Mise à jour 28/09/2012 à 16h00
Est ce le plus pingre des budgets prioritaires de l'histoire de la République et une refondation HLM ? Ou est-ce le plus prioritaire des budgets à un moment de réduction drastique du déficit public ? Sans doute les deux. Révélé le 28 septembre, le budget du ministère de l'Education nationale pour 2013 tente de concilier des principes contradictoires : s'inscrire dans l'effort de baisse des dépenses imposé à tout l'appareil étatique tout en investissant dans l'éducation. La solution trouvée par Vincent Peillon c'est de faire des choix clairs qui concentrent les moyens : l'embauche, la formation, le numérique.
L'appréciation de l'effort reste à faire. Alors si vous êtes Vincent P. et que vous travaillez dans le 7ème arrondissement de Paris ne lisez que les lignes en police normale. Si vous êtes Luc C., chômeur, et que vous habitez l'est, lisez ce qui est en italique. Si vous travaillez à l'éducation nationale et que vous attendez une augmentation, revenez l'année prochaine...
Une masse budgétaire qui augmente ou qui stagne ?
En 2013, le budget de l'Education nationale sera de 62,7 milliards soit une hausse de 2,9% par rapport à 2012, et une vraie augmentation par rapport à la croissance du PIB. C'est d'autant plus remarquable que tous les ministères se serrent la ceinture.
Mais si l'on retire le poids des pensions, le budget n'augmente que de 300 millions, +0,6% seulement ce qui est tout juste au niveau de la croissance du PIB et ne traduit donc pas d'effort particulier.
43 450 postes ou 8781 ?
Dans l'arithmétique particulière de l'Education nationale 43 450 = 8 781.
En fait le ministère va lancer deux concours de recrutement d'enseignants. Le premier, largement engagé, fournira 22 100 enseignants qui seront affectés devant les élèves à la rentrée 2013. Ils auront une formation à peine améliorée par rapport à l'époque Chatel et financée par des stratagèmes peu couteux.
Un second concours aura lieu en juin 2013. Il s'adressera à des étudiants de M1 pour embaucher 21 350 enseignants. Ils seront admissibles en juin 2013 et admis en juin 2014 et ne deviendront réellement professeurs devant les élèves qu'à la rentrée 2014. En 2013-2014, pendant qu'ils prépareront leur M2 et le concours final, ils seront embauchés et payés à mi temps pour effectuer des stages en classe en tiers temps. Leur coût sera inférieur à 10 675 postes car ces nouveaux emplois prennent la place de dispositifs précédents qui correspondaient à plus de 3000 postes.
Il y a donc bien en 2013 au moins 43 450 recrutements annoncés. Mais en création finale de postes on ne trouve que 8781 postes budgétaires parmi lesquels 500 emplois administratifs. Enfin on peut douter de la capacité à trouver des candidats. Le ministère affirme que le vivier du premier concours est de 100 000 candidats. Celui du second de 200 000. Ce qui permettrait de maintenir des concours très sélectifs. Si ces chiffres sont en gros exacts, dans le détail on observe que le manque de candidats touche certaines académies au primaire (Créteil par exemple) et certaines disciplines au secondaire (maths,, anglais par exemple). La masse globale de candidatures n'a pas grand sens. Et le ministère ne propose rien que les déclarations ministérielles pour rendre le métier attractif. L'idée d'une augmentation des salaires est écartée.
Priorité au primaire ?
La répartition des postes au premier concours 2013 est connue et respecte la priorité donnée au primaire. Celle du second concours n'a pas été communiquée.
Le ministère annonce sa volonté de créer des postes pour les maternelles des quartiers populaires et le plus de maitres que de classes du primaire. Pour le secondaire il entend encourager la lutte contre le décrochage et améliorer la formation en L.P. Le soutien à des projets en collège et lycée reste à préciser.
6 000 emplois aidés professeurs
C'est une initiative originale lancée par Vincent Peillon. Recruter dans les quartiers populaires 18 000 jeunes (6000 dès 2013) pour les amener aux concours d'enseignants. Ces jeunes seront identifiés par les universités, sélectionnés par les rectorats, embauchés par certains EPLE et répartis ensuite entre école, collège et lycée.
Priorité au numérique
Le ministère annonce un plan de 10 millions pour le numérique. Dans un paysage budgétaire où on coupe toutes les dépenses nouvelles l'effort est de taille.
Mais il est à comparer au plan numérique de Luc Chatel : 30 millions en 3 ans. Ces millions n'ont d'ailleurs pas tous été dépensés : ainsi 5 millions de chèques d'achats de logiciels n'ont pas été utilisés par les établissements, ce qui interroge fortement le programme ministériel.
Du coté syndical
L'accueil des syndicats est globalement positif. Au Snuipp, le secrétaire général S. Sihr estime que c'est "une amorce de relance pour l'Ecole" et que c'est "un changement" par rapport aux budgets précédents. La stagnation des salaires "reste un des points sombres" du budget. Pour Guy Barbier, secrétaire national du Se-Unsa, "l'effort est important" mais il craint une réduction des dépenses pédagogiques. Le blocage salarial "est insupportable d'autant qu'en fait il se traduit par une baisse nette des salaires qui sont pourtant par mi les plus faibles d'Europe".
François Jarraud