Vincent Troger : Comment accueillir les nouveaux bacheliers professionnels ? 

Auteur d'une étude remarquée sur l'orientation des bacheliers professionnels, Vincent Troger revient sur le phénomène majeur : l'explosion des bacheliers professionnels. Elle envoie un nouveau défi à l'enseignement supérieur : comment accueillir ces jeunes ?

 

Le nombre de bacheliers professionnels a beaucoup augmenté, pratiquement doublé. Pourquoi est ce un problème pour l'enseignement supérieur ?

 

Il y a une augmentation parce que tous ceux qui entrent en voie professionnelle vont jusqu'au bac et il y a eu un effet de cumul encore cette année. Je ne sais pas si on peut dire que cette hausse pose un problème. Ce que l'on voit dans notre enquête sur l'académie de Nantes , dont on vient juste de dépouiller les questionnaires de mai dernier, c'est que 62% des élèves de bac pro qui veulent continuer après le bac. Ils l'avaient annoncé en seconde et ils confirment. La proportion a même augmenté. Ils veulent aller en STS très majoritairement y compris en alternance pour environ un tiers d'entre eux. Ca pose deux questions : les structures sont-elles prêtes à accueillir autant d'élèves au niveau où sont les bacs pros quand ils sortent ?

 

Pourquoi ce choix alors que les générations d'avant s'arrêtaient au bac ou avant  ?

 

Jusque là environ 30% voulait continuer mais sur un nombre de bacheliers plus faible. Ce qu'on observe dans l'académie de Nantes c'est que le désir de poursuite d'études est d'abord professionnel, dans une branche proche du bac pro choisi. L'objectif c'est de s'assurer une meilleure insertion et aussi avoir une chance de promotion professionnelle. Autrefois ils auraient cru dans la promotion interne. Aujourd'hui ils pensent que c'est très difficile d'accéder  un statut supérieur avec un CAP.

 

Ces nouveaux étudiants ont quelles particularités par rapport aux autres ?

 

Dans l'académie de Nantes, ce sont des jeunes qui n'ont pas d'appétence pour l'enseignement général à la fois en terme de sens des études et par rapport à la contrainte de l'école comme d'être assis. On trouve aussi davantage de jeunes d'origine populaire. Enfin ce sont des jeunes qui ont moins de mobilité que les autres étudiants. Ils envisagent un BTS dans un établissement voisin du leur. C'est une caractéristique classique des publics populaires.

 

Ils réussissent pas trop mal en STS , plus difficilement en université. Mais ils ont du mal à entrer en STS. Par exemple on trouve davantage de bacheliers généraux en STS que de bacheliers professionnels. Comment expliquer cette aberration ?

 

En fac il y a peu d'encadrement et d'heures de cours et ca défavorise ces élèves qui ne savent pas travailler seuls. A l'entrée en STS  ils sont en concurrence avec les élèves de bac général ou technologique. Les STS sélectionnent les meilleurs dossiers. Cette logique de marché est liée aussi au fait que l'université aujourd'hui est fuie par les jeunes parce que jugée pas assez professionnalisante. Il y a quelques années les bacs généraux allaient peu en BTS. La fac souffre de son image d'études généralistes à faible capacité d'insertion professionnelle. Elle propose aussi un encadrement très faible. Pour les jeunes issus de la démocratisation c'est un handicap. Le succès du bac pro interroge l'ensemble de l'enseignement supérieur.

Que devrait-on faire face à cela ?

 

Je vois dans l'académie que les corps d'inspection ont la volonté, la région aussi, pour accueillir ces jeunes. Un effort sera fait. Il faudra ouvrir des classes. Mais il faudra aussi faire un effort qualitatif. Une des solutions ce serait de nommer en BTS des professeurs de lycée professionnel. Les jeunes seraient avec des enseignants qui les connaissent bien. Je ne sens pas de réticence à ces évolutions dans l'institution. Mais peut on augmenter le nombre de classes dans le contexte financier actuel ?

 

Propos recueillis par François Jarraud

 

 

Lien : Comment expliquer le boom du bac pro

 

Par fjarraud , le mercredi 26 septembre 2012.

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