La tribune de C. Lelièvre : Le zonage des vacances : un éternel retour ? 

Alors que Vincent Peillon évoque la possibilité d'un zonage des vacances d'été, C. Lelièvre évoque l'histoire du zonage et des rapports compliqués des vacances entre enfants, chronobiologistes, groupes de pression au premier lieu l'industrie du tourisme...

 

 

Le ministre de l’Education nationale, Vincent Peillon,  a indiqué mercredi dernier sur RMC/BFMTV qu’il n’avait «  pas écarté la possibilité » d’un zonage des vacances d’été, afin qu’elles soient plus courtes  ( « pour un allongement d’une ou deux semaines de l’année scolaire » ) « sans pénaliser trop fortement l’industrie touristique » en soulignant que les professionnels du tourisme « demandent un zonage l’été qui n’existe pas ».

 

Retour en arrière. Aucun doute n’est permis, les années post-soixante-huitardes sont celles de la mise en place du zonage généralisé. Dès 1968, le zonage géographique  des congés de la mi-février est mis en place : deux zones décalées d’une semaine, chaque congé n’ayant qu’une durée de 9 jours. On passe à trois zones en 1972, à la suite des demandes insistantes des professionnels du tourisme, ce qui accentue le déséquilibre de la périodisation du temps scolaire. Puis le zonage des vacances de printemps ( d’une durée de deux semaines ) est établi en 1977 : deux zones décalées d’une semaine. Enfin, le 8 mars 1979, le ministre de l’Education nationale Christian Beullac annonce que les dates des grandes vacances seront elles aussi variables d’une zone à l’autre, et que le nombre de zones passera de trois à cinq. Les départs, en 1980, s’échelonnent entre le 27 juin et le 11 juillet.

 

Il faut attendre le début des années 80 pour que d’autres éléments soient pris en considération. On commence à réellement écouter des scientifiques tels que les professeurs Montagner, Reinberg, Testu, Touati et des médecins pédiatres tels que Courtecuisse, Guran, Vermeil. Par ailleurs, certaines propositions du terrain apportent un éclairage nouveau et transitent par les grandes consultations mises en place par le ministre de l’Education nationale Alain Savary. On peut citer en particulier « une éducation dans l’espace et le temps », un chapitre du rapport de la consultation animée par Jean-Marc Favret.

 

Cela se traduit finalement par un grand changement dans le calendrier scolaire de l’année 1986-1987 décidé après consultation par le ministre de l’Education nationale Jean-Pierre Chevènement. La rentrée est fixée au 3 septembre ; les  vacances de la Toussaint du 25 octobre au 6 novembre ; les vacances d’hiver ( 2 zones ) du 14 février au 2 mars ou du 21 février au 9 mars ; les vacances de printemps ( 2 zones ) du 11 avril au 27 avril ou du 18 avril au 4 mai ; les vacances d'été du 30 juin au 3 septembre. Ce « calendrier presque trop parfait » selon certains ne durera qu’un an ( le ministre suivant, René Monory, venant de l’Industrie et du Commerce, et ayant d’autres priorités ).

 

Quelques années plus tard, nouvelle passe d’arme significative ( et récurrente ). Les retours de vacances d’hiver sont difficiles le samedi 16 février 1991. De la neige ; des bouchons ; des mécontents. Le Premier ministre Michel Rocard se prononce publiquement pour un retour aux trois zones, allant même jusqu’à suggérer que l’on pourrait étaler à nouveau les vacances d’été. Les lobbies s’engouffrent dans la brèche. Edmond Maire ( ancien secrétaire général de la CFDT ) est le premier à demander un étalement des vacances beaucoup plus diversifié en sa qualité de président de l’association Villages Vacances Familles ( VVF) et de vice-président de la section des affaires sociales du Conseil national du tourisme.

 

Le ministère de l’Education nationale rend public le 13 mars 1991 un projet d’arrêté visant à modifier le calendrier scolaire triennal adopté à l’unanimité des 62 membres du Conseil supérieur de l’éducation en juin 1989. Le directeur de cabinet de Lionel Jospin, Olivier Schrameck, indique qu’il s’agit d’un « ajustement » né d’une concertation entre le ministère de l’Education nationale et celui du Tourisme, à la demande du Premier ministre Michel Rocard. Les modifications porteront sur les congés d’hiver et de printemps pour lesquels les trois zones seront rétablies. Pour manifester leur désapprobation, 56 des 62 membres du Conseil supérieur de l’éducation ( qui n’ont qu’un rôle consultatif ) quitteront la salle au moment du vote, le 28 mars.

 

Edmond Maire n’est pourtant pas pleinement satisfait. Il se félicite certes du retour aux trois zones des vacances d’hiver et de printemps, mais il juge « incompréhensible » que le gouvernement n’ait pas décidé d’amorcer un étalement des vacances d’été. « Il n’est pas possible, conclut-il, de laisser de côté les professionnels des transports et du tourisme. Car c’est bien de cela qu’il s’agit : concilier réellement les intérêts des enfants à l’école, ceux des enfants en vacances et ceux de la société ».

 

Tout est dit. Et on attend la fin de l’Histoire.

 

Claude Lelièvre

 

Par fjarraud , le lundi 10 septembre 2012.

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