Sarkozy : Mener à son terme la politique engagée depuis 2007 

Par François Jarraud


L'essentiel du programme éducatif de Nicolas Sarkozy a été présenté à Montpellier le 28 février 2012. Une phrase le résume : " L’Ecole appartient d’abord à toutes les familles de France ". Come si le candidat jouait les familles contre les professeurs.


L'erreur du pédagogisme


Dès Montpellier, Nicolas Sakozy est revenu au thème de "l'antipédagogisme", un sujet mis en sourdine depuis l'arrivée de Luc Chatel rue de Grenelle. Il a dénoncé « l’erreur du  pédagogisme » et décrit une école qui a sombré dans la facilité. « On a eu tort d’abaisser l’autorité du professeur, de faire croire à l’enfant qu’il était l’égal du professeur » a-t-il affirmé. Dans le dernier débat des présidentielles, le 2 mai, il a à nouveau condamné les IUFM. Dans cette condamnation, Internet a sa place, accusé d'aggraver la crise de l’autorité.


Les principales mesures


« Pendant les 5 années qui viennent c’est à l’école que je veux donner la priorité » a-t-il promis à Montpellier. Il se fixe 4 objectifs. Le premier concerne l’augmentation du temps de travail des enseignants. « Nos enseignants sont mal payés parce qu’ils sont trop nombreux » a-t-il déclaré. Il propose aux enseignants volontaires de travailler 26 heures (au lieu de 18) pour une augmentation de 25%.


Le candidat UMP souhaite également augmenter l’autonomie des établissements scolaires en leur donnant la possibilité de recruter directement les enseignants et en variant les rémunérations.


N Sarkozy s’est fait aussi l’apôtre de la sélection précoce. Jugeant que le collège unique a échoué, il souhaite des classes de niveau et une sélection à la fin de la 5ème, « le socle étant acquis » à ce moment là… Enfin il veut également s’attaquer au bac pour en relever le niveau.


Le dernier point concerne l'enseignement professionnel. Le candidat veut que la dernière année de CAP et de bac pro soit réalisée en alternance. Un dispositif qui allègerait d'autant les lycées professionnels déjà frappés par le passage du bac pro de 4 en 3 ans.


Pour quel bilan ?


L'enquête CEDRE réalisée par la Depp (ministère de l'éducation nationale) montre qu'au primaire il n'y a pas de progrès pour le niveau des élèves depuis 2003. Il y a toujours 13% de faibles et 29% de performants. Par contre, de 2003 à 2009, les écarts se sont creusés entre garçons et filles (les garçons pèsent 60% des élèves faibles  en 2009 contre 54% en 2003). Surtout un écart de 7 points, jugé "significatif" est apparu entre école publique et école privée. A la fin du collège, le pourcentage d'élèves forts a diminué de 2003 à 2009, passant de 10 à 7% et celui des faibles a augmenté de 15 à 18%.


Selon l'OCDE, le taux de scolarisation des 15-19 ans a généralement augmenté de 9,5% dans les pays de l'OCDE de 2000 à 2009. En France il est passé de 89 à 84%. Certes cela résulte aussi de la baisse des redoublements. Mais cela se traduit par le fait que 130 000 jeunes quittent le système éducatif sans diplôme du secondaire ce qui est énorme. La situation n'est pas meilleure chez les 20-29 ans où le taux stagne alors que dans l'OCDE il a monté de 8%. Le gouvernement s'est engagé à avoir 50% d'une tranche d'âge diplômé du supérieur. Il lui manque 30 000 jeunes diplômés. En France, c'est presque 200 000 jeunes qui chaque année n'atteignent pas le niveau scolaire que la société considère comme normal.


L'assouplissement de la carte scolaire a aggravé la ségrégation sociale. L'enquête de Marco Oberti, Edmond Préteceille et Clément Rivière sur les collèges de la région parisienne montre qu'il a vidé les collèges les plus populaires, augmentant la ségrégation. "Les collèges pour lesquels l’incidence de la réforme est la plus forte dans les Hauts-de-Seine sont ceux des deux types les plus populaires-immigrés-ouvriers... Le total des pertes par dérogation dans ces collèges populaires-immigrés-ouvriers représente presque l’équivalent de l’effectif de 6e de deux collèges en l’espace de deux ans. Pour un petit groupe de collèges, l’impact est encore plus fort, puisqu’on en trouve neuf pour lesquels le solde négatif sur deux ans est supérieur à 40 % de l’effectif annuel".


L'Etat dépense moins pour les établissements prioritaires que pour les établissements favorisés. Un récent rapport de la Cour des Comptes montre que cela commence dès le primaire où l'Etat dépense 3134 € par élève parisien contre 2861 € pour l'académie la moins bien dotée. De plus les inégalités ont croissant, affirme encore la Cour. Ainsi dans la répartition des postes, Créteil avec 4000 élèves supplémentaires a perdu à la rentrée 2011 426 postes quand Paris, avec 1000 élèves de plus gagnait 20 emplois. Au primaire, la possibilité de scolariser un enfant de moins de 3 ans à Créteil est 14 fois inférieure en Seine Saint-Denis qu'en France en général.


Résultat, la France est un pays où l'influence de l'origine sociale dans l'éducation est particulièrement forte d'après l'OCDE. Sur 34 pays, elle n'est plus forte que dans un seul pays (la Nouvelle Zélande). L'origine ethnique pèse aussi d'un grand poids. En moyenne dans l'OCDE il y a 55 points d'écart (aux résultats de PISA) entre un jeune allochtone de première génération et un jeune autochtone. En France l'écart est de 75 points, soit presque deux années de scolarité. Pour la seconde génération il est de 55 points contre 35. Ainsi ce sont les valeurs républicaines de l'Ecole qui sont interrogées.


Pour les dépenses pour l'éducation, la France se singularise à nouveau. C'est simplement le dernier pays de l'OCDE pour l'évolution de ses dépenses éducatives. Elles ont évolué moins vite que le PIB, même si le rythme n'est pas le même du primaire au supérieur. Il y a par contre une unité pour les salaires des enseignants qui sont toujours inférieurs à la moyenne de l' OCDE: 33 359$ pour un enseignant du primaire français contre 38 914 dans l'OCDE; 38 856 en collège français contre 41 701. Ces salaires ont diminué en France alors qu'ils ont progressé dans tous les pays de l'OCDE sauf deux : seule la Hongrie fait plus mal que la France.


Le sondage opéré par le Café pédagogique au mois de mars 2012 auprès des enseignants montre un refus très net des mesures Sarkozy. Les mesures générales comme l'évaluation et le recrutement par le chef d'établissement sont rejetées par près de 8 enseignants sur 10 seulement 14 et 17% les acceptent. 82% sont favorables à un moratoire des suppressions de postes, 85% pour de nouvelles embauches. L'orientation précoce, un des points du programme Sarkozy, qui permettrait d'expulser du collège les enfants difficiles, n'est soutenue que par 23% des enseignants, 70% sont contre. La proposition sarkozienne de revaloriser le salaire en échange de travailler plus n'est acceptée que par 15% des enseignants, 73% sont contre. Le rétablissement de la carte scolaire est demandé par 79% d'entre eux. A l'école primaire, l'aide personnalisée est nettement rejetée : 89% des enseignants sont contre son maintien en état. 74% demandent la suppression des évaluations nationales chères au coeur du ministre. 94% s'opposent aux suppressions des Rased. Dans les réponses libres, on note de nombreuses demandes d'un retour aux programmes de 2002, ce qui veut dire qu'au bout de 4 ans les programmes de 2008 ne sont toujours pas acceptés. Au collège, le Livret personnel de compétences est rejeté par 51% des enseignants, 40% souhaitent le garder. C'est un enseignement sur lequel on reviendra. Au lycée, le moratoire pour la réforme du lycée technologique est validé par 58% des enseignants seulement 14% sont contre. Seulement un enseignants sur dix est pour le maintien en l'état de l'accompagnement personnalisé, 80% sont contre. En lycée professionnel, la proposition de mettre en alternance la terminale pro ne recueille que 14% d'avis favorables,  86% sont contre.


Les étudiants boudent le métier d'enseignant. La crise de recrutement est apparue nettement en 2011 où un millier de postes aux concours n'ont pas trouvé preneurs. En 2012, les résultats des épreuves d'admissibilité montrent que cette situation va se renouveler. La faible hausse des salaires de début de carrière n'ont pas suffi à attirer des étudiants vers l'enseignement.


François Jarraud


Par fjarraud , le vendredi 04 mai 2012.

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