Concertation : Egalité filles - garçons, pour une réflexion globale  

Quelle place pour la mixité dans la concertation nationale sur la refondation de l'Ecole ? La lettre d'Henriette Zoughebi à Vincent Peillon a attiré l'attention sur le fait que cete question n'est traitée par aucun groupe de la concertation. Nathalie Mons, professeur de sociologie à l’université de Cergy-Pontoise et membre du comité de pilotage de la concertation sur l’école, donne ici son point de vue. " L’égalité filles-garçons est une thématique qui traverse la réflexion de multiples ateliers de la concertation'.

Que pensez-vous du débat sur les inégalités entre filles et garçons à l’école qui perce actuellement à l’occasion du travail sur la refondation de l’école?

 

 C’est une thématique majeure de réflexion à l’école, en France comme à l’étranger d’ailleurs. Une analyse fine montre que l’école traite de façon différentiée filles et garçons, d’ailleurs pas toujours au détriment des filles selon le niveau d’enseignement que l’on étudie. Il faut avoir une analyse fine sur le sujet pour comprendre une situation qui est devenue très paradoxale. D’un côté, les filles réussissent désormais mieux à l’école mais de l’autre, au moment des étapes clefs finales de l’orientation, elles s’engagent dans les filières qui ne sont pas toujours les plus rentables professionnellement. En effet, les recherches montrent que dès l'école primaire, les filles obtiennent de meilleurs résultats scolaires que les garçons. Elles redoublent moins, leur taux de réussite au diplôme national du brevet et au baccalauréat est plus élevé. À la fin du collège, à milieu social d’origine et réussite scolaire égales, les filles s’orientent plus que les garçons vers l’enseignement général et technologique que vers l’enseignement professionnel. Elles ne représentent que 46% des diplômés du CAP et du BEP. 71% des filles ont le bac contre 61% pour les garçons. Mais quand on regarde la filière qui demeure aujourd’hui la plus sélective parmi les bac d’orientation générale - le bac S -, elles ne représentent que 46% des élèves de cette filière mais leur taux de réussite dépasse celui des garçons, il atteint 91% contre 87% pour les garçons.

 

Après le baccalauréat, dans les classes préparatoires aux grandes écoles, elles représentent 75 % des élèves des filières littéraires contre 30 % des élèves scientifiques. Seulement 26 % des diplômes d’ingénieurs sont délivrés à des femmes. Dans la voie professionnelle, les orientations sont plus encore marquées par le sexe, les filles s’orientant très majoritairement vers les filières tertiaires.

 

Retrouve-t-on ces mêmes situations dans d’autres pays ?

 

Oui, on retrouve ces phénomènes dans quasiment tous les pays de l’OCDE. Les filles réussissent mieux scolairement, notamment en langue maternelle. Par exemple, elles réussissent mieux à l’enquête PISA en compréhension de l’écrit dans quasiment tous les pays de l’OCDE, et dans certains cas, comme la France, elles ont creusé plus encore les écarts entre 2000 et 2009. Dans certains pays, notamment anglo-saxons où les recherches sur le genre sont très développées, des programmes spécifiques destinés au soutien des garçons sont mis en place. A l’autre extrémité du système éducatif, leur désaffection des filières scientifiques notamment dans l’enseignement supérieur est un problème européen qui, au-delà du souci d’égalité femmes-hommes, affaiblit le potentiel de développement technique et économique.

 

Comment la concertation traite-elle de ce problème ?

 

L’égalité filles-garçons est une thématique qui traverse la réflexion de multiples ateliers de la concertation. Celui sur l’orientation scolaire s’y est intéressé bien sûr. De même l’atelier sur la santé et celui sur un climat apaisé dans les établissements s’en emparent ou vont s’emparer. De même quand on s’interroge sur les programmes scolaires, une interrogation doit porter sur les stéréotypes qu’ils doivent permettre de dépasser. L’atelier sur l’école juste dans tous les territoires a mentionné également le problème des violences faites aux filles dans certains établissements socialement défavorisés. Car en effet il existe une superposition des inégalités dans l’école : inégalités d’origine sociale, d’origine nationale, territoriales et de genre se superposent, se renforcent dans certains contextes, c’est pour cette raison qu’il faut avoir une réflexion globale sur la question et ne pas cloisonner la réflexion sur les inégalités filles-garçons dans un cercle d’échange fermé autour de cette thématique.

 

Au-delà des débats des séances de la concertation, le comité de pilotage a souhaité aussi rencontrer le cabinet de la ministre  en charge des droits des femmes car ce sujet ne pourra à l’avenir être traité qu’en inter-ministériel.

 

Pourquoi cette nécessité de travailler aussi au-delà du champ du scolaire ?

 

La concertation doit avancer sur une analyse relative au traitement différentié des garçons et des filles à l’école mais bien évidemment, en ce domaine comme dans d’autres, l’école hérite des stéréotypes sociaux plus larges qui s’incarnent dans des identités professionnelles qui demeurent fortement différentiée dans notre pays.  Plus largement, c’est la place de la femme qui est à interroger dans notre société. L’évolution - pour ne pas dire la stagnation sur les 20 dernières années - par exemple des statistiques sur la répartition des tâches domestiques entre hommes et femmes, de la part des femmes dans les CA des entreprises ou dans le monde politique montrent que les marges de progrès sont encore considérables. Donc il faut agir en parallèle dans et en dehors de l’école. L’école doit participer à un projet politique plus général, dont elle est un levier déterminant. Dans la concertation, nous avons en permanence ce souci de l’inter-ministériel, de la collaboration entre les différents secteurs de l’action publique. La réforme de l’école doit s’insérer dans un projet sociétal cohérent. Elle en est un facteur déterminant qui ne doit pas être pensé de façon isolée. 

 

Lien : H Zoughebi, L'égalité filles-garçons oubliée par la concertation

 

Par fjarraud , le mardi 11 septembre 2012.

Commentaires

  • Foucher95, le 08/02/2013 à 13:03
    2 points sur l'ensemble des articles du jour sur filles garçons :

    1. Cette interrogation est à porter en dehors de l'école, mais alors pas seulement sur les stéréotypes véhiculés ou la place de la femme. Ce sont deux points importants mais pas suffisants. Il faut poser clairement explicitement la question du rapport à la culture et pas seulement pour les garçons. Oser la poser aussi avec les familles.
    Lorsqu’on ose trier les résultats scolaires par sexe, on s'aperçoit effectivement que les garçons ont de moins bons résultats. On s'aperçoit que cet écart se creuse dans les secteurs les plus défavorisés. Il semble bien qu'en milieu populaire, ce soit bien le rapport à la culture des garçons qui pose un problème plus grand.

    2. Cette question concerne donc aussi une culture scolaire extrêmement « soft »... Deux pistes du « soft » alors, la culture scolaire et son rapport à l'émulation, la culture scolaire et son rapport aux sciences.

    - La culture scolaire, à la demande de la société s'est adoucie, oserais-je dire, « féminisée ». Les valeurs d'émulation, de sélection, de compétition, de dépassement de soi sont le plus souvent absentes ou dénigrées. Même parfois dans les activités sportives. Le bénéfice qui en a été tiré n'atteint-il pas là certaines limites ? Ces valeurs sont alors abandonnées sans garde fou à la culture du groupe du quartier, au modèle du voyou souvent, à la culture du jeu vidéo, ainsi qu'à une certaine culture religieuse de l'effort sur soi. Dans les quartiers défavorisés, ce problème gagne maintenant les filles.
    Quelle solution précise trouver ? Difficile. Rééquilibrer au moins à la marge cette tonalité toujours soft de l'école ?

    - Le règne d'une culture très soft, n'est-il pas aussi inscrit dans les programmes ? La place des sciences et techniques y est indigne. Le retour du concept de « culture humaniste » dans les programmes est révélateur puisqu’il en exclut les sciences ! La culture de l'école survalorise le littéraire, les activités d'expression, d'imagination, certes fort louables, mais largement aux dépens de l'action sur le réel, de la maîtrise technique, de la compréhension scientifique du monde...

    Ce malaise culturel est aussi celui d'une société qui, pour différentes raisons, n'a plus goût à agir sur le monde. Refonder l'école n'a pourtant pas de sens si la société ne se pose pas la question des raisons d'apprendre.







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