Chef d'établissement : Un métier sous pression ? 

Dans la transformation de l'Ecole par le New Public Management, les chefs d'établissement sont aux premières loges. C'est peut-être ce qui motive la Revue internationale d'éducation  de Sèvres de consacrer un numéro (n°60) au "métier de chef d'établissement". Confié à Ghislaine Matringe, ancien chef d'établissement et ancienne directrice de l'encadrement au ministère, ce dossier analyse l'évolution du métier dans plusieurs pays, la France bien sûr mais aussi la Suède, les Etats-Unis, le Portugal, le Chili, l'Allemagne et la Slovénie. Au delà des différences, une certitude : le métier est coincé entre New Public Management et monde enseignant. Entre marteau et enclume.

 

 "On ne peut plus faire reposer la réussite de l'Ecole sur les seules épaules des chefs d'établissement", écrit sans complexe Ghislaine Matringe en ouverture du dossier. C'est que partout le nouveau management public pousse en avant le rôle du chef d'établissement et particulièrement en direction des enseignants. Dans cette nouvelle optique, il est le leader d'un établissement doté de l'autonomie avec une double mission de leader pédagogique et de manager.

 

Voilà pour la théorie. Car la réalité est nettement plus complexe selon les pays et aussi, en France, selon les établissements. Cette nuance est apportée par Alain Bouvier dans une table ronde avec Bernard Toulemonde, Anne Barrère et un proviseur Pascal Bolloré. Il n'y a rien de commun entre le principal d'un collège de 60 élèves et d'une cité scolaire de 2000, entre un collège de ZEP et un établissement prestigieux de centre ville. L' idée d'autonomie elle-même est à nuancé selon B Toulemonde, le chef d'établissement croulant sous les directives. "Plus il y a d'autonomie, plus il y a de contrôle" , confirme Anne Barrère. Elle montre aussi que les chefs d'établissement restent attachés à la conception républicaine et étatique de leur fonction.

 

Mais le grand intérêt de cette revue ce sont les éclairages internationaux. Elle nous montre des chefs d'établissement américains bardés de tests et affirmant sans complexe leur leadership. Mais il sont surtout soucieux de réunir leur équipe autour d'objectifs communs. Ici la direction se partage. Autre cas intéressant : le Portugal. Le pays a été touché par le New Public Management mais il a gardé des chefs d'établissement élus par le conseil d'établissement.

 

Le cas le plus intéressant est surement celui de la Suède. Le pays a totalement appliqué les thèses du New Public Management. Les parents ont une liberté totale de choix de l'école, assurée par des chèques éducation, y compris dans le privé, ce qui entretient la concurrence. L'établissement ne dépend plus que d'autorités locales qui fixent le curriculum et salarient les personnels. Le Rektor, chef d'établissement,  fixe les salaires et licencie les enseignants. L'école centralisée et étatique a été totalement gommée. C'est sans doute le pays qui est allé le plus loin sur cette voie, nous explique la Revue. Mais le rêve a tourné au cauchemar. Les résultats dans PISA se sont dégradés. Le métier de chef d'établissement tout puissant n'attire pas; Le chef d'établissement primus inter pares est devenu, nous dit avec humour Dan Collberg,  l'ultima inter superiores. Le grand chef n'est plus que le dernier des petits chefs de l'administration communale. Il a perdu la noblesse que lui donnait la fonction étatique. Le pays réfléchit à recentraliser et refonctionnariser son système éducatif.

 

De ce voyage au pays des chefs d'établissement, se dégage l'idée d'un métier qui reste en construction. Il est dommage que la revue ne s'attarde pas à explorer le paysage quotidien du chef d'établissement français. Comment se passent réellement les relations avec les autorités de tutelle et avec les enseignants ? Car c'est aussi dans ces confrontations que le métier se bâtit.

François Jarraud

 Le métier de chef d'établissement, Revue internationale d'éducation de Sèvres, n°60, septembre 2012.

 

Le sommaire

 

 

Par fjarraud , le jeudi 27 septembre 2012.

Commentaires

  • Pyerch, le 27/09/2012 à 09:14
    Peu de recherches sur les personnels de direction : celles d'A. Pelage (sociologie) et d'Y.Grellier (sciences de l'éducation) datent de1996, celle d'A. Barrère (sociologie) dix ans plus tard. Encore que, elles font état des chefs d'établissement (et parfois même que des "proviseurs") laissant de côté la moitié des personnels, les adjoints (cf. l'opuscule à ce sujet d'Y. Grellier aux ESF). La thèse de M. Hassani (sciences de l'éducation -2007) est plus centrée sur "la régulation"entre direction et enseignant.

    Que dire de cette fonction devenue métier, en tout état de cause devenue un personnel statutairement défini comme un corps spécifique, depuis 2001 ?
    Petit détail : malgré ce corps spécifique il participe encore au collège électoral des conseils d'administration des établissements,celui des personnels enseignants et d'éducation. Ce qui avait été justifié alors par le Conseil d'Etat quand ce personnel était détaché (généralement du corps enseignant) dans la fonction de direction. Oubli, négligence juridique ou volonté de confusion ?
    Un métier dont la stagiarisation est passée de 2,5 ans(mesure dérogatoire à la Fonction Publique) à 1 an...

    En 1996 a été créée une Ecole Supérieure des Personnels du Ministère de l'Educationnationale (E.S.PE.M.E.N.), devenue ESEN (Ecole Supérieure de l'EducationNationale) qui n'assure pas la formation initiale des personnels de direction, dont les directeurs ont valsé en fonction des ministres successifs.
    Cette formation est faite au niveau régional (académique) par des pairs, non professionnels de la formation d'adulte, choisis sur des critères de grande opacité (osons dire "qu'ils sont bien en cour") car les recteurs tiennent plus que tout à contrôler ce personnel. Peu importe que la formation soit d'un niveau léger. Autre élément : dans les bilans sociaux produits par le Ministère quant à ces personnels aucune ligne sur leur formation continue. Il n'y en a pas !
    On comprend tout cela quand le premier thème de la formation initiale est "chef d'établissement [dernier] chaînon d'une ligne hiérarchique".

    Et après ?

    Autre élément analyseur (au sens de Lourau) : le mouvement (mutation quand tu les tiens). La carrière, si l'on puit dire c'est de partir d'en bas pour arriver en haut dans un mouvement ascensionnel atmosphérique, si tant est que la fidélité hiérarchique est présente (sinon c'est "la punition", 12 ans ou plus sans promotion). Même si l'on sait que l'effet d'échelle ne joue pas quelle que soit la taille de l'établissement quant aux tâches administratives de base, un lycée de 1000 élèves a du personnel (adjoint(s), secrétariats divers, personnel gestionnaire en nombre, etc.) ce que n'a pas une petite structure, surtout si son public est socio-économiquement défavorisé.
    Il faudrait analyser les rapports de l'inspection générale qui visite les demandeurs de mutation quant à l'évaluation pratiquée avec des critères inconnus à défaut d'être obscurs (cf. la thèse de X.Pons sur l'évaluation du système lui-même par l'inspection générale).
    La compétition est ainsi animée par une institution qui croit détenir un pouvoir régalien (et ce sont des hommes et des femmes bien en chair que cette dernière), à laquelle concourt un syndicalisme co-gestionnaire.
    Quel millefeuilles : niveau national, régional,départemental, thèmes pédagogiques, administratifs, etc. En Finlande l'inspection n'existe pas ! Que d'économies en perspective..

    Chef d'établissement "représentant de l'Etat" ! La décentralisation a fait peur à nos jacobins qui ont vu l'horrible fantôme du pouvoir local pouvant contrôler les établissements. En même temps "président d'un conseil d'administration" (qu'on a voulu faire croired émocratique). L'enseignement agricole qui n'a pas voulu, début des années 60,intégrer l'Education nationale (bien lui en a fait) a su séparer les deux fonctions, évitant ainsi à ses personnels la schizophrénie que doit résoudre les autres.
    Dans ces conseils sont entrés, comme par effraction, les parents (dits "d'élèves"obscur objet juridique) à partir de 1975. Année où toute une génération entrait au collège. Les classes dominantes ne pouvaient laisser faire sans aller voir ce qu'il allait se passer à l'intérieur (cf. l'ouvrage dirigé par JL Derouët sur le collège en question).

    Alors refondons l'école.

    La gauche a publié le texte de la droite sur la Prime de Fonctionnement, de Réussite et deRésultats. Rien ne change ? On ne sait nullement les critères, les raisons d'attribution. Que signifie des "résultats"demandés aux personnels de direction quand l'Etat n'est jamais condamné par les tribunaux administratifs que par les manques de moyen qui créent des difficultés de formation aux élèves. L'Etat n'a jamais été condamné parce que x ou y n'avait pas son diplôme ou ne passait pas en classe supérieure. Et ces moyens les chefs d'établissement n'en sont pas maîtres, ni quant aux salaires ou promotions des personnels (du ressort de l'Etat), ni quant aux moyens matériels (du ressort de la collectivité de rattachement). Obligation de moyens pour l'Etat, obligation de résultats pour les établissements. De qui se moque-t-on ?
    Faire croire que c'est la LOLF qui en est la cause, mensonge évidemment (cf ante).
    C'est là que l'on voudrait instiller du New Public Management : la caporalisation c'est fait, reste l'autonomie, la totale (comme en Suède). C'est quand même bien boîteux cela, on le sait, volontairement. Tout tient en un seul verrou, le statut des enseignants. Le projet d'établissement, le contrat d'objectifs, les critères de gestion des personnels dans CLAIR puis ECLAIR, tout concourt depuis 1989 à le faire sauter.

    Refondons l'école, une idée !

Vous devez être authentifié pour publier un commentaire.

Partenaires

Nos annonces