Personnalisation et enseignement à distance en SVT 

Le elearning peut-il réduire les inégalités scolaires ? Invitée par le Café pédagogique à Educatice, le 22 novembre, Véronique Saguez enseigne les  SVT au lycée Plaine de Neauphle à Trappes (Yvelines). Elle explique comment la personnalisation l'a conduite à développer un enseignement mixte distance - présentiel.

 

 Nous savons depuis Freinet, qu’un élève comprend et retient mieux lorsqu’il est actif : « On n’apprend pas à faire du vélo en regardant le prof pédaler ! ». Depuis Benjamin Bloom , nous savons qu’il n’y a pas deux enfants qui progressent à la même vitesse, qui utilisent les mêmes techniques d’étude ou encore qui résolvent les problèmes de la même manière : la pédagogie différenciée est donc également à la base de la réussite d’un élève. Enfin, pour favoriser la motivation de l’élève, son implication et son apprentissage, la recherche nous pousse à pratiquer une pédagogie interactive et collaborative.

 

Un enseignement personnalisé...

 

En SVT, nous nous servons de l’ExAO (expérimentation assistée par ordinateur) depuis déjà 20 ans : nos élèves sont donc actifs. Ils manipulent, créent, modélisent… Aujourd’hui, nos salles sont souvent bien équipées en outils informatiques et numériques. Il est donc relativement aisé de mettre en place une pédagogie active, différenciée et collaborative.

 

Ayant tous les ans des classes d’un niveau assez faible et surtout très hétérogène, je me suis vite rendu compte que la solution était dans l’enseignement différencié et collaboratif. Je propose donc (le plus souvent possible), quatre activités de niveaux différents, regroupe les élèves par quatre, de manière hétérogène, mais de telle sorte que chacun puisse apporter sa pierre à l’édifice (activité ni trop difficile, ni trop facile pour chaque élève). Le porte-parole de chaque groupe expose le bilan de l’activité devant la classe et après discussion, chacun l’écrit sur son cahier. Ce type d’enseignement est très prisé par les élèves : ils s’investissent beaucoup plus. Ils sont épanouis, heureux de venir en cours. Ils gagnent en confiance. Ils comprennent et retiennent mieux. Et quand on sait que la démotivation touche 89% de nos adolescents, on pourrait y voir LA solution. Sûrement. En partie. Car le souci est que nous avançons beaucoup moins vite. Et lorsqu’en 2008, j’ai commencé à mettre en place ce type d’enseignement différencié, au bout de quatre mois, j’avais pris un mois de retard dans ma progression.

 

Mise en place de l'enseignement mixte

 

Il fallait donc trouver un moyen d’avoir plus de temps. La solution est venue de la recherche : en effet, des études, de plus en plus nombreuses, montrent qu’un enseignement mixte (en présentiel et en ligne) favorise de meilleurs résultats scolaires qu’un enseignement en présentiel d’une part ou qu’un enseignement en e-Learning d’autre part (métasynthèse américaine de 2010, Commission européenne 2010, Tamin, 2012).

 

Avec quelques collègues (essentiellement le pôle scientifique), nous avons donc décidé de tester ce type d’enseignement. Depuis la rentrée 2012, en plus des heures habituelles de cours, les élèves ont dans leur emploi du temps, une heure d’e-Learning encadrée par les assistants pédagogiques. Celle-ci est dédiée à l’apprentissage individualisé : les enseignants préparent des parcours en ligne correspondant aux difficultés rencontrées par chaque élève. En SVT, les cours en présentiel sont consacrés à la construction des notions. Les élèves y développent et acquièrent des compétences complexes. Pendant cette heure de cours, je reste en retrait. C’est en échangeant qu’ils arrivent le plus souvent à résoudre les problèmes. Pendant cette heure de cours, il m’arrive aussi de travailler individuellement avec un élève qui rencontre beaucoup de difficultés.

 

Les temps d’e-Learning complètent le cours de deux façons : en amont du cours, un forum permet de faire émerger les représentations initiales (discussion reprise au début du cours suivant), en aval du cours, une petite vidéo ou une animation flash reprend la notion qui pose problème. Des exercices interactifs complètent le parcours et permettent à l’élève d’assimiler le cours. La plateforme d’apprentissage me permet de suivre la progression de chaque élève. Je peux ainsi proposer un nouveau parcours sur le même thème si je constate que la notion n’est toujours pas acquise. L’élève apprend à son rythme. Il gagne en autonomie, en confiance, en persévérance et développe ses compétences numériques.

 

Où il est question d'autonomie...

 

Le travail en ligne soulève deux types de problèmes : la non-autonomie des élèves et la procrastination. Le premier problème a été résolu au lycée en intégrant ces heures d’e-Learning dans l’emploi du temps des élèves. Ils effectuent donc les parcours en ligne au lycée, dans une salle équipée. Des assistants pédagogiques sont là pour les aider à développer leur autonomie. Le second problème ne peut se résoudre que par une très grande interaction entre les élèves d’une part et les élèves et les enseignants d’autre part : messagerie, forum, travail collaboratif en ligne... Je favorise au maximum les interactions, donne des dates limites pour les exercices et envoie des rappels…

 

Les retours sont pour l’instant très positifs. Les élèves sont demandeurs et s’investissent. Le premier but du projet est donc atteint : j’avais des élèves qui ne travaillaient pas en dehors du cours et/ou qui ne savaient pas comment travailler. Aujourd’hui (sûrement aussi parce que je ne leur laisse pas le choix !), ils travaillent sérieusement sur la plateforme d’apprentissage. Les cours sont sereins, les élèves plus motivés et plus confiants. Tout le monde progresse.

Une évaluation de ce projet est programmée (février et mai). Il faudra voir si cette heure l’e-Learning leur a permis de gagner en autonomie, en méthodologie, a permis de diminuer l’échec scolaire et de développer leurs compétences numériques.

 

Véronique Saguez, propos recueillis par Jean-Pierre Gallerand

 

Vidéo en ligne

Voir aussi

 

[1] Cité par Connac Sylvain, Apprendre avec les pédagogies coopératives. Démarches et outils pour l’école, Pédagogies [outils], ESF édition. 2010, 334 p.

[2] Bloom Benjamin : psychologue américain spécialisé en pédagogie, professeur, chercheur et éditeur littéraire.

 

Par fjarraud , le mardi 18 décembre 2012.

Commentaires

  • Foucher95, le 18/12/2012 à 21:50
    Bravo et merci Véronique !
    Revenez vite raconter la suite de votre travail !

  • cdivoux1, le 18/12/2012 à 15:38
    Bonjour,

    Combien de temps passez-vous a préparer les ressources sur la plate-forme ?
    De quelles formes sont-elles ? Les élèves peuvent-ils faire des schémas, écrire des équations ?

    Vous écrivez "Aujourd’hui, nos salles sont souvent bien équipées en outils informatiques et numériques. Il est donc relativement aisé de mettre en place une pédagogie active, différenciée et collaborative." J'aimerais mieux comprendre le lien réel entre les TICE et les pédagogies que vous citez.

    Quelle plate-forme collaborative utilisez-vous ?

    Peut-on avoir un descriptif plus détaillé de votre expérimentation ?

    Merci

    Claude Divoux
    • JP Gallerand, le 26/12/2012 à 10:52

      Bonjour Claude,

      Passer du « monde sur papier » au « monde sur écran » nous a demandé un peu de temps… Pour les parcours en ligne, c’est la même chose : la première année, nous faisons quelques parcours… Le but est de capitaliser et… de mutualiser : nous nous répartissons les parcours entre collègues : tout le monde y est gagnant. Par ailleurs, nous avons choisi une plateforme très instinctive et permettant une grande individualisation (It’s Learning que nous avons intégrée dans notre ENT Lilie) : cela permet de faire un parcours de manière très rapide en quelques minutes). Le plus long reste de filmer les petits bouts de cours et encore, avec l’habitude, ça devient facile et rapide…

      Nous savons depuis très longtemps que les pédagogies actives, collaboratives et différenciées sont efficaces mais si elles étaient faciles à mettre en œuvre, il n’y aurait pas eu que quelques « Freinet » à les réaliser… Les outils numériques sont une aide, un support…ultra efficace ! (ils ne servent à rien sans nous, mais nous facilitent grandement la tâche… !)

      -Les outils numériques permettent de mettre de l’interactivité : les élèves avancent à leur rythme, n’ont plus besoin de moi à chaque instant (des aides leur sont proposées à chaque étape, auto-évaluation etc) et par conséquent, je peux m’occuper des élèves ayant le plus de difficultés…

      -Lorsque vous mettez les élèves sur un pad, ils participent au même travail (co-élaboration) et je peux suivre la participation de chaque élève : c’est quand même beaucoup plus compliqué sans cet outil… ;-)

      -Lors des forums précédant le cours, chaque élève participe : en classe, lors de l’émergence des représentations, il est très compliqué de faire intervenir tous les élèves…

      Ce ne sont que quelques exemples, car pour répondre de manière exhaustive à votre question, il faudrait… 200 pages… ;-)

      Pour voir tout cela de manière concrète, il y a Intertice 2013, sinon attendre les autres articles que je suis en train d’écrire ou enfin, venir jusqu’au lycée à Trappes… ;-)

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