Orientation : L'apprentissage n'est pas un pis-aller 

Par Jeanne-Claire Fumet


Pour mieux faire connaître les réalités de la filière apprentissage aux enseignants et aux Co-Psy, le Rectorat de Paris-CIO Mediacom, la Région IDF, le BIOP-CCIP et le CIDJ organisaient mardi 12 octobre, à la Bourse de Commerce de Paris, une Journée d'échanges sur l'apprentissage. Au programme, un ensemble d'ateliers ouverts à tous pour interroger les représentations de l'apprentissage, découvrir la diversité de la filière, expliquer la spécificité de la pédagogie de l'alternance et évoquer la relation formation/entreprise.



Financée par les fonds d'expérimentation pour la jeunesse, l'opération se présente non pas comme une opération de promotion, mais de sensibilisation aux problèmes de l'orientation vers l'apprentissage. Trop souvent employée comme un pis-aller pour les élèves en grande difficulté, la filière souffre de ces orientations par défaut. Pour Michèle Dain, directrice du BIOP (centre d'orientation scolaire et professionnelle de la chambre de Commerce et d’Industrie de Paris), il est urgent de revoir les critères de l'orientation vers l’alternance.


Détecter les élèves à qui l'apprentissage convient. « Notre idée est de prévenir les situations de rupture en cours d'apprentissage. En étudiant la vision de la filière qu'ont les enseignants et Co-Psy de l’Éducation nationale, on s'est aperçu que l'image est plutôt positive dans l'ensemble, surtout pour les formations post-bac, mais le recours à l'apprentissage reste une solution de secours pour les élèves en grande difficulté scolaire. Or l'alternance est une forme spécifique de pédagogie, qui donne du sens aux acquisitions et qui peut même rendre le goût de l'étude à certains élèves décrocheurs ; mais elle ne convient pas à tous, et surtout pas en priorité aux élèves les plus faibles ».


Orienter de très bons élèves vers l'apprentissage ? « L'apprentissage demande de la maturité, le sens de l'effort, de la ponctualité, la capacité à assumer le cumul des études et du travail, il requiert une solide motivation. Je ne trouve pas aberrant d'envoyer en apprentissage de très bons élèves ; d'autant que les perspectives de poursuites d'études sont de plus en plus vastes. On oublie qu'il est possible d'accéder à des BTS ou à des écoles d'ingénieur, de commerce, etc., par la voie de l'alternance, même en entrant en apprentissage dès la classe de 3ème. Et s'il est toujours préférable d'être formé le plus possible, pour faire face à la mobilité professionnelle et les besoins d'adaptation, il y a aussi des enfants et des métiers où un CAP peut très bien convenir. »


Laisser les élèves choisir leur voie. « Les réticences des familles et des élèves sont liées au fait que trop souvent, on ne laisse pas le choix de leur orientation aux élèves. On les envoie là où il y a de la place. Si des jeunes veulent faire éducateurs de jeunes enfants en bac pro, et qu'on les envoie en comptabilité parce qu'il reste des places, ça ne peut pas marcher. On a une vraie problématique d'orientation en France, et tous les acteurs sont concernés. Peut-être faudrait-il diversifier les profils et faire intervenir également des gens qui ont travaillé dans les ressources humaines, qui connaissent la dynamique des parcours dans l'entreprise. Certaines grandes entreprises ont d'ailleurs une vraie politique citoyenne de participation à la formation des jeunes.»



EDF, une entreprise fortement impliquée dans la formation.


Denis Bouchard, directeur régional de l'Emploi à EDF, témoigne de la politique d'apprentissage de son groupe.


Dissocier formation et embauche. "Pour pouvoir développer fortement l'alternance, nous avons choisi de dissocier l'apprentissage et l'embauche, ce qui nous permet de former dans tous les métiers, qu'ils soient ou non des métiers d'appel", nous dit-il. "Nous nous sommes engagés tôt, dès 2005, sur un objectif de 10% d'alternants, alors que la commission des titres d'ingénieur ne voulait pas de formation en alternance, de peur de dévaloriser le diplôme. Dans les métiers où nous avons des besoins, techniciens et ingénieurs, le taux d'embauche est très élevé ; mais nous formons aussi sur des métiers du tertiaire (secrétariat, communication, R.H.) pour lesquels nous n'avons pas d'embauche, en assurant une vraie expérience professionnelle, valorisable. "


Le taux d'embauche des alternants : un mauvais critère ? « Depuis plusieurs années, beaucoup d'élèves viennent préparer un bac et ne veulent pas être embauchés : ils reprennent goût aux études et veulent continuer. Pour nous, c'est un vrai problème parce que cela fausse les chiffres et pose des difficultés en terme de gestion des ressources humaines. Le taux d'embauche devrait être calculé hors poursuite d'études, par rapport au nombre de jeunes disponibles pour l'emploi, pour être révélateur. »


Des jeunes plus opérationnels, plus familiers du monde de l'entreprise. « Nous avons des jeunes en insertion, en contrat de professionnalisation, à qui un ou deux ans de formation remettent le pied à l'étrier. Ils n'ont pas d'embauche chez nous, mais ils trouvent du travail en sortant. La formation en alternance est d'une efficacité incomparable pour préparer au monde de l'entreprise. C'est pour cela qu'il faut développer la coopération entre l'école, les entreprises et les familles. Et puis surtout, il ne faut pas croire que l’orientation s'adresse aux lycéens : la connaissance des métiers devrait commencer beaucoup plus tôt, dès l'école primaire. Il faudrait emmener les enfants sur les lieux de travail pour leur montrer ce que l'on fait, plutôt que faire venir des professionnels dans les établissements. »


Ce que défendent les acteurs de l'alternance, et ce qu'ils veulent faire entendre aux enseignants et conseillers d'orientation, c'est que l'alternance n'est pas une voie de résorption de l'échec scolaire qui pallierait les carences scolaires des plus faibles, mais qu'elle constitue une voie complémentaire et partenaire de la formation à plein temps. Raison supplémentaire pour associer les compétences de tous dans la recherche de solutions réelles et durables contre l'échec scolaire.



Liens :

A l'initiative du BIOP, en liaison avec l'ONISEP et le CIDJ, la Nuit de l'orientation se tiendra le 22 janvier 2011 de 15h-22h à la Bourse de Paris, 2 rue Viarmes 75001 Paris

Renseignements et contacts :

http://www.biop.ccip.fr/

CIDJ :

http://www.cidj.com

Pour tout savoir sur l'apprentissage (statut, salaire, contrat...) :

http://www.apprentissage.gouv.fr



Par fjarraud , le mardi 12 octobre 2010.

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