Bruno Racine : "Il faut une agence qui ne soit pas soupçonnée de vouloir améliorer les résultats" 

"Un système éducatif n'évolue pas à grand coup de baguette magique. Si l'on veut éviter le déni de réalité ou l'incohérence, il faut mesurer ses résultats". Au lendemain de la publication du rapport du Haut Conseil de l' Education sur les indicateurs relatifs au niveau des élèves, son président Bruno Racine explique pourquoi il faut changer de système d'évaluation de l'Ecole. Quels qu' en soient les risques...


Dans son rapport, le HCE parle d'indicateurs "trompeurs". Pensez-vous que l'administration cache des choses ou qu'elle est incapable d'accéder à la réalité du système éducatif ?


Dans le rapport on balaye trois types d'indicateurs. On n'est pas critiques avec tous. En ce qui concerne les indicateurs de la LOLF, qui sont ceux que nous critiquons le plus, il faut se rappeler qu'il s'agit d'un système provisoire. On pense que ces indicateurs sont partiels, trop peu exigeants. Qu'ils donnent une vision trop optimiste de la réalité. Ce qui fait qu'ils sont contredits par les autres indicateurs du ministère. D'ailleurs tout le monde est d'accord pour leur suppression.


En ce qui concerne les évaluations de CE1 et CM2, nous sommes plus nuancés. Notre interrogation vient du fait que, malgré une amélioration en CM2, les données sont faussées parce qu'elles sont produites par les enseignants sur leurs élèves. Il est bien nécessaire que les enseignants évaluent leurs élèves. Mais pour des données destinées au pilotage du système éducatif, il est préférable d'utiliser d'autres méthodes, celles des évaluations CEDRE du ministère de l'éducation nationale par exemple (NDLR : CEDRE procède par échantillon).


On veut faire converger les indicateurs actuels vers des indicateurs incontestables quand à leur méthode. On met  l'accent sur CEDRE car, s'il a été fait avant le socle commun, il intègre des outils transdisciplinaires qui sont dans l'esprit du socle. C'est pour nous un bon point de départ. On n'est pas dans une accusation du ministère ou en train de dire que tout est noir. La culture d'évaluation est récente et les dispositifs actuels sont faits pour évoluer.


Vous recommandez la création d'un organe indépendant en charge des évaluations. Est-ce réellement possible dans un pays comme la France ?


C'est le moment d'y réfléchir. Nous avons une obligation de résultat. Normalement, depuis 2005, chaque tranche d'âge doit maitriser le socle. Et pour le vérifier il faut des indicateurs rigoureux. Dans de nombreux pays c'est une agence indépendante qui procède à ces évaluations. Il ne s'agit pas de contester le professionnalisme des services du ministère. Mais si l'on veut un grand projet pour l'Ecole il faut une agence qui ne soit pas soupçonnée de vouloir améliorer les résultats.  Cela figurait d'ailleurs dans la lettre de mission de X. Darcos.


L'agence que nous préconisons ne va pas se substituer au pouvoir politique. Elle se limitera à fournir des indicateurs par exemple sur l'équité du système éducatif. Il serait intéressant qu'elle travaille avec une université qui ferait des recherches en éducation.


Le pilotage par l'évaluation, là où il est installé, est très critiqué. Vous le voyez comment : un progrès ou une impasse ?


Un système éducatif n'évolue pas à grand coup de baguette magique. Si l'on veut éviter le déni de réalité ou l'incohérence, il faut mesurer ses résultats. Les indicateurs ne sont pas au pouvoir, ils ne se substituent pas à une vision politique. Mais ils sont indispensables. Par exemple, on sait que l'accès au bac ne bouge pas depuis 15 ans. Il faut pouvoir dire pourquoi. Si l'on veut réduire le nombre d'élèves qui sont en dessous du niveau minimum il faut pouvoir mesurer l'efficacité des politiques.


Craignez vous qu'elle aboutisse à une mise en concurrence des établissements ?


Dans les faits les gens informés savent déjà ce que valent les établissements. Ce qui nous semble important c'est d'avoir un outil qui fournisse des données nationales. On ne peut pas toujours s'en remettre à PISA.


Propos recueillis par François Jarraud



Par fjarraud , le vendredi 16 septembre 2011.

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