Eric Barbazo : Non à la discrimination positive pour recruter les enseignants 

Eric Barbazo préside l’Association des professeurs de mathématiques (APMEP), un corps d'enseignants dont le recrutement est en net déficit : en 2012, 300 postes (soit un tiers) n'ont pu être pourvus du fait du faible nombre de candidats. POu rl'Apmep, le prérecrutement des enseignants est une bonne chose pour faire face à la crise des recrutements. Mais les emplois aidés ne doivent pas être réservés aux jeunes des quartiers populaires.  " Le pré-recrutement devrait être généralisé à tout étudiant qui se destine au métier d’enseignant. La « discrimination positive » n’apparaît pas ici nécessaire au regard de l’urgence à renouveler les effectifs des candidats aux différents concours".

 

Un projet de loi intitulé « emploi d’avenir professeurs » vient d’être proposé par le nouveau Ministre de l’Education nationale. Cette proposition démontre en elle-même l’erreur majeure de la législature précédente quant à sa conception du recrutement des enseignants français. Allonger la durée d’étude et placer le concours du CAPES après l’obtention d’un master 2 sans se préoccuper des conséquences financières que poseraient ces obligations, a détruit les vocations et vidé les viviers des candidats au métier d’enseignant. Nous vivons les conséquences de ces erreurs à retardement, dans une crise extrêmement grave que connaît désormais notre pays qui ne trouve plus suffisamment de professeurs. Une politique orthogonale est donc bienvenue.

 

Ce projet de loi propose un système de pré-recrutement et une compensation financière à l’allongement de la durée d’étude. L’Association des professeurs de mathématiques (APMEP) se félicite de cette orientation qu’elle appelle de ses voeux depuis de nombreuses années. Ce changement permet désormais d’espérer une prise en compte des réels besoins en enseignants dans notre pays et une programmation à long terme de leur recrutement. Il nous apparaît toutefois intéressant et dans un esprit pédagogique pour le public qui n’est pas nécessairement au fait de toutes les complexités de notre système éducatif, d’expliquer pourquoi certaines des propositions du projet de loi paraissent amendables.

 

Pré-recruter des étudiants au niveau 2ème année de Licence (L2) afin de susciter des vocations apparaît être une bonne solution. Ces étudiants suivent alors (un peu comme le système de Médecine) des cours disciplinaires, des stages de découverte du système éducatif et pourront effectuer des activités pédagogiques contre rétribution. Au contrat de droit privé qui est proposé, nous préférerions cependant un contrat de droit public, à l’instar des élèves des Ecoles normales supérieures. Les carrières des futurs enseignants recrutés au niveau Master 2, seront très longues. Ces années d’études pourraient ainsi être prises en compte dans leur droit à pension.

 

Le projet indique par ailleurs que « le dispositif est réservé aux étudiants boursiers et vise en priorité les jeunes issus des zones urbaines sensibles, ou ayant effectué leurs études dans des établissements implantés dans ces zones ou relevant de l’enseignement prioritaire ». Cette disposition est louable dans ses intentions mais ne paraît pas socialement juste pour autant. Le pré-recrutement devrait être généralisé à tout étudiant qui se destine au métier d’enseignant et devenir la règle générale de recrutement. Les étudiants non boursiers ne sont pas nécessairement sans difficultés financières face à des études supérieurs longues et seraient contraints de trouver des emplois précaires dans des secteurs différents de l’enseignement ou se trouveraient évincés des concours d’enseignants. De plus, la « discrimination positive » n’apparaît pas ici nécessaire au regard de l’urgence à renouveler les effectifs des candidats aux différents concours. Elle peut en outre, s’avérer contestable sur le plan constitutionnel. En revanche, il apparaît légitime d’apporter une attention particulière à l’origine des étudiants dans les cohortes afin d’assurer une diversité sociale du corps enseignant français.

 

Enfin, ces emplois d’avenir professeurs font partie d’un dispositif plus large d’emplois d’avenir des jeunes proposé par le candidat François Hollande. Nous pensons que les modalités de recrutement des enseignants ne peuvent être identiques aux autres métiers. Si chacun se souvient que des professeurs ont été recrutés, sciemment, par Pole emploi sous le ministre précédent, foulant ainsi au pied l’importance d’une formation spécifique pour ce métier, il est important de rappeler que les enseignants doivent être recrutés par concours national, après une formation universitaire de haut niveau associée à une formation pédagogique indispensable. Cette formation doit être dispensée au sein des universités, dans un système qui garantit au niveau national les mêmes exigences. Si des Ecoles de professorat sont créées comme l’indiquait le programme du candidat Hollande, il est indispensable qu’un dispositif national puisse permettre de contrôler et de réguler les contenus des préparations aux concours et les stages durant toutes les années de pré-recrutement. Aucune proposition en ce sens n’apparaît pour l’instant. Nous proposons un Institut national qui coordonnerait la politique de recrutement en collaboration avec les rectorats et les universités. Même si ces dernières sont maintenant autonomes, la formation et le recrutement des enseignants doit rester une prérogative de l’Etat. Tous les candidats à l’élection présidentielle que nous avions rencontrés nous avaient rappelé leur attachement profond à une « Ecole aux valeurs nationales, Institution de la République ». Il est donc indispensable que la France préserve cet aspect dans le recrutement de ses enseignants.

 

Eric Barbazo

Président de l’APMEP

 

Lien : Recrutement la banlieue au secours de l'Ecole

 

 

Par fjarraud , le lundi 10 septembre 2012.

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