Enseignement de la philosophie : Dès la seconde à la rentrée 2011 

Par Jeanne-Claire Fumet


Le ministre de l'éducation a choisi la Journée Mondiale de la Philosophie à l'UNESCO pour annoncer un changement considérable dans l'enseignement de la philosophie en France. Dès la rentrée 2011, les élèves de Seconde et de Première bénéficieront d'une découverte de la discipline réservée jusqu’à présent aux classes de Terminales. Une petite révolution longtemps attendue, et réclamée par une partie des enseignants, mais qui devra s'inscrire dans les innovations de le Réforme actuelle des lycées, sans que l'on sache l'impact qu'elle aura sur l'organisation de l'enseignement traditionnel de Terminale et sur les enseignements des autres disciplines.


La cérémonie d'ouverture de la Journée mondiale de la Philosophie au siège de l'UNESCO,  a  permis à Irina Bokova, Directrice Générale, de rappeler l'importance de la philosophie dans le « monde incertain et complexe » que nous connaissons : elle « apprend à penser par soi-même » affirme-t-telle et, se référant à Kant « à se dégager de toutes les tutelles ». Le Ministre de l’Éducation est alors intervenu pour annoncer une transformation profonde de l'enseignement scolaire de cette discipline.


Une réforme de grande ampleur


Se plaçant sous l'égide de Montaigne et de la « philosophie qui apprend à vivre », il évoque le statut de «couronnement de l'enseignement secondaire » et soutient son intérêt pour toutes les sections de Terminale (générale ou technique). Évoquant le colloque sur les Nouvelles Pratiques Philosophiques qui se tient actuellement à l'UNESCO sous la direction de Michel Tozzi, il souligne la nécessité d'une propédeutique précoce à la réflexion autonome, « contre les diktats de l'opinion et la séduction des divertissements », précise-t-il. Cet enseignement doit se préparer tout au long de la scolarité par un travail sur la précision de la langue, sur le raisonnement, sur  l'argumentation ; il sera désormais engagé plus tôt, dès la classe de Seconde, annonce le Ministre.


Première direction : l'ECJS en Seconde et Première sera largement ouverte aux professeurs de philosophie, qui aborderont les notions au programme ( la Déclaration des Droits de l'Homme, le droit naturel, la démocratie, les concepts de de loi ou de volonté générale) sous un angle spécifiquement philosophique. En Première, ce seront  la République, la citoyenneté, la démocratie populaire, la liberté d'opinion, mais aussi la défense nationale, la paix ou la guerre, qui feront l'objet d'approches croisées entre professeurs de philosophie, histoire géographie ou SES.


Seconde direction : les Enseignements d'Exploration, qui  feront l'objet d'une expérimentation nationale sur la base du volontariat, à l'initiative des équipes pédagogiques, dans le cadre de l'autonomie renforcée des établissements. Les professeurs de philosophie seront invités à investir particulièrement trois domaines : « Littérature et société », avec les thèmes de l'Humanisme, des Lumières, de l'engagement au XXème siècle ; « Image et langage » sur les fondements esthétiques et l'évolution symbolique des arts, ou encore « Méthodes et pratiques scientifiques » pour une première approche de l'épistémologie.


L’accompagnement personnalisé (A.P.) pourra aussi donner lieu à des ateliers de découverte. L'interdisciplinarité sera développée : les professeurs de philosophie seront appelés à intervenir de manière ciblée dans les enseignements des autres matières, dans au moins dans deux disciplines, l'une scientifique et l'autre littéraire ou relevant des sciences humaines.



Le début d'une évolution radicale ?


De multiples autres possibilités sont ouvertes, conclut Luc Chatel, qui estime que la réforme actuelle se prête bien à ces changements, en favorisant l'interdisciplinarité et la transversalité. Préparations à la philosophie en Première L, cours optionnels en lycée professionnel... les projets seront à élaborer en concertation avec les équipes pédagogiques, et une  circulaire de rentrée en fixera le cadre national. Un cahier des charges a été commandé à l'Inspection Générale et un appel à projets sera diffusé en janvier 2011 auprès de tous les lycées pour une mise en œuvre à la rentrée 2011.


Michel Tozzi, professeur émérite des Universités en sciences de l’Éducation et responsable des Rencontres sur les Nouvelles Pratiques de Philosophie, découvrait à nos côtés les déclarations du Ministre. En charge de recherches sur le projet d'un cursus d'enseignement de la philosophie tout au long de la scolarité, il voit dans cette évolution une source de progrès : « On sera enfin obligé de penser l'enseignement de la philosophie en termes de progressivité ». La question d'une approche continue et évolutive sur plusieurs années, adaptée à l'âge et au niveau de connaissances des élèves, reste en effet un sujet de vif désaccord entre tenants de l'enseignement classique de la philosophie et défenseurs des « nouvelles pratiques ». Mais pour Michel Tozzi, il faudrait aller encore beaucoup plus loin et étendre cet enseignement aux classes primaires, même si l'évolution annoncée lui semble déjà « un premier pas qui va dans le bon sens ».



Un contexte difficile et un horizon indécis


Des questions demeurent cependant en suspens : dans un contexte de restrictions, comment le ministère va-il couvrir les besoins engendrés par ces innovations ? Faut-il s'attendre à une diminution des horaires en classe de Terminale Littéraire, comme le préconise l'ACIREPH (association de professeurs de philosophie) ou dans l'ensemble des classes Terminales ? Des moments de concertation et de réunion pédagogiques seront-ils définis et inscrits dans les charges, pour permettre aux professeurs des différentes disciplines d'organiser ces approches inédites, ou l'appel au volontariat des équipes dissimule-t-il un appel au bénévolat ? Comment se géreront les modifications des volumes horaires d'enseignement par disciplines, pour les A.P. et les E.E., dont l'organisation a soulevé de bien lourdes difficultés lors de cette rentrée ? Ces questions et d'autres ne manqueront pas de se poser dès la conception des projets ; il faut espérer que les modalités précises et les conséquences de ces évolutions seront clarifiées avant le moment de dépôt des projets.


Jeanne-Claire Fumet


Sur le Café :

Les Nouvelles pratiques philosophiques 2009

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Journée mondiale 2008

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Par JCFumet , le vendredi 19 novembre 2010.

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