L'empreinte de Luc Chatel sur Pisa 2012 

Derniers exercices le 25 mai. L'enquête internationale Pisa 2012 engage cette année encore une organisation internationale, l'OCDE et le gouvernement français. Deux partenaires aux relations ombrageuses marquées par l'impact de la publication des résultats. Ainsi PISA 2012 porte -il les traces personnelles des arbitrages de Luc Chatel.

 

Du 9 au 25 mai, près de 7 500 jeunes français âgés de 15 ans et trois mois à 16 ans et deux mois ont participé à la plus grande enquête internationale sur l'éducation. La presse éducative, les professionnels, l'opinion publique commenteront la sortie des résultats. Dans plusieurs pays, l'impact politique est énorme obligeant les responsables du système éducatif à des réformes brutales. Dans l'autre sens, PISA suggère une collaboration des responsables éducatifs pour accéder aux élèves et aux enseignants. C'est ainsi que se construit un rapport différent entre les deux partenaires selon les lieux et les dates. En France, le rapport est tendu. L'OCDE dit ce qu'elle a à dire même quand ca déplait au pouvoir. Ainsi en 2011 quand elle parle de la dégradation de l'Ecole française en comparant Pisa 2000 et Pisa 2009.

 

Pisa 2012 est un ensemble de questionnaires proposés par les experts de l'OCDE et acceptés ou pas par la France à travers les services du ministère de l'éducation nationale, particulièrement la DEPP. Le questionnaire principal évalue des capacités cognitives dans le domaine des maths, des sciences et de la compréhension de l'écrit. Cette année, les maths sont le thème majeur du questionnaire. Il est accompagné d'un questionnaire sur l'environnement social et culturel de l'élève et son rapport à l'école. Un autre questionnaire s'adresse aux chefs d'établissement pour évaluer le climat scolaire et observer les écarts entre établissements. Un autre questionnaire sur les TICE fait le lien entre les usages numériques en classe et les niveaux atteints.

 Les résistances françaises 

"La France a une grande tradition scolaire" nous rappelle Sylvie Vayssettes, analyste à la direction de l'éducation de l'OCDE. "Elle a ses propres indicateurs et juge que certaines de nos enquêtes ne sont pas nécessaires". Du coté du ministère de l'éducation nationale, Bruno Trosseille, chef du bureau de l'évaluation des élèves (DEPP) explique que le ministère "regarde le rapport entre le coût d'une enquête et son intérêt". Mais parfois le conflit apparaît au grand jour entre les deux institutions. Ainsi la France était le seul pays à refuser le questionnaire adressé aux chefs d'établissement en 2006 et 2009. "Nous étions mécontents de l'utilisation faite par l'OCDE des donnés recueillies ", nous confie B Trosseille. "L'OCDE comparait des choses pas comparables. En 2000, on lui a demandé de ne pas publier les résultats mais elle l'a fait". S'ensuit une dizaine d'années de bouderie. Le gouvernement français se singularise par son boycott d'une enquête qui se passe calmement ailleurs.

 

Cette position s'explique par une singularité française : un très fort taux de redoublement. A 15 ans un jeune français peut être dans deux structures scolaires radicalement différentes : le collège et le lycée. PISA prélève ses échantillons d'élèves entre ces deux structures de façon proportionnelle à la répartition démographique. Pour le ministère, les écarts de performance  entre collège et lycée sont en fait liés au redoublement et doivent donc être pris avec précaution. Par exemple, les élèves très nombreux des classes de lycée ont des résultats supérieurs à ceux des classes moins nombreuses de collège. Il ne faudrait pas en déduire que les classes nombreuses ont de meilleurs résultats !

  L'empreinte de Luc Chatel 

Pourtant peu épargné par l'OCDE, Luc Chatel met fin à cette situation. Dans PISA 2012, la France rejoint les autres pays et participe à l'enquête des chefs d'établissement. Nous aurons donc une idée précise des écarts entre établissements en terme de résultats scolaires et de climat scolaire. Leur publication aura un effet politique. Pour Luc Chatel cela aurait peut-être soutenu sa démarche d'autonomie et de mise en concurrence des établissements. Pour B Trosseille, la France a pu accepter ce questionnaire parce que "l'OCDE a promis de prendre en considération nos remarques".

 

L'autre empreinte de Luc Chatel sur PISA 2012 c'est le questionnaire sur la littératie financière. La gestion financière n'est enseignée à ce niveau que dans de rares pays et ce n'est pas le cas en France. Luc Chatel a voulu que la France participe en 2012 à cette enquête qui donnera des informations sur le niveau des élèves en terme de finances personnelle, de crédit à la consommation etc. On ne saura jamais si le ministre avait l'intention de créer un nouvel enseignement. Toujours est-il qu'il a modifié profondément l'enseignement des sciences économiques et sociales. La circulaire de rentrée appelle même à la fusion SES et économie gestion. Au ministère on estime que la décision a été prise sous pression de certaines associations comme l'Institut pour l'éducation financière du public, proche d'un ancien directeur de la DEPP.

 

Au final, ce n'est pas Chatel mais Vincent Peillon qui aura à faire face aux résultats de PISA 2012. Peut-être n'accordera-t-il que peu d'importance au questionnaire financier. Par contre le questionnaire des chefs d'établissement devrait révéler une face cachée du système éducatif français : ses fortes inégalités internes. Les résultats sont attendus pour décembre 2013.

 François Jarraud 

L'école française s'est dégradée en 10 ans

Par fjarraud , le vendredi 25 mai 2012.

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