Métier : Le diagnostic et le traitement 

Par François Jarraud

 

Quitte à parler d'alourdissement du métier enseignant, allons au bout d'une crise qui pèse sur le recrutement de nouveaux enseignants.

 

Après un quinquennat de pilotage des enseignants par le mépris, la reconnaissance, dans un rapport officiel, de "l'alourdissement" du métier, du rejet général de dispositifs jugés au mieux inutiles, souvent néfastes et chronophages, de conditions de vie très dégradées dans les établissements, tout cela pourrait être une bonne base pour rétablir la confiance entre l'institution et les acteurs de terrain dont l'Education nationale a tant besoin.

 

Pas d'empowerment enseignant. Certes l'alourdissement n'est pas qu'un problème français. Le sentiment de contrôle accru sur la profession est largement partagé dans les pays de l'OCDE avec le pilotage par l'évaluation. Il est déjà ressenti en France quand les enseignants sont obligés de participer à des dispositifs qu'ils jugent néfastes mais pour lesquels ils doivent un lourd travail administratif. Les évaluations nationales, l'accompagnement personnalisé, le LPC en sont de bons exemples. Sur le fond, comme le notait déjà le rapport Pochard, ces empiètements sont d'autant plus ressentis qu'en France l'enseignant traditionnellement ne rend des comptes qu'au niveau national.

 

Mais, sur bien des points, la situation des enseignants français se démarque négativement. Selon Eurostat, dans la majorité des pays européens le temps de travail des enseignants a augmenté durant la dernière décennie. Dans la plupart d'entre eux le temps de service ne se limite pas à des heures de cours et dans 17 pays sur 27 les contrats de travail définissent un temps de présence dans l'établissement scolaire. Mais ce n'est pas pour autant que ce temps dépasse les horaires français. Le temps d'enseignement des professeurs européens est passé de 18 à 20 heures en 2000 à 19 à 23 heures en moyenne en 2009. En France il se situe entre 14 et 26 heures selon la catégorie. Au primaire, où il est unifié, les données OCDE montrent que les enseignants français travaillent beaucoup plus que les autres. Il y a nettement plus d'heures de cours en France qu'ailleurs : 750 heures par an contre 650 ailleurs pour les 7 à 14 ans.

 

Ce que montrent aussi les statistiques européennes c'est par exemple le fait que dans les deux tiers des pays les règlements définissent un nombre maximum d'élèves par classe. Ainsi en Finlande c'est 7 élèves maximum par maître au primaire. Dans la plupart des pays européens, on n'a pas le droit d'entasser plus de 28 élèves par classe au secondaire. Un nombre souvent dépassé dès le primaire en France. Autre sujet oublié par l'Inspection, le niveau des salaires. Avec la Grèce la France est le seul pays européen où le salaire des enseignants n'a pas augmenté durant la dernière décennie. Chez nous il a diminué en terme de pouvoir d'achat de façon très sensible.  Dans la moitié des pays européens il a augmenté d'au moins 20%. Les salaires des enseignants français sont toujours inférieurs à la moyenne de l' OCDE: 33 359$ pour un enseignant du primaire français contre 38 914 dans l'OCDE; 38 856 en collège français contre 41 701.

 

On mesure alors la modestie des préconisations des inspecteurs. Ils se sont interdits de parler salaire et conditions de travail. Ils constatent les mauvaises conditions de vie dans les établissements mais renvoient la réponse hors de l'éducation nationale. Ils constatent le sentiment d'oppression vécu par les enseignants mais pensent le guérir en renforçant les échelons hiérarchiques. Or, le rapport Debarbieux le montre clairement, la confiance dans ces fameux corps intermédiaires a été largement attaquée de Robien à Chatel.

 

Quand il souffre, le patient s'intéresse moins au diagnostic qu'au traitement. Il ne suffit pas de reconnaître l'alourdissement du travail des enseignants , il est temps d'agir pour le réduire.

 

François Jarraud

 

Par fjarraud , le mardi 25 septembre 2012.

Commentaires

  • burstine, le 26/09/2012 à 19:03
    Et que dire des chefs d'établissements envoyés en stage de formation "managériale" chef FRANCE TELECOM...... (véridique en 2011/2012). N'y a t-il pas assez de suicide chez les enseignants?
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