Ile-de-France : Une rentrée en demi-teinte 

Vice-présidente de la région Ile-de-France, Henriette Zoughebi a en charge près de 500 lycées. Elle décrit une rentrée complexe entre les réalités héritées de Luc Chatel et les espoirs liés à l'alternance politique et à la refondation. Pour elle une urgence : affirmer des objectifs précis pour le système éducatif.

 

Comment s'effectue la rentrée en Ile-de-France

 

La rentrée est en demi-teinte. C'est une rentrée préparée par Luc Chatel. Mais indiscutablement la confiance est en train d'être rétablie. Il y a une attention portée aux enseignants. Le ministre annonce qu'il y aurait 22 000 recrutements en 2013, soit 13 000 de plus, s'il arrive à les pourvoir. Ce serait une vraie avancée. Mais à cette rentrée les questions ne sont pas résolues. L'alerte donnée sur les options en langues et en arts mutualisées à Paris demeure. Il y  aussi des suppressions de filières dans l'académie de Versailles, de BTS à Créteil. Dans l'enseignement professionnel le passage à 3 années en bac pro permet d'éviter la catastrophe. Mais nous sommes très inquiets des suppressions de filières. Ca n'encourage pas les jeunes à aller en L.P. Dans ces conditions, comment lutter contre la désaffection dans ces lycées ?

 

Que pensez-vous de l'annonce des emplois aidés professeurs ?

 

C'est intéressant de dire aux jeunes des milieux populaires qu'ils peuvent être professeurs. Le gouvernement prend en compte la nécessité du pré-recrutement des enseignants. Par contre il faut rester vigilant sur les tâches que feront ces jeunes. S'agit-il d'une entrée progressive dans le métier ou de mettre les jeunes directement dans les élèves ? Ce serait inquiétant. Il faut aussi prévoir une vraie liaison entre l'université et l'établissement où travaille le jeune pour qu'on aide les jeunes à réussir leurs études. Il faut aussi que le recrutement se fasse au niveau rectoral et non de l'établissement pour le garantir. C'est à ces conditions que l'objectif des 6000 jeunes pourrait être atteint.

 

V. Peillon veut remettre à l'honneur la "morale laïque". Est-ce une bonne chose ?

 

S'il s'agit de partager la devise de la République ça m'intéresse. On peut étudier la liberté en philosophie ou histoire. Mais s'il s'agit d'éléments de morale on est sur un terrain glissant. Par exemple dire le bien ou le mal relève du débat pas d'un enseignement. Je ne pense pas que l'Ecole puisse dire ce qu'est le bien ou le mal. Le rôle de l'Ecole c'est que chaque enfant construise sa vision du monde. Il n'y a pas de morale officielle.

 

Vous participez à la concertation nationale depuis le début. Quelle vision en avez-vous ?

 

C'est vraiment intéressant que le ministre l'ait ouverte. Ca change totalement de la période antérieure. Mais il faudrait ajouter une concertation avec les communautés éducatives sur le terrain. Il faut un débat public national sur l'avenir et la transformation démocratique de l'Ecole. Il faut aussi faire croiser les visions des chercheurs, celles des politiques et des communautés éducatives. Mais l'essentiel c'est déjà de dire ce que doit être l'Ecole, quelles ambitions on doit avoir pour les enfants. La question de l'élévation générale des diplômes est posée avec force à notre société. Il faut cibler 100% d'une génération au bac ce qui passe par la scolarité obligatoire jusqu'à 18 ans. Dans la refondation on ne doit pas penser qu'à ce qu'on peut faire maintenant mais aussi à la vision qu'on veut pour changer l'Ecole.

 

La concertation permet à de nombreux points de vue de s'exprimer. Maintenant que va-t-on en faire ? Il y aura-t-il suffisamment d'ambition ? JM Ayrault s'est fixé des objectifs d'efficacité et de justice. Mais comment va-t-relancer l'éducation prioritaire ? Sur quelles bases ? Quels moyens faut-il mettre en place ? Quels objectifs et étapes ? On sort d'un moment où ce qui a prévalu c'était l'excellence, le mérite, l'élite. On a encouragé le tri. J'attends du ministre par exemple qu'il arrête les internats d'excellence. Il faut qu'il fixe des objectifs clairs, des ambitions. Regardez le numérique. Quels enjeux pour la société ! L'éducation nationale sera-t-elle capable d'encourager la mise en réseau des enseignants ? Des enseignants et des élèves ? On voit bien que ça change des structures hiérarchiques traditionnelles. Si on n'y arrive pas on ne changera pas les choses. On passera à coté d'une chance formidable.

 

Propos recueillis par François Jarraud

 

 

 

Par fjarraud , le mardi 04 septembre 2012.

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