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Editorial : Faut-il investir davantage dans l'Ecole ? 

Le projet d'une nouvelle politique éducative aux Etats-Unis a forcément un impact mondial. En France tout particulièrement elle relance le débat devenu classique sur la rentabilité des dépenses éducatives. Pour les auteurs du rapport Tough Choices, Tough Times, c'est la volonté de maintenir les Etats-Unis en tête de l'économie mondiale qui justifie un nouvel effort de 8 milliards de dollars. Pour eux, l'avenir de l'économie américaine se joue dans sa capacité d'innovation et cela implique de disposer d'une main d'oeuvre très qualifiée et donc très adaptable. Pourtant l'effort éducatif américain est déjà très important. Ainsi les Etats-Unis ont un taux d'étudiants dans le supérieur beaucoup plus élevé que le taux français. 82% des jeunes y poursuivent des études supérieures contre 56% en France. Le pays compte 15 élèves en moyenne par enseignant contre 19 en France.

C'est aussi l'avis de l'Ocde. Ainsi Andréas Schleicher, directeur de l'éducation de l'Ocde, pouvait affirmer au printemps dernier que "les économies les plus compétitives seront celles qui produiront le plus d'information et de connaissances... On pourrait penser qu'avec un tel développement de l'éducation il y aurait une baisse de la valeur des diplômes. A l'évidence c'est le contraire. A l'exception de l'Espagne, les revenus et les autres variables qui nous informent sur la valeur sur le marché du travail de l'éducation ont augmenté plus vite que l'offre depuis 1998. La demande de personnel qualifié augmente plus vite que la fourniture par nos universités".

Mais la rentabilité économique de l'éducation est encore en débat en Europe. Pour certains, l'élévation du niveau de diplômes relève d'une course sociale aux postes mais n'élève pas forcément la productivité. Ainsi François Dubet et Marie Duru-Bellat dénoncent une inflation scolaire qui aggrave les inégalités sociales et qui a décroché de la vie économique. " Aucun pays n'est assez riche pour allouer toutes ses richesses à l'éducation : des arbitrages s'imposent donc, qui rendent nécessaire d'expliciter les finalités recherchées. Si c'est davantage d'égalité entre les jeunes qui est visée, les recherches françaises ou européennes montrent qu'il est sans doute bien plus efficace de mettre en oeuvre des politiques de la petite enfance ou d'aide aux familles, du logement (etc.), que de développer un enseignement supérieur où les plus favorisés savent très bien se réserver les filières les plus rentables. Si c'est l'innovation et la compétition économique que l'on privilégie, alors il faut s'interroger sur ce que «produit» notre enseignement supérieur tel qu'il est : et, dans ce cas, ce n'est plus en termes quantitatifs («plus de la même chose») qu'il faut raisonner, mais en termes qualitatifs (de quels diplômés a-t-on besoin, dotés de quelles compétences ?). Si c'est l'insertion des jeunes qui importe, alors privilégier une réponse en termes de «plus d'école» fait peser sur le système éducatif une responsabilité écrasante et absout par avance le monde patronal pour son manque d'implication dans les questions de formation". Et on constate en effet que la hausse du PIB n'a pas suivi exactement celle des dépenses en éducation.

Pour Marc Gurgand, "il reste difficile aussi bien de déterminer précisément le niveau d'éducation idéal dans une économie données que de quantifier avec certitude son effet sur la croissance... En revanche les éléments dégagés par la littérature économique permettent d'affirmer que, dans des économies de moins en moins protégées..., l'éducation en particulier parce qu'elle prépare à faire face à la nouveauté, est une ressource économique plus que jamais précieuse".

Encore faut-il que le débat ne soit pas perverti par un autre travers qui est la recherche de l'élitisme. Ce que recherchent les Etats-Unis par ce rapport c'est l'élévation du niveau scolaire général de leur jeunesse dans un pays où déjà presque tous les jeunes font des études supérieures.

Le programme gouvernemental en France prévoit bien d'augmenter le budget des universités pour s'insérer dans la course mondiale à l'innovation. Mais il accompagne cet effort financier d'une restriction à leur accès. Les universités devraient à la fois disposer de davantage de moyens et de moins d'étudiants.

On le constate : bien des éléments opposent les deux rives de l'Atlantique. Si dans les deux pays, projets éducatifs et projets sociaux sont liés, les réponses apportées sont à l'opposé.

Ce débat concerne les enseignants très directement quand ils participent à l'orientation des élèves. L'accent mis récemment sur la nécessité de tenir compte du marché actuel du travail, l'importance croissante des stages et visites d'entreprise sont justifiés par ce qu'ils rapprocheraient le jeune de la réalité économique. Et c'est sans doute vrai si on considère une certaine stabilité des économies et des hommes et une sortie rapide du système éducatif.

Elle est sans doute sans valeur si on estime que l'économie européenne va connaître des changements rapides et que la capacité d'adaptation sera plus nécessaire aux salariés que la connaissance ponctuelle d'une routine professionnelle.
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Par  François Jarraud , le vendredi 22 décembre 2006.

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