Chaque année c'est pareil. L'élection des délégués des parents d'élèves, un événement qui concerne près de 20 millions d'adultes et la seule où puissent s'exprimer les étrangers, bénéficie d'une campagne promotionnelle réduite au strict minimum. Cela témoigne d'un fait bien connu : la difficulté qu'a l'école française à accepter les parents.
Ainsi en 2007, le rapport des inspecteurs généraux Alain Warzee et Gérard Lesage dénonçait " l'opacité du système éducatif" et reconnaissait que " la relation entre les parents et les enseignants est trop souvent faussée par des présupposés, des représentations mentales qui peuvent générer de l’agressivité, de la condescendance ou des comportements d’évitement". Les rencontres entre parents et enseignants sont souvent frustrantes car le temps de dialogue est trop court, les locaux d'accueil sont souvent inadaptés, les horaires des réunions (comme les conseils de classe) inadéquats. L'information des familles est " insuffisante et mal conçue". Cette situation pénalise les familles populaires qui ne savent comment orienter leur enfant.
Malgré les engagements, depuis 2007 peu de choses ont changé. Vincent Peillon a bien publié en août une circulaire demandant de contrôler le montant des fournitures scolaires exigées des familles, son impact semble très modeste. Le même texte demande également une meilleure information des parents. «Les familles doivent être informées dès le début de l'année scolaire de l'ensemble des dispositifs d'accompagnement proposés aux élèves au sein de l'école ou de l'établissement » demande la circulaire. Elle souhaite aussi que « les parents doivent recevoir des informations sur les différentes actions conduites pour favoriser un contexte favorable à la réussite de leur enfant, sur la page dédiée à cet effet, du site internet ou de l'espace numérique de travail de l'établissement… Cette information pourra concerner différents domaines. À titre d'exemples : l'environnement physique de l'établissement (situation géographique, mode d'accès, etc.), l'organisation des différents temps (temps d'apprentissage, de pause méridienne, d'accueil des parents, etc.) ; l'organisation des espaces (on pourra aborder la surveillance et la sécurisation) ; les règles du « vivre ensemble » dans l'établissement et l'importance de l'assiduité ; les actions de valorisation des élèves (engagement dans des activités extrascolaires, sport scolaire, etc.) ; les actions menées en matière d'éducation aux comportements responsables dans les domaines de la santé et de la citoyenneté ». Publiée fin août, peu d'établissements s'y sont conformés.
Or la question de la place des parents à l'école est d'abord sociale. Les parents de milieu favorisé sont généralement à l'aise avec l'Ecole. Ils savent parfaitement décrypter sa communication et l'utiliser au mieux. C'est très différent avec les parents des milieux populaires qui gardent leurs distances avec l'école. La démocratisation de l'Ecole demande une reconnaissance plus importante de leur place dans l'Ecole. Il s'agit d'aider ces parents à comprendre les attentes de l'Ecole. C'est aussi nécessaire pour lutter contre les préjugés qui pénalisent l'orientation de leurs enfants.
La concertation sur la refondation de l'Ecole a proposé des avancées importantes. C'est le cas par exemple pour l'orientation. Les parents devraient obtenir le droit de décider de l'orientation de leur enfant. C'est une mesure dont on évalue encore mal l'impact. Elle devrait avoir une influence sensible sur le climat scolaire. Mais cette liberté octroyée risque aussi d'augmenter les inégalités dans l'Ecole, toutes les familles n'ayant pas la même connaissance du système éducatif.
Au moment où se reconstruit le système éducatif, alors que les inégalités sociales s'y creusent, la voix des parents est particulièrement attendue. C'est pour cela qu'il faut souhaiter une forte participation aux élections des 13 et 14 octobre.
François Jarraud