Dauphine passe une convention Egalité des chances avec des lycées du 93 

Par Jeanne-Claire Fumet


-> Entretien avec Fadela Amara : « il faut cesser ce gâchis ! »


Pour la deuxième année consécutive, les conventions « Égalité des chances » passées avec 9 lycées de Seine Saint Denis situés en zone sensible, manifestent la volonté de l’Université Paris Dauphine d’ouvrir plus grand les portes de l’excellence à tous les lycéens. En présence du président de l’Université Dauphine, Laurent Batsch, du recteur de l’académie de Créteil, William Marois, des responsables des établissement concernés et de la Secrétaire d’État Fadela Amara, la signature officielle a permis de réaffirmer l’esprit d’élitisme républicain d'un dispositif qui concerne 14 élèves.


Favoriser l’égalité des chances, c’est aussi faire entrer les meilleurs lycéens, d'où qu'ils viennent,   dans des établissements prestigieux qu’ils n’oseraient pas toujours solliciter. Une action que le président de l’Université, Laurent Batsch, ne place pas sous le signe des quotas, mais d’un objectif à atteindre : offrir à tous les lycéens qui le méritent le même statut, le même niveau et la même reconnaissance, sans transiger sur les qualités scolaires. « C’est parce que nous sommes élitistes que nous ne sommes pas l'Université du 16ème arrondissement, mais celle de toute la France et au-delà. Nous ne voulons laisser à la porte aucun élève qui mériterait d'entrer », affirme Laurent Batsch.


Le recteur de l’Académie de Créteil, William Marois, se félicite du développement de l’opération : « il faut donner le meilleur aux jeunes, que chacun trouve la voie de la réussite en valorisant ses propres talents. Nous devons montrer toute la diversité des formes de l’excellence. »


Le dispositif prévoit une démarche d’information auprès des lycéens ainsi que des cours de soutien actif en 1ère dans les matières importantes, afin d’améliorer les chances des postulants. Ils peuvent aussi se familiariser avec l'établissement en le visitant et en assistant à certains cours (« ça change du lycée, la bibliothèque est immense… Pas du tout comme chez nous !», dit un élève de 1ère ES du lycée Feyder). Si son dossier est accepté, l’étudiant bénéficiera d’un triple parrainage, de la part d’un enseignant, d’un étudiant et d’un ancien élève. Une association d’étudiants s'est constituée pour faciliter l'organisation du parrainage. Détail  original : filleuls et parrains étudiants seront invités à se choisir mutuellement lors d’une séance de « speed dating ».


Cité en exemple, Smaïl Bouabdellah, bénéficiaire du dispositif, a réussi un parcours d'exception : titulaire d’une licence de sociologie de Nanterre, il a intégré l’IPJ (Institut Pratique de Journalisme) en apprentissage à Dauphine (1); embauché par l’Equipe TV, il est à présent commentateur d'une rubrique de football.


Pour les proviseurs des lycées concernés (Auguste Blanqui à St Ouen, Condorcet et Jean Jaurès à Montreuil, Eugène Hénaff à Bagnolet, Jacques Brel à la Courneuve, Louise Michel à Bobigny, Maurice Utrillo à Stains, Olympe de Gouges à Noisy le Sec, Suger à St-Denis, Marcelin Berthelot à Pantin et Feyder à Epinay sur Seine), le tableau est plus contrasté. L’un des établissements n’a été contacté qu’en mars pour l’année en cours ; les préparations intensives doivent être assurées par les professeurs des établissements secondaires ; la procédure de sélection est ressentie comme obscure, peu adaptée aux compétences des élèves de section ES…  Au moins la convention permettra-t-elle de stopper l’hémorragie de bons élèves, espère l’un des proviseurs.


Renaud Dorandeu, professeur de sciences politiques à Dauphine et coordinateur du programme, reconnaît que le dispositif est très consommateur de temps. Il concernait 4 élèves et 2 lycées en 2009, et 14 élèves pour 11 lycées en 2010 (plus 24 lycéens de 1ère et une dizaine en Terminale) et devrait atteindre 60 élèves, soit 10% d’une promotion de première année à l’horizon 2012.


Lors de son intervention finale, Fadela Amara, Secrétaire d’Etat chargée de la politique de la Ville, a rappelé l’esprit de cette démarche : « Donner plus à ceux qui ont moins », et souligné la part indispensable de la bonne volonté des acteurs, enseignants et responsables des établissements : « ce n’est possible que parce que vous vous engagez ». Elle attend des jeunes gens promus socialement par cette voie qu’ils se fassent « les vigies de la République, qui vont faire changer les regards sur les quartiers » mais aussi qui vont « casser le ghetto mental dans les quartiers » en montrant qu’il ne faut pas limiter ses ambitions simplement à cause de ses origines sociales ou ethniques.



(1) http://www.ipj.eu/


Pour en savoir plus :

http://www.dauphine.fr/



Entretien avec Fadela Amara : « il faut cesser ce gâchis ! »


Après la signature des conventions, la Secrétaire d’État a accepté de répondre à nos questions.


Ne craignez-vous pas que des mesures comme la suppression des RASED ou la réduction de la scolarisation des plus jeunes enfants ne détruisent à la source ces efforts de démocratisation de la réussite pour tous ?


Quand on fait des réformes, c’est quand même généralement pour apporter une amélioration! Dans l’Éducation nationale, il y a beaucoup de dispositifs mis en place, dont certains s‘empilent depuis trop longtemps. En réalité, on a besoin d’objectifs précis pour réaménager et mutualiser ces moyens et les rendre plus efficaces. Je suis très attachée à la question des RASED; ils sont très importants pour les enfants en grande difficulté. Mais en même temps, dans le cadre de la dynamique « Espoir Banlieues », l’Éducation nationale a mis en place l’accompagnement éducatif et la réussite éducative: il faut regarder ce qui existe et l’utiliser mieux pour éviter les doublons.


Pensez-vous alors que les compétences et l'expérience des personnels RASED pourrait être mieux utilisée ?


Il faut faire du sur-mesure, c’est pour cela que Luc Chatel a demandé à chaque recteur d’académie d’analyser les besoins réels sur son territoire. Cette concertation qui part du terrain lui permettra de prendre des mesures au plus près des réalités locales. Mais ce que je souhaite, et je le dis à Luc Chatel, c’est que nous ayons une attention toute particulière pour les zones d’éducation prioritaires, parce que certains rapports, notamment celui de la Cour des Comptes, nous expliquent que les inégalités se creusent sur ces territoires. Or l’ensemble des réformes doit profiter à tous.


Justement, les chefs d’établissement s’alarment des effets de l’assouplissement de la carte scolaire, qui semble aggraver la déshérence des établissements les plus fragiles…


La carte scolaire partait d’un sentiment généreux, mais elle a abouti à assigner à résidence des catégories de population. L’assouplissement de la carte scolaire aurait dû permettre d’organiser la mixité sociale ; ce n’est pas le cas, et sa suppression ne le permettrait pas non plus. Il faut donc trouver une nouvelle méthode qui nous permettrait d’organiser volontairement la mixité sociale. Dans le cadre de la politique « Espoir Banlieues », il y a les conventions signées dans le cadre des « Cordées de la réussite » (1), il y a aussi le « busing » : c’était ma volonté d’organiser concrètement la mixité sociale et mélanger les populations. Là où il a été mis en place, ça marche très bien. Mais certains ont refusé de le mettre en place pour des raisons idéologiques. Je crois que notre République a besoin qu’on arrête le gâchis qui existe depuis des années.  Dans le cadre des Etats généraux contre la violence dans les établissements scolaires, nous avons proposé à Luc Chatel 30 sites d’expérimentation d’un emploi du temps qui  réserverait  l’après-midi à des sorties culturelles et des activités sportives. Il en a retenu  - tant mieux ! Il ne faut pas hésiter à être révolutionnaires, dans le domaine de l’éducation. Quand il y a autant de moyens mis en œuvre, il faut aussi savoir mutualiser et optimiser en allant dans le même sens, c’est-à-dire l’intérêt de nos enfants qui sont l’avenir de notre pays.


Entretien Jeanne-Claire Fumet



(1)   http://www.gouvernement.fr/gouvernement/les-cordees-de-l[...]


(2)   http://www.ville.gouv.fr/?Fadela-Amara-et-Xavier-Darcos



Par fjarraud , le lundi 07 juin 2010.

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