Peillon et "la refondation prudente" 

La prudence est-elle toujours signe de sagesse ? Voilà une question de philosophie politique que Vincent Peillon pourrait traiter lui qui met volontiers en avant la prudence dans l'action. En observant les arbitrages rendus pour la refondation de l'Ecole, la prudence ministérielle finit par interroger la refondation. Celle-ci est-elle encore lisible ? Peut-elle se faire sans l'enthousiasme de ses acteurs ?

 

Un seul mot vous manque et tout un discours est dépeuplé. Jeudi 11 octobre on aurait cherché en vain dans la bouche de Vincent Peillon l'expression "école du socle" pourtant fortement entendue durant la concertation. Le ministre a-t-il même parlé de "socle commun" ? Si oui ça devait être pour préciser que son contenu serait défini par un nouveau comité ce qui est une autre façon de désamorcer une expression qui irrite certains. Car le discours du 11 octobre semble avoir eu pour seul objectif de désamorcer les tensions que le rapport de la concertation d'abord, puis le discours déjà plus nuancé de F Hollande ensuite, ont pu faire naitre chez certains syndicats enseignants.

 

Observons la prudence ministérielle à l'oeuvre. Dans Le Monde, le ministre évoque le socle commun mais évacue définitivement le LPC, épouvantail parfaitement réussi par la bureaucratie du ministère. Dans son discours, le ministre annonce qu'il renonce à la bivalence, qu'il écarte le débat sur la réduction des congés d'été. Enfin il annonce la création de la commission des programmes qui va retoucher le fameux socle. Tous ces points font taire les oppositions dans une large portion des syndicats enseignants.

 

La même prudence se lit dans la gouvernance. Le ministre a beau évoquer publiquement la fracture qui s'est crée entre les enseignants et les cadres de l'éducation nationale, il n'en tire visiblement aucune conclusion. Six mois après l'arrivée au pouvoir de F. Hollande, les cadres les plus représentatifs de la politique sarkozienne sont toujours en place au niveau national. Au niveau local, l'encadrement formé et habitué au harcèlement des enseignants ne semble pas avoir senti le vent du changement. Les désobeisseurs qui ont porté noblement une certaine conception du métier enseignant sont eux aussi restés à la place où Darcos et Chatel les avaient mis. Le seul changement visible, et il est de taille, c'est d'avoir remis les syndicats dans le circuit de la gouvernance. Ils sont redevenus des cadres intermédiaires de la bureaucratie éducation nationale.

 

Quel effet produit cette prudence ?  Sans doute facilite-elle la direction du ministère dans l'immédiat et a long terme. Mais permet-elle une véritable refondation ? Peut-on vraiment impulser du changement sans envoyer aux enseignants un message clair et lisible que les temps changent ? Peut-on les impliquer dans le changement sans leur donner leur part ? Or sur ce terrain, curieusement, Vincent Peillon se refuse aux gestes qui permettraient d'inclure les enseignants dans  le projet de refondation. Le pilotage par en haut de la refondation va-t-il se fracasser sur le scepticisme ?

 

François Jarraud

 

Par fjarraud , le vendredi 12 octobre 2012.

Commentaires

  • Pyerch, le 12/10/2012 à 20:22
    Le glaçon ne fondra donc pas !
    Vincent Peillon, professeur agrégé de Philosophie, n'a pas fait sa révolution culturelle,
    restant attaché à la cogestion du corporatisme le plus suranné, identité disciplinaire ou
    mourir
    Restera un fond de sauce quelque peu populiste, donnant aux parents-électeurs quelques
    os qui n'auront guère d'arêtes vives.
    Déçu ? 
    Le réalisme nécessite l'analyse du rapport de forces !
    Il n'est pas en faveur d'une pédagogie novatrice, d'enseignants formés à la
    prévention du décrochage, à une évaluation formatrice et non hiérarchique, 
    à une direction d'établissement compétente dans le développement
    et pas soumise à des chiffres de résultats concurrentiels !
    Où va-t-on ?
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