41èmes Olympiades des métiers : En attendant le verdict... 

Par Jeanne-Claire Fumet


Au terme de trois journées d'épreuves assez rudes, le moment était venu, ce samedi, aux Olympiades des Métiers, de laisser place aux experts. Une cinquantaine de métiers, représentés par de jeunes champions triés sur le volet, venus de toute la France et de l'étranger, à évaluer en quelques heures après avoir suivi leurs efforts sur trois jours. La tâche était ardue et les jurés ne se laissait pas distraire malgré le public venu nombreux autour des stands. La tension de l'attente, mais aussi le soulagement d'en avoir terminé, étaient palpables chez les jeunes artisans. Alors les uns et les autres parlent...


« Des travaux d'un excellent niveau d'ensemble », aux dires des professionnels occupés à détailler  l'ouvrage des candidats de la finale nationale, tandis que préférences et assentiments se dessinaient  derrière les cloisons, dans le bruissement des jugements des spécialistes. Car les Olympiades consacrent des vainqueurs, il faut trancher – mais comment juger au plus juste ?


Rapide et méthodique.


« C'est un candidat qui a été plus rapide, peut-être plus méthodique, nous dit un juré d'ébénisterie en nous montrant un ouvrage. Il est arrivé à finir son travail. Le placage est bien fait, la qualité des queues d'arondes  est remarquable, le tiroir est sans défaut. » En 18h, les candidats devaient réaliser une petit table de chevet, dont la principale difficulté réside dans le tiroir et le motif de placage du plateau. Certains n'ont pu s'acquitter de leur tâche, d'autres ont laissé quelques imperfections. « Ce qu'on demande à un ébéniste, c'est d'être soigneux, précis, d'avoir des qualités artistiques plus approfondies qu'un menuisier. Il y a des proportions, des formes à respecter. Ici, les candidats sont tous très bons dans leur domaine ; mais il y a quand même des différences ». Les deux jurés qui se sont accordés sur l'ouvrage se défendent d'empiéter sur le verdict final : « Rien n'est décidé ! » précisent-ils.


« Au collège, je m'ennuyais. »


Le jeune artisan, un apprenti des Pays de Loire de 21ans, Paul Janvier, reste prudent. « Je me suis beaucoup préparé, mais je ne suis pas le seul ! J'ai commencé il y a sept ans, je commence à être capable de fabriquer pas mal de meubles. » Un futur créateur ? « J'aime bien exécuter ; la création, c'est un domaine particulier. Je préfère être ouvrier dans une bonne entreprise, finir d'apprendre, et peut-être m'installer plus tard... » Paul a choisi le métier de son père, qui aurait préféré pour lui une filière générale, à cause du chômage. Mais Paul savait ce qu'il voulait, et n'a jamais eu de mal à trouver des patrons : « l'école pure, ça ne m'a jamais intéressé. Au collège, je m'ennuyais, je ne voyais pas l'intérêt de rester dans une salle de classe. J'aimais bricoler, travailler à l'atelier. » Les Olympiades ? Elles resteront pour lui un grand souvenir et une belle expérience. Quoi qu'il advienne.


Abaisser les ressorts de fauteuils-club. Nicolas Arnou, président du jury en Tapisserie d'ameublement, n'est pas aussi satisfait des travaux des candidats : « ils ont réalisé un guindage suspendu avec une cuvette, technique qu'on utilise dans les gros fauteuils clubs style 1930, pour les rendre très souple. Il fallait abaisser les ressorts à une certaine hauteur, pour donner de l’élasticité, les rendre solidaires avec un système de cordes de rappel, et poser différentes toiles puis garnir une petite cuvette tout autour. » Exposée au centre du stand, un modèle destiné au concours du Meilleur Ouvrier de France est exposée pour servir de corrigé aux candidats. Le travail est un classique du métier, mais les jeunes candidates ( seulement des filles ) ont eu de la peine à terminer. L'an prochain, annonce N. Arnou, l'épreuve introduira de la mousse et des matières modernes, pour faire davantage ressortir la créativité décorative. Un jeune apprenti tapisser, venu en curieux, le déplore. « C'est la base du métier ,on ne peut pas travailler correctement la mousse sans maîtriser ces techniques-là ». Lui a choisi ce métier après un bac S, par passion : d'avoir vu travailler un artisan tapissier, quand il était enfant, a décidé de sa vocation.


Trac et professionnalisme.


Un jeune candidat menuisier de Lorraine, Cyril Sachot, a souffert de la présence du public tout près de son établi, tandis qu'il s'efforçait de réaliser le Moulin Rouge en bois commandé par l'épreuve. Une jeune cosméticienne de Rhône-Alpes, Marine Sarrazin, très déterminée, n'a rien perdu de sa concentration. Soins visages, beauté des pieds et des mains, épilation, maquillage mannequin, maquillage artistique sur le thème des Glam'félines, avec un décor d'ongles associés, la succession des épreuves sur un rythme soutenu l'a épuisée mais pas décontenancée. On la sent fin prête pour l'arène des compétitions professionnelles les plus ardues.


Sens du concours aussi pour les candidats en pâtisserie-confiserie


L'un des jurés attire notre attention sur une superbe pièce de chocolat et sucre filé. « En trois ans, le niveau des meilleurs n'a cessé de monter. Les candidats ont reçu le sujet en novembre, Une Saint-Valentin à Paris, et la veille de la compétition, une boîte mystère avec des ingrédients à incorporer. Certains ont craqué avant la fin. Les épreuves sont très rapides et précises. La dimension esthétique, la qualité gustative mais aussi l'utilisation des matières comptent beaucoup : tout doit être mesuré au plus juste sans gâchis. » Alexis Bouillet, 20 ans, candidat d'Ile de France et auteur de la pièce magistrale, travaille déjà au Plazza Athénée à Paris. Après 5 ans d'études, il fait montre d'une virtuosité qui impressionne les professionnels. Seul réserve du jury, Alexis a recouru au moulage pour la pièce de chocolat – mais réalisé spécialement par une artiste d'Ile de France, ce moule est un choix esthétique que le jeune artisan assume pleinement.


Une constante : la vocation


Chez tous les jeunes gens interrogés, le choix du métier s'est fait par passion, liée à une rencontre décisive, parfois une familiarité avec le métier, toujours une évidence : « c'est ça que je veux faire ». Les familles parfois réticentes ont su accepter leur décision. L'orientation subie ou par défaut n'est visiblement pas la solution pour s'épanouir dans des métiers qui peuvent aussi constituer l'aventure de toute une vie, si on les découvre librement et sans préjugés. Chez les jeunes visiteurs croisés dans les allées, la réticence est forte et la curiosité distante. Ce type de dispositif (vaste, spectaculaire et impersonnel) ne semble pas le meilleur moyen pour faire découvrir les métiers de l'artisanat, qui demandent un fort investissement individuel.


Et plus tard ?


Tous ces jeunes candidats auront à se battre avec les aléas du marché de l’emploi et les incertitudes de l'avenir; mais ils auront les atouts d'une compétence solide et d'une motivation bien trempée. Un sort qui n'a rien à envier à celui des jeunes diplômés de l'enseignement général, pas toujours bien armés pour le monde du travail. 


A quelques pas des Olympiades, un stand de l'AFPA (Association pour la Formation Professionnelle des Adultes) rappelle aux visiteurs qu'on peut aussi apprendre un métier après 26 ans : l'organisme du Ministère du Travail propose près de 700 formations qualifiantes financées par l’État, en alternance ou en continu, pour  prendre un nouveau départ. Si certaines sont saturées (plomberie, logistique), d'autres sont largement ouvertes aux demandeurs d'emploi et salariés en CIF. 


Des horizons à méditer pour jeunes et moins jeunes, même si le monde des métiers n'a rien d'une sinécure ou d'un vert paradis, il offre encore des perspectives de réussite sociale et professionnelle à ne pas négliger.



Quelques adresses :

Le site des Olympiades :

http://www.worldskills-france.org/

Les vidéos de la compétition : 

http://www.olympiades.tv


Le site IDF de l'AFPA :

http://www.idf.afpa.fr



Par JCFumet , le lundi 07 février 2011.

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