Enseignants débutants : une péniche pour la galère 

Par Jeanne-Claire Fumet


Alors que les nouveaux professeurs des écoles s'apprêtent à intégrer leurs classes à temps plein et que les professeurs du secondaire terminent leur première période d'immersion sans formation, les questions du tutorat et de la titularisation entrainent les syndicats dans d'insolubles alternatives. Mercredi 20 octobre, le SGEN-CFDT avait choisi l'ambiance bohème d'une péniche en bord de Seine pour accueillir « syndicalement et professionnellement » les enseignants débutants. A bord de l'Alizé, conseils, outils, rencontres, tables rondes et apéritif étaient prévus pour rasséréner les jeunes enseignants parfois malmenés par l'institution.



 « Nous recevons les collègues débutants dans un esprit d'accueil et d'accompagnement, précise Antonio Gonçalvez, militant SGEN-CFDT des Yvelines. Nous voulons leur apporter des outils professionnels, pédagogiques, syndicaux aussi, mais surtout leur permettre de trouver des ressources, auprès de nos partenaires présents (comme le CRAP ou Montessori) avec lesquels ils peuvent discuter librement. C'est plutôt un temps pédagogique et d'information, qu'un temps de revendication syndicale. Mais nous sommes à l'écoute : nous allons, par exemple, participer ce soir à l'AG du mouvement Stagiaire Impossible.»


Au sous-sol, une table ronde sur le thème « résoudre collectivement les problèmes de violence et les conflits » rassemble un auditoire attentif et studieux. Ceux qui ont pu venir malgré les difficultés de transport et les autres sollicitations sont de toute évidence très demandeurs de conseils. Pourtant, il semblerait que les questions de gestion de la classe ne soient pas leur principal souci. « Mon stagiaire est rentré démoralisé d'une journée de formation sur la gestion de classe, intervient Sandrine Grié, professeur d'anglais et militante syndicale. On lui a répété toute la journée que s'il n'arrive pas bien à gérer ses classes, c'est parce que ses cours sont mal faits. Mais avec un service plein, il n'a pas assez de temps pour préparer son cours comme il le voudrait. C'est très culpabilisant pour un débutant. Et il est épuisé, alors qu'il faut être en forme pour faire face à une classe! »


Fallait-il accepter d'assumer le tutorat des jeunes enseignants ? Pour le SGEN-CFDT, la question ne se pose plus vraiment. « Nous avons voté contre la masterisation, mais la réforme existe, ces stagiaires arrivent dans les établissements, il faut bien les accueillir. J'étais moi-même contre la fonction de tuteur, avoue Sandrine Grié . Mais quand le collègue est arrivé, je n'ai pas eu le cœur à refuser. Maintenant, nous découvrons la réalité de la fonction : nos IPR nous ont réuni et nous ont dit très clairement que la validation des stagiaires se ferait lors d'un jury qui reposerait sur un rapport du tuteur et un rapport du chef d'établissement. Et c'est tout. Donc sans inspection. Certains sont tombés des nues et ont voulu refuser, mais on nous a répondu que la rémunération attachée à la fonction (2000€ par an) impliquait cette responsabilité. »


Au risque de voir pérenniser un système qui ne satisfait personne ? « Les syndicats qui poussent les hauts cris et incitent leurs adhérents à refuser le tutorat ne s'inquiètent pas de savoir ce que deviennent les jeunes collègues laissés à l'abandon. Nous, nous revendiquons le retour à une vraie formation en alternance, où les stagiaires puissent échanger entre eux et découvrir des points de vue différents, comme c'était le cas avec l'IUFM. Nous voulons qu'ils aient un service allégé pour pouvoir préparer sereinement leurs cours. Mais en attendant, il faut s'en occuper. Ils souffrent bien assez de leurs conditions de travail. »


En attendant que les syndicats trouvent une issue à ces dissensions de principe, les enseignants débutants essaient de s'organiser en mouvements de revendication et de sensibiliser leurs collègues titulaires à leur situation. Ce qu'ils demandent, c'est une réduction de leurs heures de service pour pouvoir préparer leurs cours, le soutien d'un tuteur disponible et impliqué pour chacun, une décharge de service pour les temps de formation et la clarification officielle de leurs conditions de validation. Ces conditions peuvent difficilement être remplies sans conséquences sur les obligations de service des titulaires, ce qui rend la situation extrêmement délicate. Les syndicats dénoncent depuis plusieurs mois le risque de clivage que représente la situation des stagiaires sans formation au sein de la profession. Mais devant l'urgence du problème, proposer des solutions alternatives acceptables sera sans doute l'un des enjeux de revendication majeurs des prochaines semaines.



Liens :

La question des stagiaires

http://www.cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/2010/1[...]

Sgen-Cfdt :

http://www.cfdt.fr

Collectif Stagiaire Impossible :

http://stagiaireimpossible.blogspot.com/



Par fjarraud , le vendredi 22 octobre 2010.

Partenaires

Nos annonces