Entretien avec Antonio Novoa : Rapprocher enseignants, chercheurs, neurosciences 

Par Jeanne-Claire Fumet

 

Recteur de l'université de Lisbonne, Antonio Novoa a encadré le colloque de l'ouverture à la fin. Il revient pour les lecteurs du Café pédagogique , sur quelques idées fortes de ses interventions.

 

Vous estimez qu'il faut unifier davantage le monde éducatif ?

 

Il faut réaliser le rapprochement des enseignants, des universitaires et des chercheurs, y compris dans les statuts, le prestige et la carrière sociale, et faire cesser l'illusion que la recherche peut aboutir à des résultats qui vont éclairer le terrain de la pratique. Ce n'est qu'à l'intérieur d'une institution capable de réaliser ce rapprochement que l'on peut espérer le renouvellement intellectuel de ce qui a constitué jusqu'alors les fondements du travail pédagogique.

 

Vous préconisez de s'appuyer sur les neurosciences ; n'est-ce pas s'orienter vers un cognitivisme très théorique, très éloigné des pratiques de terrain ?

 

Je crois qu'il faut amener vers l'intérieur de cette institution toutes les théories nouvelles, essentielles pour comprendre comment on peut apprendre aujourd'hui , les amener  dans le domaine de la   formation des enseignants, de la recherche sur l’éducation et du travail pratique des enseignants. Certains y travaillent, ils sont peu nombreux et ils le font malheureusement dans la perspective d'un clivage entre théories (cognitivistes ou autres) et la réalité de la classe où elles devraient s'appliquer. Or on sait bien depuis une centaine d'années, que ça ne marche jamais : produire une théorie puis une stratégie d'adaptation. C'est le problème de beaucoup de didacticiens qui travaillent sur le concept de transposition : le passage d'un monde à un autre, ça ne s'accorde pas bien. Il faut mettre ces mondes en contact dans des situations de travail qui favorise l'émergence de créations. La question n'est pas de transformer des connaissances en pédagogie, mais la connaissance professionnelle d'un enseignant en action pédagogique, passer du modèle humboldien classique vers un modèle de création à travers la recherche ou l'enseignement.

 

Vous parlez de recentrer l'école sur ses vraies missions. Quelles seraient-elles ?

 

Parler de « vraie » mission, c'est se retourner vers le passé mythique de l'instruction traditionnelle (qui est très pauvre, horrible). Je parlerai plutôt de ses missions non traditionnelles, qui tiennent de l'apprentissage plus que de l'instruction. Mais l'identité du travail de l'école supporte mal toutes ses autres missions d'animation sociale,  existentielle, qui l'asphyxient. Il faut porter l'idée d'apprendre vers de nouveaux espaces et temps d'apprentissage, des espaces d'école pas forcément matériels, qui sont le grand défi de l'avenir . Cela passe par la désacralisation de l'institution. Les débats qui opposent écoles et familles sont dépassés : il faut constituer des espaces publics d'éducation qui soient aussi des espaces politiques de délibération, pour tous les acteurs, sur les finalités de l'école (on peut penser à la sphère publique d'action de Habermas, au sens de participation civique) pour dépasser les étranglements et les dilemmes actuels. On peut trouver là des réponses - qui ne seront jamais que provisoires.

 

 

Sur le site du Café

Par JCFumet , le mardi 20 mars 2012.

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