ignore et vice-versa ? 

Dois-je l’avouer et après tout suis-je la seule ? Au débat sur les rythmes scolaires, je n’y comprends goutte. Quels sont les pour, quels sont les contre, pourquoi les enseignants descendent dans la rue et même comment un ministre acclamé à son arrivée suscite autant de protestations alors que ses propositions n’ont pas bougé d’un iota.

 

Suis-je naïve, suis-je utopiste ? La refondation, la réforme des rythmes scolaires semblaient être une formidable opportunité de repenser les plans d’éducation locaux en envisageant l’éducation dans une perspective de continuité entre les temps d’apprentissage. Relier tous ces temps, reconnaitre les savoirs qui sont acquis pendant les activités de loisirs, sportives, culturelles, associatives, faire tomber les cloisons entre les acteurs de cette éducation parait une belle perspective. L’opportunité est d’autant plus belle que l’acte III de la décentralisation arrive, dessinant sans doute un nouveau schéma des responsabilités des collectivités territoriales.

 

Bien sur, si on ne cherche qu’à prolonger le modèle actuel dans un habit devenu trop étroit, l’échec  est inévitable. Mais si l’imagination est au rendez-vous, si on vise la construction d’un modèle nouveau, puisant des idées dans les expériences qui existent ça et là mues par des mouvements d’éducation populaire, des villes ou des équipes pédagogiques, alors tous les enthousiasmes sont possibles. En zone rurale, pourquoi ne pas songer à l’intercommunalité pour organiser un schéma éducatif local mutualisant les moyens et les compétences ? Pourquoi ne pas miser sur une professionnalisation des personnels communaux ou associatifs pour affiner le lien entre apprentissages scolaires et apprentissages hors temps scolaires ?

 

La réponse simpliste qui surgit à coup sur tient en un mot : conservatisme ! Et là encore je ne comprends pas. Les enseignants freineraient des quatre fers parce qu’ils ne veulent pas changer leurs habitudes. Pourtant, à échanger régulièrement avec les profs, à convoquer mes souvenirs personnels, le métier d’enseignant me semble éminemment innovant, simplement parce que les situations et les publics changent constamment, sans parler des programmes et des directives.  Enseigner c’est inventer et réinventer la relation, la situation pédagogiques. Le prof qui ressort ses cours d’année en année existe peut être bel et bien mais même ce prof là ne peut reproduire strictement, sans variation, sans interprétation sa façon d’enseigner.

 

Regardant défiler les cortèges et les débats, une question éminemment philosophique me  vient à l’esprit : le conservateur est il un novateur qui s’ignore ou le novateur est il en fait un conservateur. Freiner le mouvement tout en le stimulant, l’équilibre est impossible et la confusion surgit. Le changement dans les écoles pendant les années de conservatisme institutionnel est venu des initiatives des enseignants qui l’ont porté parfois avec douleur. Aujourd’hui, alors que le changement est institutionnel, des acteurs de terrain s’abritent derrière une lenteur revendiquée pour le freiner. Disent ils non avec la tête et oui avec le cœur ? Peut-être mais le temps est compté pour que l’école à nouveau rayonne dans la cité.

 

Monique Royer

 

Par fjarraud , le vendredi 01 février 2013.

Commentaires

  • Gutenberg, le 06/02/2013 à 19:00
    Donc, à lire les réactions de mes collègues, cette réforme a été pensée contre l'intérêt des enfants. Ok, mais, pour répondre sur la forme, où étaient les dindons et autres volatiles, quand la semaine de quatre jours est passée ? Comment se fait-il que presque pas une voix ne se soit élevée contre ce qui représente quand même un recul majeur pour l'enfant et son intérêt ? Car il s'agissait, corrigez moi si je me trompe, de la suppression du ... samedi matin, non ? Enfin, restons sérieux un instant : qui ne voit pas que cette histoire de rythmes est l'arbre qui cache la forêt, les enseignants n'en peuvent plus c'est LA réalité. Depuis 1995, ils sont bafoués et leurs conditions de travail se dégradent jour après jour, alors, un immense espoir + un ministre généreux + une gestion de dossier désastreuse = une réforme qui replace l'enfant au centre enterrée avant d'être appliquée. La demande de report en 2013/2014 avec les municipales en ligne de mire, y'aura pas photo, enterrement de première classe grâce à la complicité conjuguée d'enseignants qui se trompent de combat et d'un gouvernement d'amateurs sur-diplômés. J'en reste, personnellement à quelques fondamentaux : quand un corps social est fragilisé, la méthode à lui appliquer est celle que je mène dans ma classe et dans mon école : on arrête tout, on se parle, mais vite, sinon la situation est difficilement rattrapable, et on positionne quelques heures d'aide personnalisée en concertation avec les familles et en écoutant les échanges fructueux de l'équipe ... facile non ? Pas tant que ça en fait, mais la vigueur et les ressources d'une équipe d'enseignants permet de soulever des montagnes : ça conserve l'innovation !) Précisions utiles peut être : depuis que j'enseigne (34 ans) j'ai toujours travaillé le mercredi matin et mes demandes de mutations restaient centrées sur ce fonctionnement spécifique. J'ai expérimenté plusieurs aménagements horaires sur ce temps : 8h30/11h30 ou 9h/12h et même 10h/12h : à chaque fois, nous aménagions les contenus et organisions des activités spécifiques (cuisine/bibliothèque/ateliers décloisonnés). Les élèves étaient réceptifs et les enseignants contents, alors, chaque expérience est particulière n'est ce pas, de là à affirmer que le mercredi est à privilégier, je ne m'y risquerai pas, le samedi est aussi à envisager disent des chrono-biologistes ou des professionnel(le)s réputées (lire http://www.globulx.com/avis-dexpert/vers-un-nouveau-rythme-scolaire ), quant à l'allongement de la pause méridienne, ce ne serait "que" 35 mn si c'est l'option choisie en plus du temps de cantine (lire http://www.profencampagne.com/article-refondation-de-l-ecole-une-pause-meridienne-d-au-moins-1h30-claire-leconte-115087977.html) ... voilà voilà


  • ellebasi, le 04/02/2013 à 19:27
    d'accord avec Juliette et Maicresse ... je suis dans une zone rurale. Toute mon équipe est partante pour changer les rythmes, nous étions enthousiastes, nous avions plein d'idées ... las ... devant les réactions de la municipalité, les bras nous en tombent ... pas de volonté de proposer des activités intéressantes, elle ne voit le problème qu'à travers la lorgnette financière ... et nous proposent des solutions aberrantes, qui ne conduiront qu'à plus de fatigue pour tous : où est l'intérêt des enfants dans tout ça ??
  • MAICRESSE, le 03/02/2013 à 23:31
    Bonjour,
    Enseignante depuis 28 ans, dans différents quartiers, en difficulté ou pas, mais toujours en ville, aujourd'hui je ne me reconnais ni dans les propos du ministre de l'éducation nationale, ni dans ceux des journalistes et encore moins dans ceux qui se demandent pourquoi les enseignants réagissent ainsi!!
    Il y a une chose que tous semblent avoir oubliée: l'enfant est au centre de nos préoccupations , nous les enseignants, car nous travaillons avec l'enfant en question tous les jours...
    Je ne manifeste pas mon désaccord sur le changement de cette école qui va mal... ça je le sais... je le vis tous les jours! Je l'attends ce changement, ce projet de société!!
    Je manifeste mon désaccord sur ce changement institutionnel qui ne correspond pas aux attentes des enseignants et où je ne trouve pas le mieux-être pour les élèves...
    Et non, je ne me sens pas conservatrice, et je ne suis pas le cancre qui dit non avec la tête et oui avec le cœur!!!!!!!!
    Bien à vous Madame
    Une enseignante
    • juliee, le 07/02/2013 à 15:23
      Et bien et les parents dans tout  çà, pensez vous que nos enfants soient pas notre soucis principal étant notre priorité dans nos vies familiales, je trouve que ce débat est plus celui de salariés en colère d'un changement de rythme de travail et sûrement d'un manque de reconnaissance mais ne parlez pas de rythme quand celui des enfants suit celui des parents qui travaillent toute la semaine en générale j'évite de laisser mon enfant de quatre ans au lit seul quand je pars travailler que ce soit le mercredi ou le samedi et je suis loin d'être la seule dans ce cas et mon fils (ainsi que moi) préfère s'éveiller à l'école que chez la nounou ou en garderie alors l'intérêt de l'enfant et de son rythme... surtout qu'il faut peut-être faire confiance à la recherche qui est là pour nous aiguiller je pense. Bref mon avis n'est qu'une bouteille dans une mer déchainée!!
  • juliette221100, le 02/02/2013 à 08:51
    Bonjour,
    Enseignante en zep (vous comprendrez ce que cela signifie, même si la dénomination ne cesse de changer) depuis plus de 15 ans, j'ai vu défiler réformes et tentatives d'amélioration. J'ai travaillé dans un des sites pilotes de la fin des années 1990. Aussi, je sais que l'école est un lieu qui doit rester sacralisé : celui des apprentissages. On ne peut pas y laisser des animateurs d'associations et autres centres de loisirs y évoluer seuls avec nos élèves. L'expérience des sites pilotes fut, pour ce que j'en ai vécu, un massacre. De plus, l'expérience a été onéreuse. Les collectivités n'auront jamais les moyens de payer autre chose que des salaires d'animateurs pour organiser la semaine à 9 demi-journées... Ce sera à nouveau le centre de loisirs à l'école... L'école doit rester l'école.
    Quant au mercredi matin et à cette semaine continue, je l'ai aussi testée en site pilote. C'est épuisant, pour tous les acteurs. Nous avons tous besoin de la coupure. les enfants ont besoin de faire autre chose, ailleurs, avec d'autres personnes, qu'ils ont choisies. Il est bon qu'ils pratiquent une activité de leur choix et qui n'a rien à voir avec l'école. Alors, si vraiment il faut, dans l'intérêt de l'ENFANT (et non celui de ses parents... qui travaillent, eux...), revenir à 9 demi-journées, forte de toute mon expérience (parce que ça aussi je l'ai vécu), ce devrait être le retour de l'école le samedi matin. Au moins, enseignants et parents qui travaillent pourront se rencontrer ! Mais les enfants ne se reposeront pas ce matin là...
    Je voudrais bien voir l'école de la réussite pour tous. Mais je pense que le vrai problème réside dans la mixité sociale, et non dans les rythmes. Encore faudrait-il avoir le courage de faire des lois pour supprimer les ghettos scolaires, arrêter de financer l'enseignement privé avec l'argent public et peut-être aurons-nous les moyens de travailler réellement à la réussite de tous nos élèves ! Revoyons la carte scolaire, redistribuons les élèves, faisons en sorte que ceux qui sont partis dans le privé réintègrent leur école de secteur !
    C'est pour tout cela que je manifeste... Pas parce que je suis conservatrice, Madame.
    Bien à vous,
  • Foucher95, le 01/02/2013 à 10:40
    Bonjour Mme Royer,

    Une réponse possible ?
    http://www.huffingtonpost.fr/emmanuel-davidenkoff/corporatisme-enseignant-o_b_2572529.html
    Cordialement.

    PS : Bah ma modeste contribution (en commentaire) :
    :http://www.cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/2013/01/28012013Article634949479834848334.aspx



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