Deuxième chance : A Clichy, une nouvelle école contre l'échec 

Par Jeanne-Claire Fumet


Les personnalités politiques ne manquaient pas, ce mardi 6 décembre, pour inaugurer la nouvelle École de la deuxième chance de Clichy : autour d’Édith Cresson, Présidente de la Fondation EC2 (Ecole 2ème Chance), Maurice Leroy, Ministre de la Ville, Jean-Paul Huchon, Président du Conseil Régional Ile de France, Patrick Devedjian, Président du Conseil Général des Hauts-de-Seine, Gilles Catoire, Maire de Clichy-la-Garenne, mais aussi Jean-Yves Durance, Président de la CCIP Hauts-de-Seine, François Pierson, Président Directeur Général AXA Global P&C et Président de l’E2C 92, ainsi que les maires de plusieurs communes du 92 et quelques parlementaires. Première École de la 2ème chance dans le département des Hauts de Seine, où « malgré notre prétendue richesse, nous rencontrons les mêmes problèmes que les autres », assure P. Devedjian, l'école de la rue Pierre à Clichy est ouverte sous condition de réussite, avec la possibilité d'une autre ouverture dans le sud du département. L'EC2 92 a ouvert ses portes en mars 2011 et aura déjà accueilli fin décembre une centaine de stagiaires pour des formations de remise à niveau et d'insertion professionnelle, avec six sorties positives (formation professionnelle ou emploi) à la mi-septembre.


« Une société ne peut pas abandonner une partie de sa jeunesses sans en payer le prix fort », affirme François Pierson, qui salue l'engagement des collectivités locales et de l’État dans ce « devoir sociétal » de réinsertion, où il se félicite de voir les pouvoirs publics jouer à jeu égal avec les entreprises. Jean-Yves Durance, Président de la CCIP, le rejoint pour souhaiter l'ouverture d'une autre école du réseau EC2 dans le sud du département, qui correspond, dit-il à un réel besoin. Le maire de Clichy (qui s'amuse à saluer dans le ministre de la Ville l'un de ses anciens élèves), souligne aussi le travail fait sur les chantiers d'insertion, ainsi que sur les actions de solidarité locale et internationale dans sa ville. « Le mot intégration, nous l'avons rayé de notre vocabulaire, et celui de diversité fait problème », affirme-t-il pour souligner le dynamisme de la ville dans la démarche d'insertion, en particulier avec les entreprises locales. Avec un RSA-Jeunes local, qui complète utilement les actions d'insertion, un projet de résidence CROUS mixé avec un hébergement pour jeunes travailleurs, la ville travaille à réduire les tensions intérieures et extérieures entre les populations. Citant le Cabaret de la dernière chance, de J. London, Gilles Catoire évoque les chercheurs de l'or moderne qu'est le savoir.



Pas de 2ème chance sans partenariat avec les entreprises


Jean-Paul Huchon, remerciant les partenaires présents pour le travail réalisé en commun, rend hommage à la fondatrice de l'E2C, Édith Cresson : les causes de l'échec scolaire  (sociales, mais aussi familiales ou personnelles, de santé, etc.) peuvent être connues, elles ne sont surmontées que si quelqu'un « s'occupe de vous et vous fait avancer sur le chemin qu'il faut tracer chaque jour. » Le président du Conseil régional  insiste sur l'importance de l'orientation et sur les difficultés qu'elle pose aux jeunes et à leurs parents, alors que c'est un point essentiel pour réussir sa recherche d'emploi. Un domaine pour lequel le Conseil régional  promet un très gros effort. L'E2C compte 18 écoles en Ile-de-France, avec des   résultats plutôt bons (sorties positives, en CFA ou en CDI). Le Conseil régional  les finance à 25% et se réjouit du développement de ce mouvement qui « constitue une bonne solution » à l'échec scolaire des jeunes, ce dont les acteurs de la Fondation ont fini par convaincre non sans peine les pouvoirs publics. Patrick Devedjian, à son tour, souligne l'importance des partenariats, en particulier des partenariats privés avec les entreprises (« ce n'est pas un gros mot ! ») sans lesquels il n'y aurait pas d'école de la 2ème chance. Il insiste sur l'importance de la confiance : les formateurs, les enseignants « doivent aimer ça », même si l'expérience montre que certains « ne jouent pas le jeu » : « c'est normal, c'est la vraie vie ! ». Les E2C, sur la France, représentent 60% de « sorties positives », formation qualifiante ou emploi en CDD ou CDI, conclut-il, et cela grâce au tutorat des formateurs, bien sûr, mais aussi des entreprises. « C'est ainsi que se fait la véritable insertion par l'économique et par l'emploi. »


Un système d'exclusion choquant et peu productif


Edith Cresson félicite les formateurs et surtout les stagiaires pour le courage que demande l'entrée dans une école de la 2ème chance où l'on doit se remettre en cause, « se dire jusqu'ici ça n'a pas marché et c'est en partie de ma faute. » Mais pour 11 000 jeunes accueillis, 100 000 environ sortent  du système scolaire sans diplômes ni qualifications. « Ce système qui fonctionne par exclusion est extrêmement choquant et peu productif pour le pays », s'insurge l'ancien premier ministre. D'un côté, ce sont toujours les mêmes qui réussissent à apprendre et à se poser des questions, de l'autre les mêmes qui estiment que, de toute façon, ce n'est pas pour eux, résume-t-elle. Lors de la première époque de l'E2C, à Marseille, les formateurs ont beaucoup appris en écoutant les jeunes : leurs blocages et leur enfermement, pour savoir comment les aider à surmonter le « mur invisible » qui éloigne de la culture et de l'emploi. La Fondation, financée par les plus grandes entreprises françaises, mène des expériences pour apprendre à sortir les jeunes de leur milieu et à s'ouvrir sur le monde en attisant leur curiosité : il y aurait là des avancées à étendre plus largement, estime-t-elle.



L'E2C en quelques chiffres


Présentes dans 18 régions, les écoles sont près d'une centaine en France et accueillent les 18-25 ans, parfois plus, sans diplômes ni qualifications sur la base du volontariat. Près de 59% des stagiaires sortent du dispositif pour entrer dans un emploi, une formation en CFA ou une autre formation qualifiante. Le parcours dure 10 mois et demi maximum et inclut en alternance une remise à niveau dans les disciplines de base et des stages en entreprise pour découvrir le monde du travail. L'âge moyen des stagiaires est de 20,7 mois, ils sont majoritairement d'un niveau initial inférieur au niveau V (CAP-BEP) et sans expérience professionnelle.



Le parcours d'insertion


Une formatrice en élaboration de projets, Sylvie Gomez, explique la démarche : une remise à niveau individualisée par matière, en français, maths, culture générale, Prévention Santé Environnement, anglais et bureautique, validée par des attestations de compétences acquises. En prenant soin de notifier seulement ce qui est réussi, on évite de reproduire le système d’évaluation scolaire avec lequel les stagiaires sont en rupture. De même, on veille à user de termes qui ne rappellent pas l'école : on parle de stagiaires, pas d'élèves, de formateurs et pas de professeurs, d'ateliers et pas de cours.


L'élaboration de projets passe par une démarche de connaissance de soi et des métiers approfondie, grâce à des méthodes issues de l'ADVP (activation du développement vocationnel et personnel) avec un gros travail sur la remise en question des images et des préjugés. Le plus difficile, reconnaît Sylvie Gomez, est de se détacher des représentations massives sur soi et sur les métiers. Et comment  démystifier sans décourager ? « Nous avons plusieurs stagiaires qui voudraient être journalistes et qui ont du mal à trouver des stages, reconnait-elle. Je ne les décourage pas, rien n'est impossible ; mais je leur dis que ça prendra peut-être beaucoup plus de temps que pour d'autres... »


L'école de la 2ème chance ne fait pas de miracles, et les postes d'agent de caisse sont plus nombreux à la sortie que les « beaux » métiers choisis par vocation.



Par JCFumet , le mercredi 07 décembre 2011.

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